Un million de Mars'iens : Ahmed
Lundi 15/08/2011 | Posté par Samir Akacha
LES SÉRIES DE L'ÉTÉ - UN MILLION DE MARS'IENS. Marseille : 850 000 habitants et un peu plus. Dans cette chronique, Samir nous emmène à la rencontre de l'un d'eux, croisé au hasard de ses déambulations et de ses rencontres fortuites. Aujourd'hui : Ahmed
"Eh chef, venez on échange, je vous prends les citrons, je vous donne les soles ! ". Ahmed, derrière son étalage de poissons, interpelle les passants, qui lui laissent un sourire, à défaut de s'arrêter. "Les gens n'achètent pas grand chose, c'est dur, après les fêtes il n'y a plus de sous". Il tambourine sur le bac bleu qui héberge provisoirement soles, baudroies, St Pierre, gallinettes, mostelles et rascasses. L'étalage attire la curiosité d'une petite fille, prompte à interroger sa maman sur ces étranges créatures.
Sur le Vieux Port, ils sont une dixaine à vendre ce qu'ils ont pêché au cours de la nuit. Le ciel est nuageux, l'air chargé d'iode et d'odeurs de poissons, ce qui ne gêne pas les mouettes qui récupèrent les morceaux jetés à la mer, les peaux et les entrailles balancées sans ménagement entre deux passages de lames, ajoutant leurs cris à l'ambiance bon enfant du port.
Ahmed est pêcheur depuis huit ans. Dès deux heures du matin, il embarque avec son patron et ne revient qu'à 6 heures, pour revendre ce qu'ils ont attrapé. A 14 heures, il remballe le matériel et réembarque une heure plus tard, pour aller caler les filets. Le boulot se termine à 21h. Il équilibre son repos avec les jours de mauvais temps, quand le bateau ne sort pas en mer.
Une cigarette à la main, qu'il tient précautionneusement pour ne pas la mouiller (entre deux découpes de poisson, il plonge ses mains dans un seau d'eau), il me parle de Marseille : "Je ne pourrais jamais partir de Marseille. Il faut être fou pour habiter à Paris, Lyon. Une fois qu'on y a goûté, on ne peut plus s'en passer". Les passants circulent, on discute, on questionne, on achète sans négocier. Encore un peu et Ahmed sacrifiait les prix. Mais l'appétit des badauds semble se réveiller, et les demandes vont bon train. "Et voilà, 41 euros Madame! "
Ahmed reprend ses explications: "Si j'aime autant Marseille, c'est à cause de la mer". Accompagnant le geste à la parole, il balance sa cigarette dans l'eau, qui, elle, n'attire pas la fougue des mouettes. Pourtant, sa déclaration ne manque pas de sincérité. Pour 2011, il préfère les voeux aux résolutions : un autre président, plus de pouvoir d'achat, pas de réserve naturelle. "Les poissons, il y en a autant qu'avant. Ils ont interdit les thons rouges, mais il y en a tellement qu'on les prend au bord. Ce sont les chalutiers qui massacrent tout, pas les petits pêcheurs". Et en guise de message aux Marseillais : "Qu'ils viennent acheter du poisson! "
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Par Tony Off