L'Humeur de Charlotte
Vendredi 27/05/2011 | Posté par Charlotte Lazarewicz
Humeur libertine. Cette semaine, Charlotte s'est laissée aller à une réflexion sur les travailleuses de la nuit, captivantes et déroutantes.
Bon, j’avoue, je ne tiens pas mes promesses. La chronique sur l’art et la manière de parler l’English à Marseille attendra encore un peu. Mais j’ai une bonne excuse : je me suis laissée inspirer par une rue marseillaise un peu particulière. Fermez les yeux, non plutôt gardez-les ouverts et laissez-vous guider dans le dédale des curiosités locales…
On parle souvent de la rue Curiol comme de « la » rue de la prostitution. L’ambiance y est en effet chaude et les trottoirs ne désemplissent pas. La rue dont je vais vous parler n’a cependant rien à lui envier. Si en journée, elle est d’une banalité presque consternante, résonnant de dizaines de klaxons et de bruits en tous genres, elle s’anime à partir d’une certaine heure. En bon Marseillais, on serait presque tentés de dire que tout commence…à l’heure de l’apéro.
Lumières
C’est en effet aux alentours de 19h, quand certains sortent du boulot ronchons et que d’autres s’attablent devant un pastis, soulagés d’avoir fini leur journée et heureux de retrouver leur tribu, que la rue s’éclaire de mille feux. Ou plutôt, pour se la jouer moins hollywoodien que les quelques enseignes lumineuses des bars alignés le long de la rue reprennent vie. Comme pour annoncer ce qui se prépare. Tandis que les plus pressés continuent de marcher indifféremment, d’autres, en habitués, se laissent aborder par les premières dames quelque peu dénudées qui commencent à pointer le bout de leur nez. C’est donc vers cette heure-là que les premières prennent leur « service ».
Tabous
Par peur de me méprendre, je m’abstiendrai de les nommer « prostituées ». Qui sait en effet si elles ne préfèrent pas l’appellation d’escort-girl ou tout autre terme un tant soit plus flatteur. Je ne voudrais pas froisser ces dames qui maintiennent une partie de la ville éveillée quelques heures par nuit, et ce malgré les clichés, les regards méprisants à leur égard et, pire, les insultes. Non, vraiment, cela semble déjà une assez courageuse façon d’arrondir, ou de garantir, ses fins de mois pour ne pas en rajouter une couche. Impossible de rentrer dans les détails de leur activité puisqu’au fond personne en dehors des visiteurs téméraires ne sait ce qui s’y cache. L’envers du décor n’est dévoilé qu’une fois pénétré dans l’arrière-boutique. Comme un accord tacite entre l’homme demandeur et la femme qui offre (ou l’inverse). Comme une complicité aussi que l’on peut détecter quand ce même homme s’éclipse discrètement du bar après un timide au revoir.
« Minou, viens donc me voir ! »
Et parce que ces dames ne sont pas controversées pour rien, on retrouve d’un bar à l’autre cette once de provocation si caractéristique du milieu de la nuit. Au son des « minou, viens donc me voir ! », des « et si on faisait un bout de chemin ensemble ?», on s’étonne de retrouver ces dames toujours vaillantes sur le coup des 3 heures du matin. Droites sur leurs talons, maquillées à outrance et, passez-moi l’expression, en permanence chaudes comme la braise. Bluffant aussi cet éternel sourire qu’elles arborent. Comme une façade à entretenir pour pêcher toujours plus de clients. D’ailleurs, la rue n’est pas loin de la mer et doit en voir passer des marins esseulés à la recherche d’un peu de compagnie. Cliché ? Peut-être, mais là encore, le sujet est trop tabou pour savoir qui rend vraiment visite à ces « dames de la nuit ».
Et ne comptez pas sur elles pour vous le dire. Non, décidément, la solidarité qui unit ces amants éphémères semble sans faille. Un mystère qui n’est pas prêt de s’éclaircir et une activité qui, elle, n’est pas prête de s’éteindre si l’on en juge la fréquentation des bars de nuit marseillais. Récemment, Roselyne Bachelot, la ministre des Solidarités et de la cohésion sociale, a proposé une loi prévoyant de sanctionner les clients, considérant la prostitution comme « la violence la plus ancestrale faite aux femmes ». Le hic, c’est qu’elle n’a parlé que de prostitution forcée. Mais alors, cette activité ne serait jamais libre et consentie ? Doit-on partir du principe qu’aucune prostituée n’a choisi de faire ce qu’elle fait ? Une chose est sûre, leur terrain d’expression est miné et leurs propos souvent peu pris en compte dans la société. Dommage, car il y a véritable matière à réflexion et, en ce sens, la nuit peut porter conseil.
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Réactions des internautes
Mardi 31 Mai 2011, 12:00
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D'après ce que j'ai pu furtivement observer, ce sont surtout de pauvres bougres, souvent immigrés, qui vont les voir.
J'ai du mal à admettre l'idée que ces femmes puissent se prostituer par plaisir, j'y vois plus une nécessité même s'il existe sûrement d'autres façons de gagner sa vie...
Dans un récent reportage de TF1 (oui, je sais) mené par Roselmack, étaient interviewées des prostituées plutôt âgées.
L'une était plutôt contente de faire ce métier, son amie en revanche en avait ras-le-bol; essentiellement à cause des clients eux-mêmes, souvent sales, peu respectueux....
Difficile quand même de ne pas avoir pitié de ces femmes, qui n'ont trouvé que la prostitution pour s'en sortir, d'après ce que l'on en dit.
En revanche, dans un autre reportage (M6), des prostituées « de luxe » indiquaient se prostituer par goût du luxe; celles qui étaient filmées étaient avocates, cadres sup' etc et allaient se prostituer à Genève auprès d'une clientèle fortunée.
Celles-ci joignent quelque part l'utile à l'agréable....
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Jeudi 2 Juin 2011, 13:27
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Re:
Comme tu dis, je pense qu'on trouve tous les profils parmi les prostituées et il est évident que beaucoup ne le font pas par choix...Ce que je voulais faire ressortir, c'est justement le courage dont elles font preuve. Faire quelque chose parce qu'on n'a pas le choix, c'est un peu triste...
Il y en a peut-être aussi qui le font quelques mois, savent que c'est passager et du coup prennent les choses positivement...en fait elles restent un msytère, à Paris comme à Marseille comme partout ailleurs !
Intéressant le coup des prostituées de luxe :)
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