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La Commune de Marseille - Episode 3

Lundi 16/05/2011 | Posté par Jan Cyril Salemi

JAN CYRIL POURSUIT SON VOYAGE DANS LE TEMPS, en septembre 1870, Napoléon III a été capturé par les Prussiens, la République est proclamée en France. A Marseille règne un climat révolutionnaire. De cette confusion va naître la Ligue du Midi, véritable gouvernement autonome !

Au matin du 5 septembre 1870, le peuple de Marseille a pris possession de la Préfecture. Pour tenter de maîtriser la situation, Léon Gambetta, ministre de l’intérieur dans le tout récent gouvernement de la défense nationale, nomme Alphonse Esquiros comme administrateur supérieur des Bouches-du-Rhône. Celui-ci est connu pour ses idées socialistes et anticléricales, et le 7 septembre, il est accueilli à Marseille avec enthousiasme. Il règne alors une grande excitation populaire, encouragée par les gardes civiques. Cette sorte de milice citoyenne, qui regroupe essentiellement des ouvriers, s’est constituée de fait lors de l’occupation de la Préfecture.

Les républicains modérés, un peu débordés, ont laissé se former cette garde civique révolutionnaire, qui fait autorité dans les rues. Elle procède à des arrestations expéditives et se montre intransigeante envers tous les opposants à la Révolution. Avec la bienveillance d’Esquiros, les gardes civiques accentuent leurs actions et s’en prennent violemment aux notables et à l’Eglise. A son arrivée, Esquiros, avait constaté que la dictature à Marseille était “celle de l’opinion publique”, et il décida de lui accorder quelques “sages concessions.”

Mais l’administrateur se trouva rapidement pris entre deux feux : d’un côté, maintenir l’ordre et d’un autre, laisser s’exprimer la révolution. La mission est complexe, elle l’est d’autant plus que le gouvernement central est sous la menace. Les Prussiens s’approchent de Paris, et la France semble incapable de résister à l’avancée. La nation est proche de l’implosion. Pour défendre la souveraineté du territoire, Esquiros accepte les propositions d’un comité qui réclame la création d’un gouvernement du Midi.
Le 14 septembre, Esquiros adresse un véritable ultimatum à Paris. Il demande sous trois jours l’autorisation pour les départements du Midi de s’organiser militairement. La réponse ne vient pas, et le 18 septembre, Esquiros annonce la constitution de la Ligue du Midi, qui aura “la liberté d’action entière pour l’organisation de la défense nationale.”

Treize départements s’unissent pour essayer de “sauver le nord” : Bouches-du-Rhône, Gard, Hérault, Var, Vaucluse, Alpes Maritimes, Basse-Alpes, Hautes-Alpes, Drôme, Ardèche, Haute-Loire, Rhône et Isère. Marseille est désignée capitale de cette Fédération, qui forme un véritable gouvernement, avec Esquiros à sa tête. Mais au-delà du programme militaire, l’ambition de la Ligue est aussi d’imposer des décisions politiques et révolutionnaires : confiscation des biens du Clergé, séparation de l’Eglise et de l’Etat, application d’un impôt sur la fortune, liberté de la presse, etc.
Le gouvernement central ne veut pas céder à cette agitation, mais il est déjà est dépassé par son ampleur. Début octobre, la Ligue du Midi annonce : “Nous sommes résolus à tous les sacrifices, (...) et nous ferons appel à la Révolution implacable et inexorable, avec toutes ses haines, ses colères et ses fureurs patriotiques.”

Gambetta tente de destituer Esquiros. Mais le soutien de la population, qui a juré “de brûler la ville plutôt que de laisser partir Esquiros”, est tel qu’il reste en poste. Durant tout le mois d’octobre, l’opposition au pouvoir central ne cesse de s’amplifier. La ville vit désormais en situation de rébellion. Toutes les conditions sont réunies pour que soit proclamée officiellement la Commune Révolutionnaire de Marseille. (à suivre...)

Crédit photo : Collection des Archives Départementales des Bouches-du-Rhône

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Jan Cyril Salemi -


Réactions des internautes

Romuald
Mardi 17 Mai 2011, 13:01
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Qu'il semble très loin, ce temps révolu d'une gauche farouchement anti-bigots, souverainiste et patriotique. 


En tout cas, très intéressante série d'articles !!

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Jan Cyril Salemi
Mercredi 18 Mai 2011, 00:05
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Fédéraliste plutôt que souverainiste
 A cette époque, à Marseille en tout cas, et plus largement dans le Midi, la gauche est effectivement anticléricale, patriote, mais pas vraiment souverainiste. C'est plus complexe que ça.

Le mouvement révolutionnaire est plutôt fédéraliste. Il ne remet pas vraiment en cause l'idée de nation française, mais il pose un nouveau rapport entre Paris et "la province".

A l'origine, la Ligue du Midi est fondée pour venir en aide à Paris bientôt assiégé. La Ligue espère que d'autres régions suivront, et que la République naissante se construira sur une base de fédéralisme et de décentralisation.

L'idée n'est pas le séparatisme, la Commune de Marseille veut défendre la "République française, une et indivisible". Mais derrière cette "République une", les Révolutionnaires marseillais revendiquent aussi une certaine autonomie régionale, qui se traduirait par un état fédéraliste.

A cette époque, il faut savoir aussi qu'à Marseille, la langue de la rue n'est pas le français. Les gens le parlent et le comprennent, mais le provençal est encore très présent. Une grande partie de la mémoire de cette période se transmettra par des chansons, des poèmes, des récits en provençal.

Pour toutes ces raisons, le mot souverainiste ne correspond pas vraiment au contexte ni aux faits.
L'idée des Communards marseillais, c'était aussi d'équilibrer les relations de pouvoir entre le centre (Paris), et le reste (la France).
140 ans plus tard, on voit bien que ça n'est pas ce chemin qui a été suivi....


En tout cas, tant mieux si vous trouvez la série intéressante !




 

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Romuald
Dimanche 22 Mai 2011, 13:12
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Re: Fédéraliste plutôt que souverainiste
Merci pour ces précisions Jan Cyril !

Peut-on voir dans ce « parisianisme » actuel une forme de jacobinisme teinté de mépris envers la « France d'en bas » ?
On observe depuis quelques décennies une résurgence des identités régionales; c'est peut-être une façon de s'affranchir d'un Etat par trop centralisé, malgré la décentralisation et qui par peur de la dissolution de la nation et de la République, tend à nier ces identités, cette diversité (terme très en vogue...) régionale, ethnique, culturelle.

Or il est tout à fait possible de se revendiquer Provençal, Breton, Normand, Occitan, Basque, Corse, Savoyard etc et Français, même si, ici et là, des mouvements autonomistes voire indépendantistes ont pu naître.

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