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LA VOIX DES OUBLIÉS DE LA POLITIQUE - 2ème partie : Pour l’égalité réelle

Mercredi 15/02/2012 | Posté par Christine Gorce

QUARTIERS DIVERS - Le samedi 4 février, l’assemblée du “Printemps des Quartiers Populaires” se tenait à Marseille. Christine y assistait, elle nous en fait le récit en trois volets. Deuxième partie.

Six ans après les révoltes de 2005, et tandis que s’annonce la campagne pour les présidentielles de 2012, un collectif "de militants et de personnalités de gauche, d'associations de quartiers, d'organisations politiques ou syndicales anti-racistes et décoloniales" lance en 2011 un appel au "Printemps des Quartiers", destiné à "faire émerger la parole politique des quartiers populaires." Ce 4 février 2012, l’assemblée du Printemps des Quartiers se tenait à Marseille, faisant salle comble au théâtre Mazenod.

Avec, par ordre d’intervention :
Mohamed Bensaada, Régine Fiorani, Abdessalam Souiki, Walid Klaï, Harbia S., Ben Amir Saadi, Djamila Z., Tariq Ramadan, Adil Fajry, Fatima Mostefaoui et Houria Bouteldja.



“Il est où, Tariq Ramadan ?”
Pendant quatre heures, la salle ne désemplit pas, l'assistance va et vient selon les intervenant-es qui se succèdent au micro, de jeunes adultes pour la plupart qui ont en face d'eux à peu près trois générations d'immigré-es et enfants d'immigré-es : des parents seuls ou en couples, d’autres jeunes adultes, de très jeunes filles venues entre copines “voir Tariq Ramadan”.

“C'est mon prof !”
, s'exclame un jeune en reconnaissant à la tribune Abdessalam Souiki, imam à Frais Vallon et président de l'association de soutien scolaire et d'enseignement coranique “la Plume de la vie”. C'est aussi ce mélange du politique et du religieux qui effarouche - ou surprend - nos consciences laïcistes.

Celui-ci fait une intervention très politisée sur les printemps armés (en Libye notamment), qui mettent à bas de vieilles tyrannies pour les remplacer par des dictatures téléguidées. Il revient sur ce qu'il voit comme un printemps arabe escamoté dans l'Algérie de 1988, pour avoir déplu aux chancelleries étrangères.

La salle est essaimée de voiles et de keffiehs ; dans mon dos une dame demande à voix basse : “il est où, Tariq Ramadan ?” “Il arrivera après”, la rassure-t-on. Certains, qui sont venus en voisins de Noailles, attirés par la présence de Tariq Ramadan, ne s'attendaient pas forcément à ce ton de mobilisation.

D'autres se repassent sur leur smartphone une vidéo d'Houria Bouteldja, d'autres encore se lèvent et quittent la salle après l'intervention de Tariq Ramadan, tandis qu'une nouvel intervenant prend la parole (“Ils auraient pu attendre un peu”, maugréent mes jeunes voisins...)


Quartiers de printemps

On est dans quelque chose de chaud et de vivant qui n'a pas encore pris la structure d'un mouvement politique, mais qui rassemble, inventorie, déplie et se manifeste à soi-même les données de son inscription dans l'histoire française, avec ses blessures et ses élans. C'est Houria Bouteldja, 
porte-parole du Parti des Indigènes de la Républiquequi rappelle le contexte de cet appel à un printemps on ne peut plus hivernal. 

Période électorale oblige, les campagnes sont souvent, comme le souligne Houria Bouteldja, des moments de forte stigmatisation. Paradoxalement, cette focalisation sur l'étranger intérieur remonte aux Marches pour l'Égalité de 1983, première apparition dans le champ politique d’une classe populaire basanée frappant à la porte de l'intégration républicaine et de la justice sociale. 

Trente ans plus tard, la situation des quartiers populaires ne s’est pas améliorée et la lutte contre le racisme affronte les nouveaux habits de l'islamophobie. Près d'un demi siècle après les indépendances, la Françafrique perdure, et les ”Français issus de la colonisation” (comme le dit Bouteldja) voient l'état français intervenir en Afghanistan, en Côte d'Ivoire ou en Libye.

Alors que les Révolutions arabes ont été menées par des peuples ressaisis de leur destin, des voix ressenties comme paternalistes s'expriment de ce côté-ci de la Méditerranée contre la faveur accordée par le vote des Tunisien-nes à un parti islamiste...


Le terrain des luttes
Plus près de nous, en France, c'est le même sentiment d'être traité comme une population-dans-la-population. Walid Klaï, venu rappeler le combat du comité "Justice pour Hakim Ajimi", mort en 2008 aux mains de la BAC suite à une altercation avec son banquier, égrène les exemples de violences policières impunies

Trois ans de lutte, dans le cas d'Ajimi, pour obtenir une simple qualification d'homicide involontaire, c'est-à-dire faire admettre à la justice qu'un homme a bel et bien été tué, fût-ce de manière totalement accidentelle...

Déni de justice pour les uns, acharnement législatif pour les autres. Djamila, du collectif “Mamans toutes égales” revient sur un projet de loi récent - soutenu par le PS - concernant l'interdiction du port du foulard dans les structures de la petite enfance, y compris privées. 

En pleine crise financière, cette proposition, qui risque de constituer un frein discriminatoire supplémentaire à l'embauche, parvient une fois de plus à déplacer l'attention et le débat public sur la question musulmane, source de tous les dangers...

Pour Harbia S., “le problème, dans le discours médiatique, n'est jamais social ou économique... Le problème c'est que les gens soient Arabes, musulmans ou Roms.” Celle-ci fait remarquer que Marseille, ville de plus de 800 000 habitants pour environ 200 000 musulmans, compte une cathédrale et une synagogue en centre-ville, une pagode bouddhiste dans le 15ème... et attend toujours sa "grande mosquée".

Inversement, quand la ville se penche sur la rénovation des quartiers pauvres, elle le fait sans consultation et quasiment contre eux. C'est ce que souligne, Fatima Mostefaoui, présidente de la ”Confédération syndicale des familles des Flamants”, qui suit ce chantier de réhabilitation dans le 14ème arrondissement amorcé depuis plus de six ans : “Les locataires sont déportés d'un immeuble à l'autre au gré des travaux. Quand les appartements sont neufs, les loyers ont tellement augmenté que les familles sont au bord de l'expulsion. Leurs projets, ils les font avec notre argent, mais contre nous.”

Droit de cité, droits sociaux, lutte contre les crimes policiers, l’islamophobie et la négrophobie, l'impérialisme et le néo-libéralisme : le corpus est large, les chantiers prioritaires sont posés.

 

Pour en savoir plus, consulter le site du collectif "Printemps des Quartiers Populaires", ainsi que cet article sur le blog de Mediapart.
Voir aussi, sur Med'in Marseille, le
compte-rendu de la première assemblée publique du Printemps des Quartiers Populaires, le 8 décembre 2011 à Bagnolet. 
A voir, également sur
Med'in Marseille, l'ensemble des articles consacrés à cette journée du Printemps des Quartiers Populaires de Marseille. 





Crédit photo : Christine Gorce et Printemps des Quartiers



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Christine Gorce -


Réactions des internautes

Amélie
Mercredi 15 Février 2012, 20:15
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Il serait plus cohérent d'appeler cette manifestation "Le printemps des quartiers musulmans", qui comporte en outre une forte composante islamique. 

Répondre -

Amélie
Mercredi 15 Février 2012, 21:34
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Re:
 * une forte composante islamiste

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Christine Gorce
Mercredi 15 Février 2012, 21:57
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Re: Composante
J'ai pris le parti de ne pas vous répondre depuis que vous nous avez expliqué (au sujet du voile) qu'un société multiculturelle et multiethnique n'était pas tenable. 

De ce simple point de vue nous n'avons aucun outil de réflexion commun. Vous n'avez aucune raison de vous interroger sur la laïcité, je n'ai aucun moyen de vous convaincre et cette discussion ne peut aboutir qu'à une polémique stérile.

Votre lecture concernant cette réunion, dont j'ai souligné la haute teneur politique, ne concerne que vous et votre besoin de trouver des adversaires, dans une guerre où vous resterez seule

Répondre -

Marseille Bondy Blog
Jeudi 16 Février 2012, 14:28
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Explications
 Amélie, 
 
Nous vous l'avons déjà dit à plusieurs reprises, ce blog est un lieu d'échange et de débats. 
La plupart des commentaires sont publiés, sans modération, ce qui donne parfois à la rubrique des commentaires des allures de tribune ouverte à des idées qui véhiculent le rejet, l'exclusion, le racisme. 

Quelques-uns de ces commentaires, très ciblés, peuvent malgré tout témoigner, parfois, d'une certaine ouverture et d'une volonté de dialogue. C'est parfois le cas de vos contibutions, mais pas toujours. Vous êtes généralement dans une logique de monologue. 

Comme vous l'a clairement exprimé l'auteur de cette série d'articles, votre motivation est de trouver des adversaires, pas des contradicteurs. Tout ceci ne peut effectivement qu'aboutir à une polémique stérile que nous n'approuvons pas. 

Ce long commentaire que vous avez proposé ne nourrit en rien le débat. Il n'est qu'un déluge de clichés bien connus que, présentés tels quels, nous refusons de relayer dans nos colonnes. Il a été supprimé hier, il est supprimé aujourd'hui, il sera supprimé demain, si vous le republiez. 

C'est une décision que nous assumons. Nous n'aimons pas la prendre, mais nous entendons conserver la maîtrise de ce qui apparaît ou non sur notre blog. 

Je vous le repète, la quasi-totalité des commentaires est publiée sur le MBB, alors que certains ne passeraient pas le filtre sur beaucoup d'autres médias. Ce n'est pas la première fois que l'un des vôtres est supprimé, vous le savez. 

A vous d'en tirer les conséquences. Nous avons nous aussi un filtre, nous l'utilisons quand nous l'estimons nécessaire. Il ne tient qu'à vous de comprendre où se trouve notre limite et de ne pas la franchir. 
 
Cordialement. 

Répondre -

Amélie
Jeudi 16 Février 2012, 19:07
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Re: Déontologie journalistique ?

Certains articles prennent partie pour la séparation entre les sexes et relaient sans recul les propos de personnes ouvertement racistes qui provoquent la société française voire appellent à la haine. 

Cette censure sous couvert de bons sentiments et de prétextes fallacieux ne sert qu'à limiter les débats et à éviter les questions qui fâchent. Qui se méfie des contradicteurs ?J'y vois une forme de lâcheté. 

Les questions que j’ai soumises ne sont pas de simples « clichés bien connus » mais, et vous l’avez bien compris, relaient des questionnements d’ordre civilisationnel (non, ce n’est pas un gros mot) qui interrogent notre socle culturel commun ainsi que la majorité de nos concitoyens et pas qu’en France. Il est clair qu’il est difficile de parler, par exemple, des droits et de l’oppression des femmes et des fillettes lorsqu’on prend position pour le voile. C’est dommage ne pas assumer ce parti-pris qui il est vrai est difficile à ternir tant les enjeux sont primordiaux.

Je comprends mieux le regret formulé sur France-Inter sur le manque de collaborateurs et de commentaires. Il est difficile d’attirer des plumes et de pérenniser des collaborations lorsque des accusations de racisme, de bafouement des lois ou je ne sais quoi font office d’arguments. Journalistiques je suppose. Quel aveu d’impuissance…

Il est bien sûr difficile d’argumenter sur certains sujets en particulier lorsqu’on défend l’indéfendable. Le MBB, grand juge en tout, préfère distribuer les bons et les mauvais points. C’est un choix. Permettez-moi d’appeler de mes vœux un peu plus de déontologie et moins de tabous intellectuels.

L’apprenti journaliste dont j’ai commenté le billet, qui pourtant devrait s’exercer au dialogue, n’a pas répondu à mon commentaire, C. Gorce l’a fait à sa place. Peut-être a-t-il pris conscience des enjeux ?  

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