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En marche vers la liberté

Jeudi 24/02/2011 | Posté par Charlotte Lazarewicz

EN ALGÉRIE, LES INTELLECTUELS ET LES ARTISTES n'hésitent pas à prendre la parole pour dénoncer l'asphyxie du peuple. Amazigh Kateb fait partie de cette catégorie, il a accepté d'expliquer sa vision des choses à Charlotte.

Avec les soulèvements qui se produisent actuellement en Tunisie, Egypte, Lybie et autres on en oublierait presque ce qui se passe ailleurs. Pourtant, ces territoires sont loin d’être les seuls touchés par ce que l’on appelle la « révolution du peuple ». Pour n’en citer qu’un, l’Algérie. Elle aussi se bat depuis des années pour récupérer une certaine liberté, Amazigh Kateb en tête. Zoom sur l’engagement sincère et courageux de cet artiste et sur la situation de son pays.

« Vingt ans d’asphyxie »

Présidée par le même homme depuis 1999, en la personne d’Abdelaziz Bouteflika, l’Algérie est sous le coup d’un état d’urgence depuis maintenant près de vingt ans. Conséquence : toute manifestation est officiellement interdite. Raison invoquée : l’insurrection du pays en 1988, renforcée par les émeutes de 2001, le fameux « Printemps noir ». Raison officieuse selon les opposants au régime : avoir la main mise sur le pays et brimer la liberté d’expression du peuple.
Les anti-Bouteflika, Amazigh Kateb en fait partie. Chanteur algérien connu pour ses textes engagés, il a participé à la manifestation du 12 février dernier à Alger et a appelé ses concitoyens et amis artistes à en faire autant. Une protestation en demi-teinte puisque les marcheurs ont littéralement été « saucissonnés par les policiers », si l’on en croit Amazigh Kateb. Trente mille policiers pour sept mille manifestants, cherchez l’erreur. Et pourtant la marche se voulait pacifique, comme la plupart de celles qui ont eu lieu jusque-là. Car l’Algérie s’agite depuis un moment déjà. Le slogan le plus en vogue lors des manifestations interdites est pour le moins explicite: « Bouteflika, dégage ! ». Ça a le mérite d’être clair mais, comme l’explique Amazigh Kateb, « faire sauter la tête d’un régime n’est rien ». Sous-entendu, c’est après que tout se corse.

Un engagement artistique et citoyen

Car le souhait de l’artiste algérien, débarqué en France il y a une vingtaine d’années, ce n’est pas uniquement le départ de Bouteflika. Non, lui a envie d’un véritable projet pour l’Algérie. Quant à son engagement, il n’est pas que citoyen, il est aussi artistique. S’il appelle à venir manifester en « faisant du bruit » soit en amenant au choix sa voix ou son instrument, ce n’est pas pour rien. A ses yeux, la révolution algérienne doit d’abord passer par une révolution culturelle qui elle seule pourra réunifier la population. Une unité qui n’est pas toujours au rendez-vous et qui explique que beaucoup d’Algériens préfèrent ne pas se mobiliser.
Chacun a ses raisons et Amazigh Kateb tient à le dire : « Ceux qui ont refusé de marcher ne sont pas tous des ennemis ». Ajoutant que « les gens se sentent récupérés et utilisés. Mais une révolution ne peut se faire sans le peuple ». Pour lui, c’est là la clé du problème. Le problème, c’est aussi l’Etat algérien. Un Etat qu’Amazigh qualifie volontiers de « démissionnaire ». Ce qui est certain, c’est que le peuple a besoin de respirer. A l’instar des Tunisiens ou des Egyptiens ?

Effet domino ?

Pas tout à fait. Amazigh Kateb le reconnaît : ce qui se passe en Tunisie ou en Egypte est important pour l’Afrique du Nord et un « effet domino » a sûrement contribué à embraser les pays voisins. Mais il tient à tempérer : « Ce que vit actuellement notre voisin tunisien, l’Algérie l’a déjà vécu en 1988 et les deux nations sont actuellement dans deux situations différentes ». Amer, il ne peut que constater qu’aujourd’hui, malgré le semblant de pluralisme politique qui a été instauré à l’époque, Bouteflika rassemble entre ses mains un pouvoir démesuré et les citoyens algériens sont loin d’agir comme ils l’entendent. La preuve, « L’Algérie ne compte qu’une centaine d’associations alors que des pays comme la France en comptent plusieurs centaines ». La preuve aussi, les difficultés que rencontre l’artiste pour se produire dans son pays. « Les festivals sont rares et les citoyens, sous l’état de siège, ne sont pas forcément enclins à s’intéresser à la culture ». Sceptique mais pas découragé, Amazigh Kateb soupire : « Oui, la révolution algérienne prendra du temps mais les vraies révolutions ne se font-elles pas en profondeur ? ». Affaire à suivre, d’autant plus que l’état d’urgence prévoit d’être levé à la fin du mois. Une annonce dont Amazigh Kateb se méfie, y voyant plus un « changement de façade » qu’autre chose.



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Charlotte Lazarewicz -