La Busserine : du bidonville à la cité (Épisode 2)
Jeudi 26/02/2009 | Posté par Kathy Bourg (EJCM)
AUDIO en +. Rencontre avec Saïd Moussa, habitant de la tour K de la Busserine depuis sa naissance, il y a 26 ans. «La tour du bien et du mal», comme il l’appelle, ou la tour des Comoriens - en tous cas la plus ancienne du quartier. Un quartier, une vie, sa vie, Saïd nous raconte.
«Je me rappelle quand on jouait au volley devant le magasin de Monsieur Tir, on était environ une douzaine du même âge : marocains, algériens, comoriens, peu importe on était tous mélangés et Monsieur Tir a eu un vrai rôle éducatif avec nous, il était comme le grand-père de tout le monde», se rappelle Saïd comme si c’était hier. Mais ça fait quand même bien plus. Son père est arrivé en France en 1971, «il a eu le parcours marseillais de tous les Comoriens. Il a d’abord habité le Panier, puis Félix Pyat et la Belle de Mai pour finir à la Busserine dans les années 80», remarque Saïd.
La Busserine est plus qu’un quartier pour Saïd. Il y a tellement de souvenirs. Pour lui il y a deux Busserine : celle des années 80 : «Avant, quand les mères avaient de l’autorité sur tous les enfants, fils ou pas fils, où on était tous frères et où nos parents se fréquentaient. C’était comme un automatisme. Oui il y avait déjà la drogue mais on s’en rendait même pas compte, c’était pour les gros voyous, on la voyait dans les allées mais c’était inconcevable qu’on la touche».
Et celle des années 2000, «Là, le quartier a vraiment changé, c’est l’arrivée du shit et les mecs de 15 ans servaient de guetteurs. Du jour au lendemain nos parents étaient écartés, dépassés». Puis l’arrivée d’une autre population, phénomène classique dans les quartiers nord où les communautés se sont succédés : les Européens, les Maghrébins, les Afro-antillais… «On a vu arrivé les gens de Félix Pyat, une nouvelle population et l’intégration a été difficile, ils arrivaient dans un quartier où tout le monde se connaissait avec une autre mentalité». A cette époque, La Busserine possède déjà une très mauvaise image, elle est vue comme une plaque tournante de la drogue.
Sortir de la ghettoïsation programmée
Comme beaucoup d’habitants des cités, Saïd en est sûr, «ceux qui gèrent les quartiers sont en train de fabriquer des ghettos, ils veulent qu’on se bouffe entre nous». Mais Saïd a une autre idée : s’impliquer pour son quartier. «Si on vit dans le quartier soit on s’implique pour lui, soit on s’en va !» Saïd a décidé de s’impliquer à fond. Il travaille aux côtés de Mohamed Tir au centre social Agora, il s’occupe de l’Espace Culture et ressources des Savoirs «pour intéresser les jeunes des quartiers à autre chose, sensibiliser la population et les plus jeunes à la culture».
Une façon de s’évader en quelque sorte : s’évader de ces conditions de vie difficiles, de cette stigmatisation toujours plus grande. «J’ai une Licence en Ecole de commerce, ça fait plus de deux ans que je cherche un travail, mais quand j’ai des entretiens c’est toujours la même chose, on nous reproche d’habiter un quartier sensible et qui en plus est entouré d’autres quartiers sensibles». Le seul travail qu’il a trouvé, c’est son quartier qui lui a donné.
A travers la musique Saïd devient Daymone. Un CD, un huit titres pour exprimer ce qu’il ressent en tant qu’habitant de la Busserine, en tant que Comorien en France, en tant qu’habitant comorien de la Busserine, « je me sens comme un prisonnier avec un pied qui veut rester, un autre qui veut partir mais le premier est plus fort. Je ne peux pas partir comme ça avec ce sentiment d’inachevé. Je ne veux pas donné raison à tous ceux qui pensent qu’on ne peut pas réussir quand on habite dans une cité. J’ai besoin de rendre à mon père ce qu’il m’a donné». Saïd est même prêt à se lancer dans la politique car bien souvent « ils ne savent pas de quoi ils parlent ».
Or pour lui, comme le dit la Fonky Family, «pour comprendre faut le voir et pour le voir faut le vivre».
Ecoutez 2 titres de l'album "Entre Haine et Amour" de Daymone (alias Saïd Moussa) :
Monde tragique (remix) : 20minutes.marseillebondyblog.fr/files//Monde_tragique__remix.wma
L'avenir de père en fils : 20minutes.marseillebondyblog.fr/files//L_avenir_de_pere_en_fils.wma
Rendez-vous aussi sur : www.myspace.com/daymonedu13 et www.daymone.skyrock.com
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Réactions des internautes
Jeudi 26 Février 2009, 16:05
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......façon de s’évader en quelque sorte : s’évader de ces conditions de vie difficiles, de cette stigmatisation toujours plus grande. «J’ai une Licence en Ecole de commerce, ça fait plus de deux ans que je cherche un travail, mais quand j’ai des entretiens c’est toujours la même chose, on nous reproche d’habiter un quartier sensible et qui en plus est entouré d’autres quartiers sensibles».
Dans cet article le contenu qui m'a le plus touché c'est que Saïd a fait des études de commerce et qu'on lui donne pas sa chance tout ça parce qu'il vient d'un quartier sensible.
Je pense que la politique de recrutements des RH en France et en Suisse se base sur des critères très subjectifs comme les préjugés.
C'est pas possible autant de khaunery chez les recruteurs !
Est ce que ça vient de la personnalité des recruteurs ou alors de la science des ressources humaines ?
Faut que je m'achète un livre sur les ressources humaines pour éclaircir ce point.
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