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Un million de Mars’iens : Victor

Vendredi 12/11/2010 | Posté par Samir Akacha

Marseille : 850 000 habitants et un peu plus. Dans cette chronique, Samir nous emmène à la rencontre de l'un d'eux, croisé au hasard de ses déambulations et de ses rencontres fortuites. Cette semaine : Victor

En sortant du métro Réformés-Canebière, j’entends des notes mélancoliques s’échapper de la fontaine des Danaïdes. J’en fais le tour, et repère un homme, violon sur l’épaule, déversant sa musique sur la terrasse du café d’en face.
Je m’approche, et m’assois tout près, tendant l’oreille. Entre les remous de la fontaine, le chant du vent sur les feuilles et la musique du violon, je me dis que l’instant est proche de la perfection. J’attends qu’il finisse son morceau, et l’aborde. Il accepte volontiers l’entrevue.
Il s’appelle Victor, et l’air qui m’a attiré jusqu’à lui est un mélange de musique tzigane et hongroise. Cela fait maintenant six ans qu’il est à Marseille. Avant, il a vadrouillé en Hongrie, au Canada, mais il préfère de loin la cité phocéenne, « pleine de couleurs et qui bouge ».
Victor commence la musique à l’age de cinq ans. Dans sa famille, la musique est une tradition. Son père était musicien, de même que la famille de sa mère. Il se souvient, petit, de son père jouant du
Cimbalon. Victor s’asseyait près de lui, écoutant avec intérêt. Dans le salon, il remarque le violon accroché au mur, celui du grand père. Curieux, il demande à son père combien de cordes possède le Cimbalon. Il lui répond 126. Victor demande alors combien le violon possède de cordes. 4. Il demande alors la permission de l’essayer. C’est la révélation. Durant une année, il apprend à jouer, allant avec son père, alors dans un orchestre, de salles en restaurants, assis à l’arrière, les oreilles grandes ouvertes, se laissant porter par ce mélange de musique tzigane et classique.
Après ses études, Victor entre au conservatoire, et en ressort pour se marier. Il reste six ans à Montréal, mais il n’aime pas le froid, ni les gens, qu’il trouve tout aussi froids. Il revient à Marseille, première ville qu’il a visité en quittant la Hongrie. Cinq enfants et trois petits enfants plus tard, il vit toujours de sa passion. Avec le groupe
Kalinka, fondé par deux Russes vivant à Marseille, et « désirant faire connaître la culture, le folklore, la musique traditionnelle russes et slaves, en Provence et dans toute la France ». Victor se produit à Paris, Lyon, Bordeaux, et à Béziers en décembre. Même si ce n’est pas dans des lieux prestigieux, leur succès leur assure des contrats.
Quand il veut sortir dehors s’acheter des cigarettes ou prendre une bière, Victor a pour principe de ne jamais toucher à l’argent de sa famille. Il prend donc son violon, et prend place sur le Vieux Port ou devant le café des Danaïdes. C’est un lieu qu’il apprécie, pour sa tranquillité. Devant la terrasse, il joue comme s’il se produisait au restaurant. Si les gens lui donne quelque chose, tant mieux, c’est selon leur bon vouloir. Il se refuse à faire comme d’autres, jouant quelques morceaux, et passant à travers les tables pour stimuler la générosité des buveurs de café.
Victor est l’une de ces personnes que l’on prend plaisir à croiser, pour la générosité que l’on lit dans son regard, pour la richesse d’une histoire qu’il accepte de partager avec le sourire et la profondeur d’un conteur. Vous aurez peut-être la chance de le croiser. Victor n’est pas près de quitter cette ville. Pour lui, Marseille est un mélange, c’est un petit monde, un petit globe. Pas vraiment bizarre, mais tout de même unique. L’exemple qui confirme que nous pouvons vivre ensemble. Avant de nous quitter, Victor me cite les paroles du premier roi Hongrois, Saint Stephen, pour qui un pays où une seule langue est parlée et une seule coutume suivie est fragile.

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Samir Akacha -