Ils ont rêvé la France
Mercredi 19/01/2011 | Posté par Charlotte Lazarewicz
DANS SON DERNIER LIVRE, « J'ai rêvé la France – histoires de famille », José Lenzini nous parle d'immigration et d'intégration à travers dix témoignages. Charlotte s'est plongée dans ces histoires poignantes et a rencontré l'auteur.
L’immigration. Sans doute l’un des thèmes qui fait aujourd’hui le plus débat dans la France de 2011. Il y a ceux qui arrivent et ceux qui repartent, contraints et forcés ou, au contraire, cent pour cent volontaires. Qui sont ces personnes qui peuplent notre pays, ces gens que nous côtoyons tous les jours et dont l’histoire fait parfois écho à la nôtre ? José Lenzini, écrivain et journaliste passionné de Camus, est allé à leur rencontre. Face à lui, ils ont accepté de se dévoiler et d’ainsi révéler un peu de leur intimité, mais aussi, de leurs nombreuses contradictions. Introspection.
A chacun son histoire
Pour certains, ce sont les parents ou les grands-parents qui sont immigrés. Pour d’autres, c’est différent, ils ont eux-mêmes déménagé à un moment de leur vie. Moment crucial, parfois même déchirant. Quitter son pays, ce n’est jamais facile. Guerre, histoire familiale ou histoire d’amour, il y a mille et une raisons qui peuvent nous amener à franchir une ou plusieurs frontières. Dans « J’ai rêvé la France » José Lenzini nous parle de ces gens venus d’ailleurs et qui ont un jour débarqué en Provence, pour le meilleur…ou pour le pire. Bien sûr, au fil du temps, on finit par s’adapter mais, comme l’explique Geneviève, qui a vécu de nombreuses années en Algérie avant d’atterrir en France, on n’oublie pas vraiment son pays d’origine. « Avec les Algériens, j’ai l’impression d’avoir des chromosomes en commun ». Elle trouve cela « physique, profond et difficilement explicable ».
Difficile aussi d’expliquer pourquoi on ne s’attache pas tout de suite au pays dans lequel on arrive. L’auteur parle de « projet familial ». Corinne en est l’exemple. Cette italienne d’origine considère la famille comme « essentielle, un lieu d’ancrage ». L’auteur met le doigt sur l’un des problèmes majeurs de l’immigration : se sentir déraciné, loin de sa famille et sans repères. Quelle que soit sa forme, cet exil entraîne donc des sentiments profonds et pour le moins complexes que certains mettent toute une vie à démêler.
D’un pays à l’autre
Mehdi est un cas un peu particulier. Lui qui n’a jamais vécu en Algérie mais dont le père est Algérien et la mère Bretonne. Fruit de cette union atypique, il ressent parfois un mal-être dû à cette « double origine ». « Je suis parfois exclu par les beurs pour mon côté français, et exclu par les blancs pour mon côté beur », de quoi ne pas vraiment savoir où se situer. Mais le jeune Mehdi tente d’en faire une force et aujourd’hui, il explique souhaiter que ses futurs enfants apprennent l’arabe, comme pour leur transmettre cet héritage que son propre père ne lui a pas transmis, à son grand regret. Il se sent français mais aussi algérien et ces deux nationalités cohabitent en lui, tant bien que mal.
Dépaysement, perte de repères, adoption de nouvelles valeurs, voilà les problèmes qui ressortent dans J’ai rêvé la France. Et rêver, il est évident que les immigrés continuent de le faire. Certains rêvent de retourner dans leur pays, alors que d’autres souhaitent ne plus jamais y mettre les pieds. Rejet ou nostalgie, chacun vit son exil à sa façon. Mais tous les immigrés semblent avoir cela en commun de ne suivre qu’un rythme : celui de leur famille. Qu’ils rejoignent un mari, une femme, un enfant, tous ont un projet familial plus ou moins précis en construction. Et, en bons bâtisseurs, tous ont besoin de temps pour le concrétiser. Voilà peut-être ce que veut nous transmettre l’auteur à travers ces tranches de vies : l’adaptation à un pays prend du temps, tout simplement.
« La France est une nation d’immigrés »
En allant à la rencontre de ces personnes d’horizons divers et variés (Pologne, Polynésie, Algérie, Chili et autres contrées), J. Lenzini retrouve un peu de son histoire. Originaire d’Algérie, débarqué en France il y a maintenant plusieurs décennies, il avoue qu’« au début, ce n’était pas facile de se sentir bien dans ce pays nouveau ». Les témoignages qu’il a pu recueillir font donc forcément écho à sa propre expérience. Si tous les récits comportent leur lot d’émotions, celles de Marysha, la Polonaise au parcours alambiqué et de Véronique, l’Ivoirienne mariée de force l’ont particulièrement touché. Quant à la question de savoir s’il a été difficile de pousser les gens à la confidence sur un thème aussi sensible, il répond simplement que « du moment où on explique sa démarche, les gens vont parler plutôt facilement d’eux ». Sa vision de l’immigration, il la résume en une simple phrase : « La France est une nation d’immigrés ». Une phrase qui prend tout son sens si l’on consent à regarder autour de nous et à essayer de comprendre de quoi, ou plutôt de qui est fait notre pays.
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Par Tony Off