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Gaston Crémieux acquitté !

Lundi 04/06/2012 | Posté par Jan Cyril Salemi

Mardi 22 mai, aux Variétés, avait lieu la projection de la reconstitution du procès de Gaston Crémieux, figure emblématique de la Commune de Marseille de 1871. Jan Cyril y assistait.

L’histoire est un éternel recommencement, paraît-il. Il paraît aussi qu’on ne peut pas la réécrire. Quelques juristes marseillais se sont unis pour faire mentir ces affirmations toute faites. Dans les lieux mêmes où il avait eu lieu 140 ans plus tôt, ces passionnés de droit et d’histoire ont reconstitué le procès de Gaston Crémieux, héros et martyr de la Commune de Marseille de 1871. Et ils sont parvenus à modifier le cours de l’histoire.

Entre 1870 et 1871, Marseille connut une période de ferveur révolutionnaire. L’an passé, le MBB avait consacré une série en six épisodes à ces événements. L’un des personnages majeurs de cette époque s’appelait Gaston Crémieux.

Cet avocat, dont l’aura était immense parmi la population, fut considéré par les autorités comme le meneur de la Commune de Marseille. Lui ne cessa d’affirmer qu’il avait tout fait pour épargner à la ville un bain de sang plus violent encore.

Fin juin 1871, il fut jugé par un Conseil de guerre, condamné à mort et fusillé le 30 novembre 1871. Roger Vignaud, un avocat marseillais, auteur de la biographie “Gaston Crémieux - La Commune de Marseille, un rêve inachevé...”, connaît cette histoire sur le bout des doigts. Il a embarqué quelques camarades dans l’aventure, et le 2 décembre 2011, la reconstitution historique du procès était organisée.


La vérité est ailleurs
Dans la salle d’audience de Tribunal de Marseille, où Crémieux fut condamné, les magistrats du XXIe siècle ont reproduit fidèlement les débats de 1871.
Fidèlement, ou presque. Le ministère de la Justice avait donné son accord pour cette reconstitution, et il était établi qu’elle devait respecter la vérité historique.

Mais parfois, la vérité est ailleurs. Comme le révélera lors de cette projection aux Variétés, Benoît Vandermaesen, vice-procureur du Tribunal de Grande Instance de Marseille, qui jouait l’un des assesseurs, peu à peu, chacun des interprètes s’est écarté du texte original.

Au fil des débats, l’excitation montait dans la salle. Plus l’audience avançait, et plus il apparaissait que la rigueur historique échappait aux protagonistes du XXIe siècle. Il flottait dans le tribunal un souffle de folie. Comme si vraiment l’histoire pouvait être changée.

Ce n’était pourtant pas ce qui était prévu. Les mots devaient être strictement ceux consignés dans les archives, rapportés par les greffiers de l’époque. Puis de petites entorses sont apparues, ouvrant la porte à quelques envolées. Sans pour autant trahir la vérité historique, mais plutôt en l’adaptant au contexte actuel.

Et les quelques centaines de spectateurs présents, tous acquis à la cause de Crémieux, entretenaient, par leurs cris et leurs manifestations bruyantes, l’espoir que le révolutionnaire marseillais échappe symboliquement à la mort.

Jean-Pierre Deschamps, ancien président de la cour d’assises d’Aix-en-Provence, qui incarnait le Président, menaçait pourtant plus d’une fois de faire évacuer la salle. Sylvie Canovas, vice-procureur du TGI de Marseille, dans la peau du Procureur de l’époque, inflexible, réclamait la mort pour Crémieux. “Jamais, confiait-elle, je n’avais pensé prononcer ces mots dans un tribunal. Mais je tenais à rester dans mon rôle malgré les huées de la foule !”

Puis vint la plaidoirie de l’avocat de Crémieux, qui fit probablement pencher la balance de la justice des temps modernes. Sixte Ugolini, ancien bâtonnier de Marseille, défendait son confrère de l’époque avec un enthousiasme intense et une émotion profonde. Ses mots tapaient et visaient juste.

Y compris quand, dans un certain anachronisme, il dressait un réquisitoire vibrant contre la peine de mort, annonçant que les générations futures “se demanderont un jour quels sauvages nous étions pour punir du dernier supplice un homme vivant parmi les hommes” et prédisant que “l’abolition de la peine de mort est chose certaine.”

“Il y a toujours une trame pour une plaidoirie, expliquait l’avocat. Et selon le contexte, on ajuste, on adapte. Au fur et à mesure, j’ai un peu forcé”, reconnaissait-il tout sourire à l’issue de la projection.


La prophétie de Victor Hugo
La ferveur du défenseur, qui demandait, sous les acclamations, “l’acquittement et la réhabilitation de Crémieux et de la cause qu'il a défendue, celle de la Commune”, donna encore plus de poids aux derniers mots prononcés par Roger Vignaud.

Imprégné par son personnage, lui aussi se permit quelques écarts historiques. “Le peuple est le seul souverain, il peut tout. Alors, réveillez-vous ! Indignez-vous ! Révoltez-vous !, lançait-il à la foule, en parsemant encore son discours de quelques phrases de l’Internationale.

Au premier rang de la salle d'audience, deux des descendants directs de Gaston Crémieux, applaudissaient à tout rompre la prestation de Roger Vignaud, à coup sûr digne de leur aïeul.

Embarqué par cette liesse montante, le tribunal avait-il encore le choix ? A l’issue des délibérés, le Président annonçait : “Les magistrats d’aujourd’hui, qui sont indépendants, ce qui n’était pas le cas du tribunal militaire de 1871, acquittent M. Crémieux.” Le public, comblé, entonnait alors les couplets de l'Internationale, dans une salle d'audience qui n'avait sans doute jamais connu une telle liberté d'expression.

Peu après la mort de Crémieux, Victor Hugo avait adressé une lettre à sa jeune veuve. “L’avenir rejugera le procès de votre mari”, lui assurait-il. La prophétie de l'écrivain, qui fut à la source de cette reconstitution, s’est désormais réalisée.



Le DVD “Gaston Crémieux, Le Procès”, est édité par Ponts Bleus Productions. Pour se le procurer, contacter par téléphone le 06 17 60 48 61 ou le 06 87 19 05 17, ou par mail : pontsbleus@free.fr




Crédit photo : Collection des Archives Départementales des Bouches-du-Rhône



 

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