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Marseille vote «Boutef»

Jeudi 09/04/2009 | Posté par Lydie Marlin

Appelés aux urnes pour la présidentielle de leur pays d’origine, les Algériens de Marseille semblent plébisciter le président sortant. Face à la machine "Boutef", les opposants se font discrets.

Mon président, c’est Bouteflika ! Et je n’ai pas l’intention d’en changer.“  Evoquez l’élection présidentielle algérienne et, aussitôt, les yeux d’Hassel s’illuminent. Le vieil homme à la barbe finement taillée sous un bonnet noir et blanc a beau vivre à 800 kilomètres d’Alger, le scrutin du 9 avril le captive. Il en est convaincu : son héros, Abdelaziz Bouteflika, président de l’Algérie depuis 1999, sera reconduit dans ses fonctions pour la troisième fois. Au milieu de ses boîtes de conserves, cet épicier de la rue Longue, près de la Canebière, désigne fièrement le portrait du chef de l’Etat algérien, à la place d’honneur sur le mur de son échoppe, à côté de celle de Zizou.


Comme Hassel, environ 70 000 Algériens sont inscrits sur les listes électorales du consulat de Marseille, qui couvre les départements des Bouches-du-Rhône et du Vaucluse. Ces immigrés suivent de près la campagne présidentielle de leur terre natale, là-bas sur l’autre rive.

A quelques jours du scrutin, les chalands du marché de Noailles entonnent sans cesse le même refrain sur fond de musique orientale :  Boutef, Boutef. Ici, sa réélection ne fait aucun doute. A Marseille, huit Algériens sur dix votent pour lui, assure Bessa Djamel, 55 ans, agent de sécurité sur le port autonome. "Il recueillera entre 85 et 90% des voix", prédit même Farida Gaoua, membre de l’association Elles, femmes de Picon, qui en redemande.

"Bouteflika a apporté la paix. Quand je retourne au pays, je vois les résultats, explique le maraîcher Kamel Nasser. Dans les années 1990, on n’y mettait pas les pieds à cause du terrorisme. Aujourd’hui, grâce au président sortant, on peut faire la fête le soir sans craindre d’être assassiné".
Soutien inconditionnel, Azzedine Toumi bat la campagne depuis deux mois. Son discours est bien rodé. Premier mandat : Abdelaziz Bouteflika s’est attaqué à la paix. Deuxième mandat : il a résolu les problèmes économiques en réduisant la dette et en construisant des universités et des logements. Troisième mandat : on continue le programme !


Poursuivre l’œuvre du président âgé de 72 ans, c’est aussi l’objectif du comité Algériennes de France. Tous les mardis après-midi, les représentantes d’une dizaine d’associations féminines se retrouvent dans leur QG du cours Julien, un quartier populaire. "Abdelaziz Bouteflika a vécu vingt ans à l’étranger comme nous, donc il comprend les préoccupations des expatriés", martèlent ces dames pour justifier leur engagement politique.
Dans un coin de la pièce, un petit guéridon sert d’autel pour le culte du chef de l’Etat algérien. Au-dessus, un grand panneau récapitule les actions menées dans chaque quartier de la ville : tractages dans les marchés, soirées festives, grands meetings. Sans oublier le porte à porte.  "J’appelle ça le téléphone arabe", plaisante Kheira Naman, présidente du comité. Malgré sa petite taille, cette femme à poigne de 58 ans en impose. Militante du FLN depuis vingt-cinq ans, elle reconnaît que la modification de la constitution permettant à Bouteflika de solliciter un troisième mandat n’est pas vraiment démocratique. "Mais s’il faut en passer par là, on l’accepte de bon cœur, ajoute-t-elle aussitôt. Car Bouteflika a permis aux femmes mariées avec un étranger de transmettre la nationalité algérienne à leurs enfants.


"Voter c'est exister"
A Marseille - où les bureaux de vote sont ouverts depuis le 2 avril - comme à Alger, le véritable enjeu du scrutin est la participation. Pour inciter les électeurs à se rendre aux urnes, le consulat a dégainé une grande campagne d’information et de mailings.
Un peu partout, depuis la Canebière jusqu’aux quartiers Nord, des petites affiches invitent les Algériens à se mobiliser pour leur pays. Avec pour argument choc : «Voter, c’est exister». Le consul sait que certains n’ont pas l’intention d’exister. "Comme d’habitude, beaucoup ne se déplaceront pas. La communauté n’a pas la culture du vote", regrette Abderrahmane Ghoul, vice-président du Conseil régional du culte musulman de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Les quadragénaires ont tourné le dos aux affaires algériennes.
"Je devrais participer, mais je ne pense rien de la politique", confie Kader Bekkar qui travaille pourtant dans la coopération internationale. "C’est plutôt aux Algériens d’Algérie de voter et pas à nous", estime-t-il.

Les plus radicaux des anti-Bouteflika, eux, boycottent le scrutin. Pour ces derniers, les dés sont pipés et les jeux sont déjà faits.  C’est toujours la même chanson. "Pour moi, Bouteflika président à vie, ce n’est pas la démocratie", juge ce boucher du centre ville qui souhaite rester anonyme. Omar Kadri, membre de l’Association culturelle berbère, fustige, quant à lui, les manœuvres du président algérien.
Mais s’opposer au faiseur de paix est plutôt mal vu. Un voisin à l’oreille tendue n’étant jamais loin, mieux vaut dire en public qu’on votera Boutef. Car dans une communauté qui a vécu sous la terreur durant toute la décennie 1990, le contrôle social est toujours de mise. La confiance en celui qui a réussi à lui seul à débarrasser le pays du terrorisme en dix ans, ne se discute pas. Quitte à lui pardonner son autoritarisme.

Face à la machine Bouteflika, il est bien difficile pour l’opposition d’exister. Les autres candidats ne disposent d’aucun comité de soutien. Le consulat n’a distribué aucun programme, ni de Bouteflika ni d’aucun autre candidat. Pour s’informer, la diaspora doit compter sur la télévision. "On regarde Canal Algérie 3", raconte Hammoud Ali. Or, Canal Algérie est une chaîne publique. Ce chômeur de 37 ans n’est capable de ne citer aucun nom de candidat, à part celui de Bouteflika.

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Lydie Marlin -