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La Commune de Marseille - Episode 6

Samedi 06/08/2011 | Posté par Jan Cyril Salemi

LES SÉRIES DE L'ÉTÉ - LA COMMUNE DE MARSEILLE. Depuis le 23 mars 1871, Marseille, en soutien à la Commune de Paris, est en situation d’insurrection. Le 4 avril au matin, l’armée occupe la ville et se prépare à intervenir pour mater la révolte. La Commune de Marseille vit ses dernières heures. LA COMMUNE : DERNIER ÉPISODE

“- Quelles sont vos intentions ? -Nous venons rétablir l’ordre.” Ce matin du 4 avril, Gaston Crémieux se rend jusqu’à la place Castellane, où les troupes de l’armée ont pris position pendant la nuit. Le président de la Commission, qui tient le pouvoir à Marseille depuis une dizaine de jours, veut essayer de parlementer avec les soldats. Le général Espivent de la Villeboisnet, qui dirige la troupe, ordonne à Crémieux l’évacuation de la Préfecture.

Les soldats se sont regroupés tout autour du bâtiment. Avec leurs canons, ils occupent aussi la colline de Notre-Dame de la Garde et le Fort Saint-Nicolas. Depuis le lever du jour, une foule nombreuse s’est rassemblée devant la Préfecture et fait face aux militaires. Après quelques intimidations de part et d’autre, c’est le début de la fusillade.
L’affrontement sera sans pitié. La Préfecture est remplie d’armes, de munitions, de vivres, et les insurgés sont décidés à lutter. Autour, dans les rues de la ville, jusque sur le haut de la Canebière, à la gare, à la Plaine, des combats ont lieu. Le déluge de balles fait des ravages dans la population, mais la résistance est vive. Vers midi, Espivent, craignant que ses soldats soient débordés par la foule, ordonne le bombardement.

“Aurai totjorn la colèra                      J’aurai toujours la colère
D’aguer vist quatre artilhurs             D’avoir vu quatre artilleurs
Lo jorn de tant de malurs                    Le jour de tant de malheurs
Tirar de la Bòna Mèra”                      Tirer de la Bonne Mère

témoignera, quelques années plus tard, Miquèu Capoduro, un chansonnier. Pour être compris de tous, il s’exprime en provençal, qui est alors la langue de la population. Une grande partie de la mémoire de ces événements sera transmise par des textes, des poèmes, des chants en provençal.

Le bombardement massif dure jusqu’au soir. Depuis la Bonne Mère, plus de 300 obus sont tirés sur la Préfecture. Les tirs venus du Fort Saint-Nicolas sont beaucoup moins précis et s’abattent un peu partout sur les rues aux alentours. Les victimes sont nombreuses et les dégâts considérables. Vers 20h, les insurgés sortent de la Préfecture et se rendent. Les combats ont fait une trentaine de morts chez les soldats. Dans la population, on recense au moins 150 morts, en fait probablement beaucoup plus, tant la violence de l’assaut fut intense.
Le lendemain, l’ordre règne. Les troupes défilent dans la ville, rencontrant tantôt le soutien, tantôt l’hostilité, mais la révolte est matée. Le 6 avril, Thiers, encore aux prises avec l’émeute parisienne, peut annoncer : “Un nouveau et important succès vient de marquer le rétablissement de l’ordre : c’est la chute de la Commune de Marseille.”
La ville est maintenue en état de siège, elle le restera jusqu’en 1876. Pendant les jours qui suivent, une atmosphère d’épuration tombe sur la ville. Dénonciations, arrestations expéditives et exécutions sommaires rythment le quotidien.
Le 8 avril, Crémieux, qui a refusé de fuir, se fait volontairement arrêter. Il sera jugé du 12 au 28 juin par un Conseil de guerre. Dix-sept hommes en tout comparaissent au procès. Six seront acquittés. Les autres sont condamnés à la déportation, aux travaux forcés ou à des peines de prison. Crémieux et deux autres insurgés sont condamnés à mort.
Le 27 novembre, ses deux compagnons d’infortune sont graciés et déportés en Nouvelle-Calédonie. Malgré tous les recours intentés, Gaston Crémieux est exécuté le 30 novembre au Palais du Pharo. Avant d’être fusillé, Crémieux demande à n’être pas attaché et à n’avoir pas les yeux bandés. Il meurt en s’écriant : “Vive la République !”

Pendant des années, en défi à l’état de siège en vigueur, son exécution sera commémorée. Il restera longtemps le symbole de la Commune de Marseille et de toute cette période, aujourd’hui trop oubliée. Dans son ouvrage La Commune de 1871 à Marseille, Antoine Olivesi, l’historien de référence de ces événements, en résume ainsi parfaitement la teneur : “Depuis des siècles, la vieille cité, dont la fierté était d’avoir connu une jalouse indépendance, dormait du sommeil de la province. En 1870, en 1871, avant de retomber dans la perpétuité d’une centralisation politique et administrative, Marseille, comme par un souvenir de son libre passé, s’est un instant mise en lumière, dans la lumière de l’action autonome et de l’idéal révolutionnaire.”

Bibliographie
Les sources de cette série d’articles proviennent essentiellement des ouvrages suivants :
La Commune de 1871 à Marseille et ses origines Antoine Olivesi - Editions Jeanne Laffitte
Gaston Crémieux - La Commune de Marseille un rêve inachevé... Roger Vignaud - Editions Edisud
La Commune de Marseille - Dictionnaire Roger Vignaud - Editions Edisud
La Commune à Marseille Claude Camous - Editions Autres Temps
Histoire universelle de Marseille - De l’an mil à l’an deux mille Alèssi Dell’Umbria - Editions Agone
Marseille Roger Duchêne et Jean Contrucci - Editions Fayard


Crédit photo : Collection des Archives Départementales des Bouches-du-Rhône

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