Centres sociaux : entre doute et espoir
Vendredi 08/02/2008 | Posté par Marie-Ameline Barbier
Nordine, animateur militant, porte un regard teinté de lucidité, de doute et d'espoir sur ces structures, dernier rempart de la République dans les quartiers.
Par sa double expérience de professionnels de l'animation et de bénévole engagé dans la vie associative, Nordine a un regard lucide et sans concession. Il nous livre avec amertume et colère son propre bilan de ces lieux de vie dans les quartiers.
Financés par différents partenaires dont la CAF, le Conseil Général, le Conseil Régional, ou l’Etat, ces centres sont des équipements ouverts à tous et intégrés à un quartier.
A vocation sociale, ils proposent différentes activités et se présentent comme des lieux d’échanges entre les habitants, ceux-ci participant en théorie à sa gestion au sein d'un conseil d'administration. Le « hic » pour Nordine, c’est qu’ « il n’y a pas dans les faits de consultation avec les habitants, ils n’ont plu la parole, le centre est en roue libre ! ».
Nordine souligne le manque de confiance des habitants envers ces lieux de vie qui n’ont pas su évoluer, se réadapter au quartier qui a bien changé depuis 30 ans. Il explique que les activités qui y sont proposées ne suffisent pas à recréer un échange, une confiance, à redonner de la dignité et de l’espoir, ce dont ces jeunes ont besoin.
La solidarité est la première mission de ces centres pour Nordine. « Redynamiser ces quartiers ne passe pas que par des activités » souligne ce dernier. « Ici on ne fait plus que de l’assistanat, il faut bien sûr qu’il y ait cette mission de centre aéré, on a besoin d’assistantes sociales aussi, mais on mélange trop le social et la recherche de travail. »
Président du collectif marseillais CLEF , le Collectif pour la liberté, l’égalité et la fraternité, qui lutte contre les discriminations à l’emploi et dans le secteur du logement, Nordine a plus d’une corde à son arc et connaît bien les problèmes des quartiers. Dans le cadre de ce collectif, il travaille directement avec les entreprises et se sent beaucoup plus libre, en tant que bénévole, en tant que « citoyen » pour mener sa mission.
« Au centre, on a les mains plus liées » regrette t- il. En tant que professionnel, salarié, il se sent beaucoup plus limité. Pour Nordine, il y a un manque de volonté au niveau des résultats, un manque d’actions concrètes qui vient d’en haut. Il s’insurge : « Il y a 41% de chômage dans le quartier d’Air Bel (quartier voisin de la Rouguière) et encore, ce ne sont que ceux qui sont inscrits dans un dispositif de recherche d’emplois. Alors mettre du rap et du foot dans les quartiers c’est bien beau, mais ce n’est peut être pas la priorité ! ».
Pour l’animateur, l’accent est trop mis sur le loisir. Les activités récréatives et les services aux familles ne suffisent apparemment plus à redynamiser le quartier. Un autre animateur de centre social à Marseille confirme ce sentiment : « Il faut arrêter un peu avec les loisirs, au lieu d’amener les jeunes au ski, nous ce qu’on veut, c’est leur donner les moyens pour qu’ils puissent eux-mêmes se payer une semaine de vacances au ski ». Il continue : « Les centres sont devenus politiques, une vitrine que les élus exploitent. Quand ça ne va pas dans les quartiers, les politiques disent : vous voyez les actions positives du centre ! ».
Et le problème majeur pour Nordine, c’est que les animateurs ne peuvent jamais faire une évaluation objective et juste. Dépendant des partenaires sur le plan financier, il n’est pas aisé pour un directeur de rendre compte d’un mauvais bilan du centre, d’un investissement qui n’aurait pas porté ses fruits. Le risque est de voir es subventions diminuées l'année suivante. Alors quand un animateur remet en question des actions, cela fait tâche pour l’image et donc pour les prochaines demandes de subventions aussi…
Même si au-dessus de son bureau trône le discours de Martin Luther King, Nordine ne rêve plus, il doute. Il en arrive à miser davantage sur le collectif Clef qu’il préside, sur ce genre de structure. La secrétaire d’Etat à la ville, Fadela Amra ne semble pas s’y être trompée non plus. Elle avait rencontré lors de sa venue à Vaulx-en-Velin, Mohamed Damani, de ce collectif. Nourdine garde confiance : « Au moins dans les nouvelles propositions du plan de Fadela Amara, l’argent sera mieux évalué, contrôlé et mis en parallèle avec des résultats concrets ».
Enfin, dans l'attente de l'annonce du Plan aujourd'hui à l'Elysée...A suivre donc.
Marie-Ameline Barbier
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