La Commune de Marseille - Episode 5
Vendredi 05/08/2011 | Posté par Jan Cyril Salemi
LES SÉRIES DE L'ÉTÉ - LA COMMUNE DE MARSEILLE. Printemps 1871. Marseille, qui a précédé la capitale dans le mouvement révolutionnaire, va cette fois se rallier à elle pour soutenir la Commune de Paris qui commence le 18 mars. Le 23 mars, Gaston Crémieux prend la tête de l’insurrection marseillaise.
Au début de l’année 1871, Marseille vit dans un calme précaire. La ville redoute d’être envahie par les Prussiens, et l’annonce, après quatre mois de siège, de la capitulation de Paris est reçue comme un choc. Fin janvier, l’armistice est signé. Le pays se divise désormais entre capitulards et résistants. A Bordeaux, où elle s’est repliée, l’Assemblée nationale valide la capitulation et élit Adolphe Thiers “chef du pouvoir exécutif de la République française”.
Le 26 février, Thiers signe à Versailles un Traité préliminaire de paix, qui contraint la France à céder l’Alsace-Lorraine. En mars, l’Assemblée nationale choisit de s’installer à Versailles. Par crainte d’un soulèvement populaire, Thiers décide de désarmer Paris. Il veut récupérer les canons et les fusils qui ont servi à la population pour se défendre pendant le siège. Mais le 18 mars, les soldats qu’il envoie pour confisquer les armes, fraternisent avec la population. C’est le début de la Commune de Paris, qui s’achèvera le 28 mai, après la “semaine sanglante”. Thiers et le gouvernement se réfugient alors à Versailles, d’où ils tentent de rétablir l’ordre.
A Marseille, la nouvelle de l’insurrection de Paris est d’abord peu diffusée. Ce sont des affiches officielles du gouvernement, relatant les événements, qui vont mettre le feu aux poudres. Ces affiches convainquent la population que Thiers, dans sa volonté de mater la révolte, œuvre en fait au rétablissement de l’Empire. Le soir du 22 mars, pendant une réunion enflammée, Gaston Crémieux, un avocat, dont l’aura est immense auprès du peuple, prend la parole : “Citoyens, les circonstances sont graves. Quel est le gouvernement que vous reconnaissez comme légal ? Celui de Paris ? Ou celui de Versailles ?” Un cri unanime lui répond : “Vive Paris !”
Le lendemain, pour contrer l’ardeur populaire qui s’annonce, le préfet demande au maire de mobiliser la garde nationale et d’apporter son soutien au gouvernement de Versailles. La municipalité hésite, mais refuse finalement.
La population, quant à elle, n’a pas d’hésitation. Dans l’après-midi, des milliers de manifestants marchent vers la Préfecture, qu’ils envahissent facilement. Le préfet et ses assistants sont faits prisonniers. Une Commission départementale, présidée par Crémieux, prend le contrôle de la situation.
Pour Crémieux, il était décisif de donner une légitimité à l’insurrection. L’idéal aurait été de provoquer des élections, en accord avec le gouvernement révolutionnaire de Paris, et de constituer un nouvel état fédéraliste et décentralisé. “Nous voulons, proclame alors la Commission, la décentralisation administrative avec l’autonomie de la Commune.” L’idéal de Crémieux ne se réalisa pas, bien au contraire. Les insurrections menées à Lyon, Saint-Etienne ou Toulouse sont rapidement réprimées. Fin mars, seules Marseille et Paris résistent encore. La Commission est toutefois résolue à gagner sa légitimité par le vote. Le 1er avril, elle annonce la dissolution du Conseil municipal et convoque des élections pour le 5 avril.
Mais dans le même temps, la réaction des conservateurs se prépare. Dès le début de l’insurrection, le général Espivent de la Villeboisnet, commandant en chef de l’armée dans le département, s’est retranché avec ses troupes à Aubagne. Le 26 mars, il déclare les Bouches-du-Rhône en état de guerre, et attend le moment propice pour donner l’assaut. La Commission ne prend pas conscience du danger qui la guette. Les armes s’entassent dans la Préfecture, elles ne sont pas distribuées aux hommes. Les points stratégiques, la butte de Notre-Dame de la Garde, les forts, la gare, ne sont pas gardés. Ce manque de précaution et d’anticipation sera fatal.
Le 3 avril au soir, Espivent et ses troupes quittent Aubagne et marchent vers Marseille. Prévenue pendant la nuit, la Commission s’organise dans la hâte. Une centaine d’homme est envoyée à la gare, des barricades sont érigées dans toutes les rues autour de la Préfecture. Mais à l’aube, les troupes d’Espivent ont déjà pris position place Castellane et sont installés sur la colline de Notre-Dame de la Garde. Les soldats sont prêts pour l’affrontement.
(à suivre... dernier épisode demain)
Crédit photo : Collection des Archives Départementales des Bouches-du-Rhône
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Par Tony Off