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Réinventer la Belle-de-Mai

Mercredi 08/02/2012 | Posté par Daisy Lorenzi

QUARTIERS DIVERS - Le MBB ouvre aujourd’hui une nouvelle rubrique. Dans Quartiers Divers, vous retrouverez tout ce qui concerne la vie des quartiers et de leurs habitants. Daisy fait l’inauguration, et nous propose une balade à la Belle-de-Mai.

Indissociable de sa Manufacture de Tabac aux XIXe et XXe siècles, aujourd’hui emblème du renouveau culturel de Marseille, la Belle-de-Mai figure parmi les quartiers les plus emblématiques de la ville. Mais c’est également l’un des plus pauvres. Les projets de développement mis en place sont ambitieux ; pourtant, ils paraissent déconnectés des préoccupations des habitants, qui se demandent quel avenir ils peuvent encore y espérer.

Quartier populaire au cœur de Marseille, la Belle-de-Mai a son histoire, sa réputation. Renaud, qui l’a chantée en 1994, aurait bien du mal à la reconnaitre. Sur la place Cadenat, seuls les commerçants les plus téméraires sont encore présents.

Roselyne en fait partie. Pendant 42 ans, elle y a tenu un kiosque à fleurs. Elle vient tout juste de le vendre. Une enfant de la Belle-de-Mai, qui peste amèrement contre la transformation de son quartier, et qui malgré tout, ne peut se résoudre à s’en séparer.
 

D’autres pourtant, ont bel et bien plié bagage. En une dizaine d’années, la rue Belle-de-Mai s’est vidée de ses commerçants. L’artère, autrefois l’âme du quartier, n’est plus que l’ombre d’elle-même : une succession de magasins aux rideaux de fer baissés. 

 


Plus loin, le cabinet d’un médecin généraliste a été laissé à l’abandon, des magasines éparpillés au sol, comme si son propriétaire était parti précipitamment. Quelques boutiques de téléphonie restent ouvertes, et côtoient l’atelier d’un cordonnier où rien ne semble avoir bougé depuis plusieurs décennies. 

La Belle-de-Mai a pourtant toujours été un quartier modeste : "Le plus pauvre, mais aussi le plus gai à l’époque", raconte notre vendeuse de fleurs. L’installation de la Manufacture de Tabac en 1868, va véritablement forger son identité autour de ces communautés d’ouvriers, venus d’Italie, de Pologne et d’Arménie.

Une atmosphère de village où l’on se rencontre sur la place du marché, une Gauloise au bec. L’usine a depuis disparu et les Gauloises qu’on y fabriquait ont changée de tarif.

Le prix du mètre carré a chuté, pour devenir l’un des moins élevé de la ville. Les immeubles ont par la même occasion vieilli, et peu d’entre eux ont bénéficié d’une rénovation. Une paupérisation avec laquelle s’installe un sentiment d’insécurité et des violences récurrentes.

 

Ceux qui acceptent de parler du quartier où ils travaillent (mais n’habitent pas, "heureusement"), demandent en retour l’anonymat. L’extrême pauvreté côtoie la misère, et presque logiquement, en juillet dernier, un espace solidaire d’hébergement est venu se nicher au cœur de la Belle-de-Mai. Il accueille actuellement dix familles roms auxquelles il offre un logement décent. Comme si la pauvreté attirait la pauvreté… 


Une seconde vie pour la Seita.

Sur le papier, l’emplacement a pourtant de nombreux atouts. Situé dans le 3e arrondissement, proche à la fois de la gare Saint-Charles, de la sortie d’autoroute, et du centre même de Marseille. Un potentiel dont les pouvoirs publics se sont bien rendu compte.

Quand la Seita a rendu les clés de la Manufacture en 1990, ses 120 000 m2 sont devenus une friche industrielle. Reconvertis dans le cadre du projet Euroméditerranée, trois sites ont redonné vie à cet ensemble laissé à l’abandon.

En 1992, les artistes investissent le terrain pour faire de la friche un lieu de bouillonnement culturel. Un espace dédié à la création comme au spectacle, du théâtre populaire Massalia, au festival électronique Marsatac.

En 2004, le "Pôle Média de la Belle-de-Mai" sort à son tour de terre. Ses plateaux accueillent la chaîne marseillaise LCM, et abritent les studios de la série "Plus belle la vie". Pépinière d’entreprises, incubateur multimédia, pôle patrimoine,… au total le projet fait travailler plus de 1000 personnes.

La Friche pourrait servir de modèle au quartier tout entier. D’un terrain vague à l’abandon, est né le lieu phare de Marseille 2013.
Toutefois, si un projet de réhabilitation urbaine voit le jour, il devra être mieux ancré dans son environnement.

Car l’esprit de la Friche a du mal à infuser dans le reste de la Belle-de-Mai, et l’espace s’apparente au final à un lieu clos, recroquevillé sur lui-même. Les habitants, plutôt âgés et aux faibles revenus, ne côtoient pas les artistes qui peuplent la Friche, même si "on croise quelques bobos, ici et là", de l’aveu des vendeurs de la place Cadenat.

Dominique Giner-Fauchoux, adjointe au maire, conçoit l’écart entre ces deux populations. C’est pourtant de leur coexistence que revivra la Belle-de-Mai.
Un changement difficile à accepter pour ceux qui ne reconnaissent plus l’endroit où ils ont grandi. "Il faut pourtant prendre des risques si l’on veut redynamiser son quartier", continue l’adjointe au maire, qui a racheté une boulangerie-pâtisserie en 1990, et plus récemment un snack au même endroit, sur la fameuse place Cadenat.
"Il faut bousculer les habitudes des gens et des petits commerçants. Il y a cinq ans encore, aucun commerce ne restait ouvert entre midi et deux heures. Alors forcément, cela n’incitait pas les gens de la Friche à descendre sur la place".

Donner envie à ceux qui ne sont que de passage, de rester vivre ici, c’est de cela dont dépend l’avenir de la Belle-de-Mai. Ce ne sera possible qu’en combinant les efforts des habitants aux projets immobiliers.

 



Crédit photos : Daisy Lorenzi



 

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