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Nassurdine Haidari : Moi, un noir - 2e partie : Difficile égalité

Mercredi 11/04/2012 | Posté par Christine Gorce et Jean-Philippe Hierso

QUARTIERS DIVERS - A l'approche des éléctions présidentielles, le MBB vous propose de mieux connaître Nassurdine Haidari, jeune élu marseillais. Christine et Jean-Philippe sont allés à sa rencontre. 2ème partie : Difficile égalité

Imam à 11 ans, vice-président du CRAN (le Conseil représentatif des associations noires de France), doctorant de l'Institut d'Etudes Politiques d'Aix et aujourd'hui élu socialiste à Marseille, Nassurdine Haidari a lancé aux candidats à la présidentielle, un appel remarqué, "Nous ne marcherons plus", que le Bondy Blog et le Marseille Bondy Blog ont déjà relayé.

But de l’initiative : mettre en application concrète, dans une France plurielle, le principe constitutionnel d’égalité. À l'heure où l'instrumentalisation de la “menace” migratoire tente de s'inviter dans la campagne présidentielle, nous revenons sur le parcours de ce jeune élu, inscrit dans l'histoire marseillaise.

II. DIFFICILE ÉGALITÉ

La condition d'un jeune noir dans le Marseille des années 80 relève d'un racisme courant, banal, presque inconscient. “On savait qu'on était noirs, on savait qu'on n'était pas comme les autres. Rien que nos conditions de vie parlaient pour nous. Ce n'était pas une question d'islam comme on veut le penser aujourd'hui. Le racisme de nos amis corses, de nos amis italiens, c'est que nous n'étions pas des Français à part entière.”


“Des gens de chez toi”
Dans le quartier où il vivait, Nassurdine Haidari ne se souvient pas avoir eu de nom ou de prénom fixe. Pour les voisins, les voisines, l'entourage, il est tantôt la Sardine, tantôt Youssef, tantôt Mohamed. “Dès qu'il y a un noir dans un film c'est pour toi... Bamboula, Chaka Zoulou, Kounta Kinté, tous les noms de noirs sauf le tien... La première chose qu'on m'a retirée c'est mon identité.”

Nous voici devant l'immeuble où il faisait jadis les ménages. Tandis que nous contemplons la façade, il appelle d'en bas : “Claudiiiine !” (prénom modifié, ndlr). Une petite tête pointe là-haut, entre les pièces de linge étendues : c'est la fleuriste, l'une de ses anciennes employeuses.

Elle est encore là, l'oreille un peu dure mais l'esprit alerte. Ils échangent des nouvelles d'un peu tout le monde et même du chat, la vieille dame montre le bas de l'immeuble : “il y a des gens de chez toi, au premier étage...”

Né en France, enfant du Panier et élu local, Nassurdine Haidari, 34 ans, est encore aux yeux de l'ancienne voisine un enfant de là-bas, un fils des Comores... De sa voix pensive il commente : “dans son esprit, chez elle ce ne sera jamais chez moi...” Nous revoici au cœur de cet appel à l'égalité qu'il a lancé dans la campagne présidentielle.


L'homme des appels
Aujourd'hui, dit-il, 80 % de ses anciens amis sont morts ou en prison. “S'il n'y avait pas eu la mosquée, s'il n'y avait pas eu ce tissu communautaire, s'il n'y avait pas eu l'école... au vu de l'environnement hostile qui était le mien, je n'aurais pas réussi.”

Qu'on le veuille ou non et quoi qu'on en pense, la salle de prière et l'école coranique ont joué un rôle structurant dans ce parcours. D'une part en tant que lieu de socialisation contrebalançant la séparation, d'autre part en tant que lieu d'acculturation, qui a permis à cet enfant pauvre d'apprendre le comorien et l'arabe tout en exerçant sa mémoire.

Une autre des joies de son enfance s'enracine dans cette expérience : lorsque il fait l'apprentissage de la psalmodie, qui va lui permettre de présider la prière. En s'exerçant, seul dans son couloir, comme il le dit, il tient à distance la rudesse d'un monde en noir et blanc.

Un enregistrement de ces chants soufis qu'il pratique encore nous en donne un exemple. Ce sont des appels, des invocations à forte densité, aujourd'hui recouvertes par une autre sorte d'appel : “Nous ne marcherons plus.”


“Je ne suis l'alibi de personne”
Plus qu’un parcours, le devenir de Nassurdine Haidari montre que des influences multiples, ou même jugées contradictoires, peuvent s’additionner pour produire chez un individu un véritable idéal républicain.

Une étape décisive dans son parcours universitaire est, après la faculté de lettres, son entrée à l'Institut d'Etudes Politiques d'Aix, auprès de Bruno Étienne, dans le laboratoire des religions, où il entreprend la réalisation de son doctorat. À partir de cette gestation républicaine, il va croiser les destinées du CRAN (Conseil Représentatif des Associations Noires) dont il deviendra, en région PACA, le vice-président.


“Égalité réelle”
Cette étape décisive l'engage dans une voie nouvelle : comment faire pour que la France accepte de reconnaître et “accueillir” ces minorités qu'elle n'a jamais vraiment fait siennes ?

Pour Nassurdine Haidari c'est affaire de volonté et même plus : de volontarisme. L'égalité, la parité, la mixité ne seront jamais appliquées sans mesures fermes voire contraignantes, notamment pour les entreprises.

Pour les femmes, comme pour les Français issus de ces minorités, “les quotas ne sont jamais respectés”, fait-il observer. Est-il acceptable que la France se trouve aujourd'hui placée en termes d'égalité hommes/femmes derrière le Kazakhstan, selon le classement établi par le World Economic Forum en 2010 ?

Preuve par les faits : c'est à son initiative qu'Élisabeth Saïd est devenue, en 2008, la première élue noire à siéger au conseil municipal de Marseille.

Quant à lui, de simple conseiller d’arrondissement il est devenu entre temps adjoint à la mairie de secteur des 1er et 7e arrondissements en charge de la vie associative, aux côtés de son mentor en politique, Patrick Mennucci.

En 2011, il lançait aux candidats à la présidentielle son initiative nationale, Nous ne marcherons plus”, sur la base d'un programme pour les quartiers populaires dans lequel il tente d'entraîner les grandes formations démocratiques.

Le PS, le Modem, le Front de Gauche ont répondu présent. Tous sauf l’UMP, qui promet de faire connaître son positionnement plus tard... Il s’agit, à la manière du pacte pour l’écologie de Hulot en 2007, de faire s’engager publiquement les candidats sur le thème de la diversité, notamment par la mise en œuvre d’un ministère de l’Egalité. Cette proposition a été reprise par François Bayrou, et Nassurdine Haidari y a réagi dans les colonnes de Respect Mag.

Les médias nationaux et internationaux se sont intéressés à cette démarche qui revendique une égalité réelle dans les domaines les plus critiques : le travail, le contrôle au faciès, le logement.

Reste à savoir si cet intérêt tardif et intermittent pour les banlieues va perdurer au-delà des élections présidentielles. L'actualité n'aura pas beaucoup aidé Nassurdine Haidari, dans ce mouvement de balancier persistant qui affecte le champ politique français, entre dynamiques de ralliement et forces de division.

Lorsque, enfin, nous lui demandons quelles sont les voix qui ont nourri son parcours, il égrène : Frantz Fanon, Aimé Césaire, Hannah Arendt et... le Code noir [pdf
]

Du premier, il a retenu cette phrase : “Chaque génération doit dans une relative opacité découvrir sa mission, la remplir ou la trahir.”1 Et du second : “Debout dans la cale, debout !”

1. Frantz Fanon, Les damnés de la terre (1961)

2. Aimé Césaire, Cahier d'un retour au pays natal (1947)





Crédit photos : Christine Gorce




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Christine Gorce et Jean-Philippe Hierso -


Réactions des internautes

Amélie
Mercredi 11 Avril 2012, 23:13
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C'est toujours cocasse de voir un membre actif d'une association différentialiste voire racialiste en appeler à l'égalité républicaine. C'est contradictoire, tout comme associer égalité et "diversité".
Imam à onze ans, comment est-ce possible ? 

Pourquoi ne pas vous renseigner sur la condition des femmes au Kazakhstan et en faire un petit compte-rendu ? 

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Christine Gorce
Jeudi 12 Avril 2012, 08:58
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Re: du CRAN
On peut être anti-assimilationniste sans pour autant être différentialiste, heureusement...

Voir ci-dessous l'excellente mise au point de Louis-Georges Tin :

http://lecran.org/?tag=amselle

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Amélie
Vendredi 13 Avril 2012, 15:39
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Re: de l'opportunisme
Comme c'est dommage qu'un fin lettré reprenne à son compte cette novlangue "diversitaire" à des fins personnelles. A combien s'élève le salaire du président du CRAN ? 
http://www.marianne2.fr/Le-lobbying-du-CRAN-au-service-des-Noirs-ou-du-CRAN_a201398.html


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Christine Gorce
Vendredi 13 Avril 2012, 22:25
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Re: de l'opportunité
 -"Novlangue" : vous me faites sourire, c'est vous-même qui avez mis sur le tapis ces grands mots (ou maux) que Louis-Georges Tin réfute pour sa part. On peut difficilement répondre aux accusations de l'adversaire sans en reprendre les termes...

-CRAN 2011 : votre article date, il en est de plus récents et de plus précis concernant la gestion du CRAN du temps de Patrick Lozès. Celle-ci a fait l'objet en octobre 2011 d'une ouverture d'enquête pour abus de confiance et blanchiment, attendez-en les conclusions pour triompher.

Son successeur Louis-Georges Tin a insisté depuis pour que le CRAN soit catégoriquement dissocié de Patrick Lozès, "s'engageant à ce que son association collabore avec la justice en communiquant toutes les pièces financières et administratives nécessaires pour que la situation soit clarifiée le plus rapidement possible."
http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2011/12/02/patrick-lozes-ex-president-du-cran-vise-par-une-enquete_1612155_1471069.html

Mais si le but est de trouver à tout prix de quoi noircir (sans jeu de mot) des personnalités qui ont le malheur de revendiquer des valeurs blanches (ç-à-d républicaines), alors il n'y a plus rien à dire...

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Amélie
Samedi 14 Avril 2012, 08:54
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Re: de l'opportunité

Je vous remercie mais le terme « diversité » est utilisé et revendiqué par Louis-Georges Tin, sur son blog entre autres.

Il est  bien normal de réguler ce qui pourrait porter préjudice à une association.

Les  « valeurs blanches » renvoient à une certaine idée de la supériorité de l’Occident plutôt qu’aux valeurs républicaines, ne cherchez pas à inverser les valeurs.

 

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Romuald
Dimanche 15 Avril 2012, 11:00
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N'est-ce pas une erreur de la part de parents immigrant en France, que de chercher à se regrouper en fonction de la communauté ethnique d'origine ?

N'est-ce pas montrer par ce geste une peur voire un refus de l'Autre, de la différence, de la diversité de ce qui n'est pas soir; altérité, différence et diversité qui, pour le coup, sont représentées par le Français (blanc) ?

Je suis moi-même non-blanc, cela se voit sur mon visage, j'ai grandi dans une petite commune de Provence où nous étions très peu d'immigrés.
Pourtant, les seules remarques « racistes » que j'ai reçues, ce n'était pas dans cette commune, pas à l'armée, mais dans le RER, en région parisienne, de la part d'un jeune « issu de la diversité » ou encore au boulot, là aussi par des jeunes « issus de la diversité »...


Sinon, il est assez curieux de pointer du doigt les inégalités hommes-femmes en France tout en comparant avec la situation au Khazakstan (?), alors que, dans les pays d'origine de nombre de Marseillais d'adoption, il ne saute pas particulièrement aux yeux que la femme y soit mise sur un même pied d'égalité que l'homme.
Dans les mosquées que fréquente celui qui fut imam à 11 ans (??), je doute que femmes et hommes ne soient pas physiquement séparés...



PS : je viens de trouver un ancien article du Bondy Blog.
Si ce monsieur Nassurdine Haidari a pu intégrer le monde politique, c'est grâce aux pleurnicheries du CRAN, qui a fait pression sur Mennucci.
http://yahoo.bondyblog.fr/200711240001/et-les-comoriens-a-marseille-ca-compte-pour-beurre/ 
Il est entré au sein du PS en tant que Comorien, caution diversité du PS local.

Comment peut-on accepter ce paternalisme puant ? quid de la fameuse phrase de Martin Luther King « I have a dream that one day my 4 little children will leave in a nation where they will not be judged by the color of their skin, but by the content of their character » ?

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