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Mon entraîneur s’appelle Nadia

Samedi 06/06/2009 | Posté par Benoît Gilles

L’équipe des benjamins du Groupe Sportif Consolat a une particularité rare dans le football marseillais : leur entraîneur est une femme. «Femme jusqu’au bout des ongles », rigole même Nadia Souli, éducatrice de football dans cette cité des quartiers nord.

Le mistral souffle à décorner les bœufs. Mais, dans ce coin des quartiers nord, cela fait quelques décennies qu’on n’a pas vu de bovidés. D’ailleurs, ils n’auraient rien à brouter. Situé au cœur de la cité, le terrain de foot José Anigo (le manager sportif de l’OM est originaire de la cité) est en synthétique. Ce matin, une bande de minots tape dans la balle. Il n’est pas encore 10 heures et, déjà, ils sont à pied d’œuvre sur ce stade bordé par les barres d’immeubles. Tous attendent avec impatience, la vraie star de cette équipe de Benjamins. Elle s’appelle Nadia Souli et entraîne ces enfants de Consolat depuis le début de l’année.

A les entendre, il n’y a rien d’étonnant ou de « honteux » à être entraîné par une femme. Même à un âge où les rapports garçons/filles sont loin d’être évidents. Mais voilà que le reste de l’équipe arrive avec un adulte. Nadia ? Non, c’est Frédéric Ruiz, lui-même éducateur de football qui « manage » l’équipe avec elle. Ils cachent leur déception et lui claquent la bise. Lui-même est très content de la qualité de recrutement de Jean-Luc Mingallon, le président du GS Consolat. «C’est vrai que c’est assez rare les éducatrices de football qui entraînent des équipes masculines. A Marseille, je n’en connais pas d’autre. On va dire que Nadia est une exception. Mais cela fonctionne très bien avec les enfants. Elle a un bon contact, elle est très investie et elle sait se faire entendre quand il le faut. On a vraiment pris beaucoup de plaisir, ensemble, cette saison.»

Et le plaisir a payé puisque l’équipe est remontée des tréfonds du classement en début d’année jusqu’à finir 3_^ème du championnat. «Notre premier intérêt est que les jeunes progressent et s’épanouissent. Avec eux, on a réussi à créer un groupe et on a eu notre match référence. Battus 15 à 2 contre Saint-Julien au match aller, on a réussi à les remonter 4 à 3, ici. Bon, c’est vrai que c’est au cœur du quartier, les gens sont aux fenêtres, ça les motive.»

Mais voilà que les minots s’égayent en volée de moineaux : Nadia vient de garer sa voiture sur le parking tout proche. Ils se battent presque pour être le premier à lui faire la bise. Il faut dire que cette jolie jeune fille, la vingtaine à peine abolie, n’a pas remisé sa féminité en enfilant le survêt’. Coiffure soignée, maquillage discret, même les ongles sont peints. «Quand je vous dis que je suis femme jusqu’au bout des ongles, ce n’est pas un mensonge», rigole Nadia. Deux fois par semaine, elle traverse la ville pour entraîner les minots de Consolat. Une manière de prolonger sa passion d’adolescente. «Le foot, j’ai commencé à 14 ans et j’ai assez vite accroché alors qu’auparavant, je trouvais ça plutôt bête de courir après un ballon. Pour autant, ça n’a pas été simple : il a fallu d’abord convaincre mon père et mes frères que je ne faisais pas du foot pour me dévergonder. Mais, une fois que ça a été accepté, je n’ai plus eu de souci.»

Aux Bosquet Néréides, la cité des quartiers est où elle a grandi, l’équipe de filles s’entraîner sans éducateur. «Il y avait juste un entraîneur des garçons qui passait voir si tout se passait bien.» Très vite, Nadia a donc mis son autorité naturelle au service du groupe. «Cela fait deux ans que je fais fonction d’entraîneur. Mais, depuis que j’ai pris en main une équipe de garçons, je ne reviendrais pour rien au monde à une équipe de filles. Il y a trop de jalousie.» Le foot reste avant tout une passion. Pour son avenir professionnel, elle pense au sport, mais plutôt tendance fitness pour lequel elle prépare un diplôme professionnel. Quoi qu'il en soit, elle reviendra à Consolat les mercredis et vendredis après-midi. Malgré la distance et les préjugés qu'il fallu combattre.

Et les a priori les plus tenaces on été les siens : pas très rassurée à l’idée d’aller entraîner dans les quartiers nord., elle, la fille des quartiers sud. «Franchement, je ne connaissais pas et j’avais une image complètement fausse des quartiers. Quand Jean-Luc [Mingallon, ndlr] est venu me chercher, je me disais que les petits allaient me manger. J’avais peur ! La réalité est très différente. Les gens sont tous gentils et le quartier est beaucoup plus calme que certaines cités du sud. A croire que, là-bas, ils sont trop gâtés.»

La voilà mordue. Et autour d’elle, les garçons piaffent. Ils ont fini l’échauffement et voudraient bien qu’elle embouche le sifflet pour piloter les exercices d’attaque/défense que Frédéric Ruiz a lancés. Hauts comme quatre pommes, les petits ne lâchent pas Nadia des yeux. Le goal lance : «Nadia ! Regarde bien mes arrêts.» Le duo d’attaquant s’avance, contrôle, passement de jambes superfétatoire. Le défenseur s’impose : «Arrah, Nadia : T’as vu comme je l’ai stoppé.» Cela n’arrête pas. A force, elle en oublierait presque la règle du hors-jeu. «C’est vrai que la séduction fait partie du truc. Mais, croyez bien qu’ils respectent d’abord mon autorité.» Sans doute… Mais l’autorité passe mieux avec un joli sourire.

Reportage photos: Jean-Paul Duarte (Collectif A Vifs)

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