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Fabrice Apruzesse, un amateur sur internet

Jeudi 22/11/2012 | Posté par Jan Cyril Salemi

En découvrant la Ligue 1 lors du match Bordeaux-OM, le footballeur a aussi expérimenté l’univers impitoyable du web.

Fabrice Apruzesse, vous connaissez ? La semaine dernière, probablement pas. Mais depuis quelques jours, il y a de fortes chances pour que vous en ayez entendu parler. Pour ceux qui l'ignorent encore, Fabrice Apruzesse est un footballeur amateur qui a participé à la dernière rencontre de Ligue 1 avec l'OM.

Depuis son entrée en jeu, dimanche, lors du match Bordeaux-OM, le garçon est au cœur du buzz sur internet. Tous les médias traditionnels (L'Equipe, TF1, Eurosport, Le Monde, ou même la Gazetta dello Sport, et tant d'autres), lui ont consacré au moins un article.

Mais Fabrice Apruzesse est aussi devenu un sujet, ou un objet, pour ces réseaux qu'on dit sociaux. Qu’on devrait plutôt appeler réseaux viraux. Car, s’ils n’ont souvent pas grand-chose de social, ce qui y est diffusé se propage à la manière d’un virus. Pour le meilleur comme pour le pire. 

En quelques jours, c'est un véritable déferlement qui s'est abattu sur le bonhomme. Sur Twitter ou Facebook, des centaines et des centaines de messages ou de commentaires ont afflué. Au point qu'il suffit de taper "fab" sur Google pour obtenir "Fabrice Apruzesse" comme première suggestion.

Au milieu de ce flot hallucinant, quelques messages bienveillants, de soutien, d'encouragement, comme cette page Facebook. Mais surtout un déluge de moquerie, de méchanceté, de cruauté, de bêtise.


Un amateur avec les pros
Les raisons de ce délire ? Le gars est un amateur, un vrai. Pas un jeune du centre de formation, qui vient faire le nombre parce que les titulaires sont blessés. Non, un amateur. Un mec qui travaille la journée, s'entraîne le soir, et fait ses matches le week-end. L'an passé, il jouait à Consolat, un club des quartiers Nord, en CFA, l'équivalent de la quatrième division.

A 27 ans, il est passé par plusieurs clubs du coin, où son profil de buteur est reconnu. C’est un bon attaquant de niveau amateur, et cet été, l'OM lui propose de rejoindre l'équipe réserve en CFA 2 (cinquième division). Une chance unique pour un Marseillais. Un peu comme c'est arrivé dans les années 90 à Laurent Spinosi (l’actuel entraîneur des gardiens du club olympien), passé alors de goal d'Endoume à remplaçant à l'OM.

Ce n'était pas prévu au programme, mais l'équipe 1 connaît en ce moment une pénurie d'attaquants. Apruzesse est embarqué dans le groupe à Bordeaux. Ce n'était pas non plus prévu au programme, mais Valbuena se blesse en cours de match. Et Apruzesse entre en jeu pour le dernier quart d'heure. Le rêve de n'importe quel joueur de ballon marseillais, lui le vit ce soir-là. Il court partout, en attaque, en défense, il se défonce.

Et sur internet, on le défonce. En général, le foot aime bien les histoires d'amateurs. Chaque année, la coupe de France a son légendaire petit Poucet, qui élimine le gros club et son gros budget. La France du foot s’en délecte. La différence avec Apruzesse, c'est que ce n’est pas un amateur qui joue contre les pros. Il joue avec eux. Ça ne dure même pas vingt minutes, mais ça existe. Il y a ceux qui adorent, qui trouvent l'histoire magnifique. Et il y a ceux, les plus nombreux, pour qui ça ne passe pas. 


Twitter se déchaîne
Un amateur qui s’incruste dans la cour des grands, ce n’est pas compatible. Dès son entrée sur la pelouse, Apruzesse récolte les pires bassesses sur Twitter. On se fout de son physique, de son allure, et du fait même qu’il se trouve là. Sa page "Copains d’avant" est détectée (elle a été fermée depuis), on y apprend qu’il est chauffeur-livreur, et les moqueries s’amplifient. Pendant quelques heures, le mot-clic #Apruzesse devient un défouloir, un déversoir à ordures, où surnagent quelques témoignages de soutien ou d’indignation devant le traitement qui lui est réservé.

Pour couronner le tout, les analystes du foot en font le symptôme de la mauvaise santé de l’OM, contraint de faire appel à un amateur. Même si cet argument se justifie, et que le débat peut être posé, il a souvent eu lieu en des termes dégradants pour le joueur.

Le club a réagi et l’a soutenu. Elie Baup, l’entraîneur, a jugé "les réactions indécentes", José Anigo, le directeur sportif, s’est dit "sidéré". L’intéressé, lui, a assuré à La Provence que ça l’avait "touché au début, mais (qu’il) n’y fait plus attention." Difficile de le croire complètement, mais tant mieux pour lui s’il y est parvenu.

Pas sûr que Fabrice Apruzesse ait de nouveau la chance de fouler un terrain de Ligue 1. Mais si jamais c’est le cas, et que, comme par magie, il marque un but pour l’OM, les mêmes qui l’ont démoli se mettront à l’encenser. Evidemment. En attendant, tous continueront à fantasmer toute leur vie qu’un jour, ils entreront sur un terrain avec le maillot de leur équipe favorite sur les épaules. Pour Fabrice Apruzesse, c’est déjà fait.



Crédit photo : Marionzetta (Flickr)


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