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La cité boude la campagne

Jeudi 21/02/2008 | Posté par Jennifer Luby

Entre deux échanges de ballon et les promenades de bébés, Jennifer Luby a demandé leur avis sur les élections municipales aux habitants de la cité des Lilas. Qui ne manquent pas d’idées…

Dans la cité des Lilas (13e arrondissement), les bisbilles entre Gaudin et Guérini ne passionnent pas les foules. Au centre social, des brochures sur la discrimination, les cours de salsa, les horaires du centre aéré et des cours d'alphabétisation. Rien sur le duel entre Sylvie Andrieux (PS) et Valérie Boyer (UMP), têtes de listes des « gros » partis dans ce 7e secteur de Marseille. Le maire actuel est une institution : Garo Hovsépian, trois mandats au compteur.

Aux dires des habitants, ça fait un moment qu'il n'est pas venu dans le quartier « Ici, c'est comme partout, on vient nous voir qu'au moment des élections... et encore ! Les journalistes, ils viennent que quand il y a de la casse, comme avec le bus brûlé »,  raconte Antoine, qui habite les Lilas depuis quarante ans. Il n'est pas le seul à avoir son mot à dire. La maman de Nadia, 7 ans, est catégorique « Moi la politique, ça ne m'intéresse pas. Je fais les devoirs avec les enfants le soir, la journée je fais mon ménage, les élus je les vois pas ! »

Fadila, au contraire, commence à s'y intéresser, un peu. Elle a fait une demande à la mairie pour être « tata » dans les cantines. Du coup, elle a appris pour les élections. Mais rien à faire, ces histoires-là, « ça rentre pas ! » Va-t-elle voter ? Oui. Comme chaque fois depuis ses 18 ans, elle se rendra aux urnes, mais « plus par habitude que par conviction », dit-elle. Et de poursuivre : « Dans le quartier, les gens sont prêts à s'investir pour aider les enfants, les jeunes. Mais ça, c'est pas un truc pour nous ».  Pour elle, la cité est bien comme ça, il ne faut rien changer.

Rien ? Selon d’autres mamans, la route qui traverse la cité est dangereuse. Plusieurs enfants se sont d'ailleurs fait renverser. « Ça fait trente ans qu'on réclame des ralentisseurs et des barrières pour protéger les gosses qui jouent sur les trottoirs. Et s'ils mettaient des jeux un peu ! Nos gamins pourraient s'occuper plutôt que de rester sur la route ! » 

C'est vrai que l'endroit n'a rien d'attrayant. Devant les immeubles de la cité, un terrain de boules déserté, quelques bancs cassés et du gravier. « Gaudin, il s'occupe que des Goudes. Eux, ils ont des vélos, des passages piétons, des parkings... et nous on a quoi ? », lance une femme. « Moi je vote pour moi. Pour mon porte-monnaie. Eux qu'ils se débrouillent ! »,  répond une autre par de grands gestes.

Sabri et Missou, onze ans tous les deux, aimeraient avoir un stade de foot dans le quartier. « Moi, si j'étais maire, j'essaierai de calmer les jeunes, pour qu'il y ait moins de violence et que la police vienne moins souvent », explique Missou. Sabri, lui, voudrait « un local pour regarder les matchs tous ensemble, avec un petit snack à côté, pour les gens qui n'ont pas Canal +. Et je ferais réparer les ascenseurs pour plus que les gens passent plus par les toits, comme la voisine et ses trois bébé ».

Les gamins ne vont pas souvent en ville, alors les soirs d'été, ils aimeraient que les « grands frères » puissent animer le quartier, en se produisant sur une scène en plein air, avec de la musique. « Des planches et un peu de son, pas grand chose tu vois », explique Missou tout sourire avant d’ajouter « ce serait moins déprimant… »

Housseny, un vieux Comorien connu pour sa sagesse accepte de me faire part de sa vision des choses. Elle se résume en une phrase, un triste constat. « On construit des garages pour nos voitures, des cages pour nos chiens, pourquoi ne nous donne-t-on pas un local pour nos enfants ? » Le vieil homme au sourire malicieux n’a pas d’exigences folles, il réclame simplement le droit de protéger les enfants de la cité en les enlevant à la rue.

« La maman fait des ménages au quatre coins de la ville pour gagner un peu plus d’argent, elle rentre tard. Les petits sont seuls jusqu’à deux heures du matin. Qui s’occupe d’eux ? » Autres points sur son programme, s’il était maire : un permis de conduire encadré par la mairie, pour éviter d’être la cible des arnaqueurs quand on est étranger, et des transports jusqu’à deux heures du matin pour « les mamans qui font les ménages ». 

Gageons que les élus qui se rendront en masse, vu la saison, à l’inauguration du centre social de Mal-Passé le 22 février en prendront note.

Jennifer Luby

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