Marseille Bondy Blog Dakar Bondy Blog Neuilly Bondy Blog Lausanne Bondy Blog Business Bondy Blog Bondy Blog Lyon Bondy Blog Marseille Bondy Blog

Didier Bonnet, patron hors normes

Jeudi 19/03/2009 | Posté par Anouk Alitta (EJCM)

«Entrepreneur social» depuis 25 ans, Didier Bonnet a créé l’Adrets, une association d’insertion qui donne du travail aux habitants des cités. Un matin, Marseille Bondy Blog a suivi ce patron pas comme les autres.

9h30. Je monte à bord de son véhicule utilitaire gris. Décontracté et chaleureux, Didier Bonnet m’embarque pour un tour des lieux les moins touristiques de Marseille. La cinquantaine bouillonnante, il donne le ton de notre rencontre. «On attaque par le parc Kallisté, dans le 15ème arrondissement ! Là bas, Payet s’occupe de l’entretien quotidien du bâtiment H, le seul que nous ayons en charge dans cette cité. Les autres blocs sont gérés par des syndics différents qui ont leur propre mode de gestion». Dirigeant de l’Adrets, Didier Bonnet négocie des contrats d’entretien avec des syndics de copropriétés et embauche les habitants des cités. Nettoyer et embellir leurs lieux de vie souvent délabrés, voilà la mission des employés. Salarié depuis 6 ans, Payet est Comorien comme 70% des résidents de Kallisté. «Il nettoie, règle les dysfonctionnements et les relations entre logeurs et logés».

9h45. Comment conçoit-il son métier ? Tout en conduisant, il répond «Mon objectif est de rendre les salariés autonomes et responsables. Je leur fais confiance pour qu’ils s’accaparent la dynamique du poste et deviennent acteur de leur scène quotidienne. Voilà la clé de la réussite de mon entreprise. Je les positionne au cœur du système, ce qui augmente la qualité du service rendu. Avec de l’empathie, je règle 80% des problèmes». Le téléphone sonne pour la deuxième fois. Son véhicule est un bureau roulant.

10h00. On gare l’auto au pied du bâtiment H du Parc Kallisté. Gigantesque barre vétuste aux allures de vaisseau fantôme, elle surplombe le reste de la cité. Un canapé de velours rouge et noir trône aux côtés d’un cadavre de poussette. Pas de Payet à l’horizon. La sonnerie du portable retentit. Coup de fil de la Médecine du travail. Payet sera en retard, son rendez-vous médical tarde à cause d’un problème d’état civil. «Ce gars a une petite cinquantaine et d’après ses papiers, il serait né en 1972 ! Ici, les gens ont parfois plusieurs identités».

10h15. Direction le terrain multisports, créé à l’initiative de l’association, au centre de la cité. «
Vous avez eu peur ? !!» Harnaché d’un aspirateur dorsal, Mourad fait irruption à mes côtés. Il est en charge de cette zone. On se salue. Sur sa combinaison de travail je lis à haute voix «Nettoyage éthique». Mourad réplique «Pour ne pas dire ethnique !». Je bavarde un moment avec lui tandis que Didier Bonnet s’éloigne. «Je suis arrivé d’Algérie à l’âge de deux ans. Pour moi c’est un plaisir de participer à la vie de la cité. Avec Didier Bonnet c’est une entente cordiale. Ça existe plus des patrons comme ça ! C’est un mec social, un humanitaire. Vous savez qu’il est visiteur de prison et qu’il aide à la réinsertion ? Avec lui j’ai appris le bénévolat. On aide les gens pour les fêtes de quartiers, on prête le camion». Tout en discutant on rejoint le boss au QG, le «Bar Kallisté».

10h30
. Réunion de travail. «Tiens des Européens !», lance un client. C’est une boutade, Mister Bonnet est connu des habitants comme le loup blanc. Autour d’un café au comptoir, dans le brouhaha, Mourad reçoit les directives du jour. Il aidera El Had à tronçonner du bois mort à la cité Corot. On se donne rendez-vous là-bas. Dans le coffre de son véhicule, le patron transporte tronçonneuse, outils et produits selon les besoins.

10h45. À la cité Corot, dans le 13° arrondissement, El Had nous attend. Natif de Mayotte, il est arrivé tout petit en France. Fraîchement diplômé en maçonnerie, il préfère un emploi de jardinier. «J’ai des douleurs dans le dos», me dit-il. Mourad est déjà là. Leçon de tronçonnage aux deux employés. La dernière fois, l’engin ne fonctionnait pas. Ils avaient monté la chaîne à l’envers ! Un cadrage technique s’impose. On fait le tour du terrain à débroussailler. Au pied d’un immeuble, les déchets jetés par les fenêtres s’entassent. La zone en question n’est pas celle d’El Had. La sienne est nickel. Pas un papier sur l’herbe bien verte. A elle seule, l’Adrets a récemment enlevé 15m3 d’ordures dans la cité.

11h30. En route vers le bureau officiel, Parc Bellevue, 3ème arrondissement. Une grande photo de l’équipe est affichée sur la vitrine. Couvert de peinture, un gamin en vélo nous accoste sur le parking. «Monsieur, vous pouvez aider ma mère à déménager avec votre camion ?». Une voiture incendiée git devant le seul bâtiment rénové. Mourad qui nettoie cet endroit est agacé. Au sein de la cité, le bureau de Didier Bonnet est aussi un lieu de rencontre et d’échange. Moustafa dit le « Maire de Bellevue », responsable d’une association de locataires fait irruption, un café à la main. «Tiens chef, voilà pour toi !». Il s’assoit et lance la conversation. Le facteur, en tournée, prend part au débat. En même temps, le patron de l’Adrets ouvre dossiers et courrier, partie administrative de son travail. Pour lui, la journée est loin d’être terminée.

Ceux qui ont lu cet article ont aussi aimé :

Anouk Alitta (EJCM) -


Réactions des internautes

Romuald
Jeudi 19 Mars 2009, 01:29
Signaler un abus
Ah!! cet article me rappelle un reportage de France 3 qui était passé en mars 2008 sur cette même cité Kallisté, avec le même gars, Didier Bonnet et également Mourad, portant le T-shirt de l'Adrets!
J'en avais même parlé ici, toujours sur le Marseille Blog http://20minutes.marseillebondyblog.fr/news/belsunce-un-debat-propre-et-sans-dechet

En fait, les pouvoirs publics n'assurent pas le ramassage des ordures car, si j'ai bien suivi, la Cité Kallisté est une propriété privée.
Mourad faisait part dans le reportage d'une certaine lassitude face au comportement des habitants de la cité qui l'avaient rendue insalubre. Un gars plein d'énergie, fort en gueule mais impliqué.

Didier Bonnet avait alors tapé du poing et il y avait du mieux.
La situation s'est-elle depuis l'an passé améliorée, stabilisée? ou dégradée?..


En tout cas sympa l'article, du même ordre que le reportage de France 3 qui lui aussi m'avait bien plu parce qu'il montrait ce qui ne fonctionnait pas, mais dans le même temps les solutions apportées.

Puis c'est toujours positif de parler des gens, peu importe leurs origines, qui essaient dans ces cités  d'apporter tant bien que mal quelque chose, à leur niveau, plutôt que d'entendre parler de jeunes qui détruisent ces efforts.

Répondre -