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Halal : Quand la loi du marché prend le pas sur le religieux

Lundi 22/11/2010 | Posté par Samir Akacha

DEUXIÈME VOLET DE NOTRE DOSSIER HALAL. Les festivités religieuses musulmanes sont closes pour cette année. Un constat s'impose, certaines autorités religieuses s'inquiètent de l'essor du marché Halal, aux dépends de la religion elle-même.

Le 10 septembre dernier, au parc Chanot à Marseille, avait lieu la prière de l'Aid el Fitr. Devant un parterre de fidèles, l'imam évoque la décision de la chaine de restaurants Quick de passer au halal pour certaines de ces enseignes, et fustige cette décision, l'accusant de profiter de ce marché sans penser aux conséquences que cela va avoir sur la communauté musulmane. En effet, il redoute que les musulmans soient de nouveau pointés du doigt, accusés de vouloir islamiser la France.
Outre les attaques des idéologues contre la communauté musulmane, l'autre risque est de voir se développer les pratiques commerciales frauduleuses, avec pour caution trois syllabes vidées de leur sens au profit de l'intérêt économique et de la rentabilité sans contraintes, en créant des normes propres, en dehors de tout contrôle religieux.
Des voix dans la communauté musulmane s'élèvent pour dénoncer ces scandales, comme le site d'Alkanz, ou via cette pétition en ligne, halal en danger. Cependant, ces questions posent également la question de la représentativité de cette communauté et de sa capacité à défendre ses intérêts. Ainsi, le Conseil Français du Culte Musulman est pointé du doigt, accusé de s'être peu exprimé sur la problématique.
Ce problème pose la question de la place du consommateur musulman en France. Le halal ne bénéficiant pas des mêmes règles qui entourent la production et la traçabilité d'aliments bios, les fraudeurs ont les coudées franches, une simple facture pouvant servir de preuve, comme remarqué dans le reportage sur le halal diffusé sur Canal+. Les dérives constatées autour des enseignes comme KFC et des marques comme Doux prouvent que l'intérêt du consommateur musulman passe bien après l'intérêt économique pour un marché de plus de 5 milliards d'euros.

crédit photo : mariem_blandine/Flickr

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Samir Akacha -


Réactions des internautes

Jimmy
Lundi 22 Novembre 2010, 17:27
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 La position de cet imam est intéressante, même si, ce n'est pas la démarche commerciale de ces chaînes de restauration qu'il fustige. Il fait plutôt écho à ceux qui parlent d'islamisation de la France. Est-ce que, quelque part, ce n'est pas leur donner raison ?

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Romuald
Mardi 23 Novembre 2010, 09:15
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Je lis régulièrement ce qu'il se dit sur les sites musulmans, comme Saphir News, Al Kanz (dont il est question dans l'article), Oumma etc etc.


Sur Saphir News, j'ai ainsi appris que le Quick halal du Merlan par ex a vu le jour suite à la pression de musulmans ayant littéralement assailli le standard..

Idem pour l'autre Quick halal de Marseille.
 
Par pur mercantilisme, ces Quick ont saisi l'opportunité de se faire un max d'argent.

Sauf que, forcément, qui dit argent dit trop souvent mépris du consommateur.
Et c'est ce que dénonce régulièrement Al Kanz dans ses colonnes.

Que ce soit au travers de dessins bien infantilisant (la série des Adabeo)



Ou d'articles un peu plus sérieux, mais très critiques; exemple cet article dans lequel Al Kanz traite les clients musulmans de ces Quick halal de « pathétiques musulmans » (sic).


J'ignore qui a subitement poussé les musulmans à exiger du halal; que ce soit pour ces temples de la malbouffe que sont les Quick (paradoxal d'aller au Quick halal pour bouffer, alors que le halal est censé être une nourriture pure et saine), les cantines scolaires (il y a eu une pétition dans ma ville, Aulnay-sous-Bois, pour du tout halal; le maire a simplement consenti des menus sans viande comme à Lyon, Strasbourg etc; outre la quasi-disparition du porc...), les cantines administratives/institutionnelles...


J'ai donc l'impression que certains font croire aux musulmans que, s'ils ne mangent pas absolument halal, si leurs femmes ne portent absolument pas le voile (intégral ou non), ce sont de mauvais musulmans.
Or, d'après ce que j'ai compris, le coran est en arabe littéraire; l'arabe du Maghreb n'est pas le même que l'arabe littéraire : aussi il est fort possible que les musulmans maghrébins ne comprennent pas forcément ce qu'ils lisent/disent à la prière.

Ce qui les rend aisément manipulables pour peu qu'un musulman instruit (à force d'avoir répété le coran dans une école coranique..) les impressionne et s'impose finalement à eux comme imam/gourou (étant athée, prêtres, rabbins et imams sont pour moi des gourous, puisque je considère les religions comme étant des sectes nocives).


De même, semble exister chez les musulmans une certaine hystérie relative à ces rites religieux.
Pour l'aïd par ex, je lisais dans la prese algérienne (El Watan ou Le Temps d'Algérie, je ne sais plus) que 25% des familles avaient acheté à crédit leur mouton..... Et ce, alors que la rentrée scolaire a été rude pour les familles, à cause des nombreux frais occasionnés par cette rentrée (blouse bleue/rose etc etc) mais aussi à cause du ramadan pour lequel les familles dépensent énormément...

Bref cela donne l'impression que la pratique doit être ostensible, pour être crédible; comme s'il s'opérait une crise de foi, si je puis dire.
Peut-être parce que l'islam traverse une crise identitaire face à une mondialisation apparue depuis la chute du communisme et qui lui échappe face à l'apparition d'un capitalisme ravageur américano-chinois, il y a un besoin de se raccrocher à ces rites, je ne sais pas.

Se rajoutent, pour les musulmans français, une crise identitaire « ethnique » qui se remarquent surtout chez les « jeunes » arborant drapeaux et t-shirts algériens etc, alors que je doute qu'ils apprécient passer les vacances au « bled » l'été.



Toujours est-il que ces revendications halal, ces prières dans les rues, dans l'ambulance, dans la banque ou au secrétariat (voir sur Al Kanz quelques lieux de prière incongrus, dont des administrations !!..); le voile simple* et désormais intégral, le port de la barbe ou du qamis raccourci (avec baskets, svp !), tout cela participe à l'ostensibilité de l'islam, qui, outre une religion, est aussi une culture, une civilisation...

D'où, forcément, les réactions hostiles de non-musulmans face cet islam par trop envahissant en place publique, dont la mienne (de réaction).


* A propos du voile, je bosse à Roissy CDG et je vois désormais parfois des fillettes voilées, accompagnant les couples de Français musulmans, dont l'un et/ou l'une est converti(e).
Du reste lors de la mosquée d'Argenteuil par Fillon (article 2 de la loi 1905, la République ne subventionne ni ne salarie ni ne reconnaît aucun culte... Hem), on peut voir... une fillette voilée.
Triste. Oui oui, c'est sa liberté, son choix blablabla.
Moi aussi, j'ai été endoctriné durant 19 ans, non par l'islam, mais par le catholicisme. D'où mon athéisme.



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Samir Akacha
Samedi 27 Novembre 2010, 16:58
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Re:
 Bonjour Romuald,

  Nous n'avons pas lu l'article auquel vous faites référence de la même façon. Le standard de Quick n'a pas explosé sous les demandes de consommateurs musulmans pour voir proposé de la viande Halal. Les musulmans se sont précipités sur leur téléphone APRES le passage au Halal, pour vérifier si ce restaurant proposait bien de la viande Halal.

  Concernant l'exigence du Halal dans les cantines scolaires, je comprends les deux points de vue. Mon frère est au lycée, et il lui arrive de ne pratiquement rien manger à la cantine, quand la viande est mélangée au plat principal (lasagnes, raviolis, hachi parmentier...). Quand ce sont des plats distincts, quand on propose de la viande, le poisson est souvent absent du menu. Ce qui a pour conséquence que nombre d'élèves de confession musulmane se retrouvent à manger du pain et du fromage, au lieu d'avoir un repas équilibré comme les autres.

  Ensuite, il y a ceux qui pensent que le fait de proposer de la nourriture halal dans les établissements scolaires ou interdire le porc va à l'encontre du principe de laïcité. Le fait est que la religion commence à être considérée comme une maladie, une aberration, et toute demande émanant d'une communauté religieuse devient un danger pour la république, la liberté, les valeurs fondamentales de la France, une brèche vers le communautarisme, la porte ouverte à la fin des haricots.

  On peut bien parler de principes, mais pour moi, ce qui doit primer, c'est l'intérêt supérieur de la majorité. Si tout le monde a le ventre rempli, tant mieux, chacun doit avoir un minimum d'égard. Si les enfants ne peuvent pas manger de porc à midi, ils pourront toujours en manger le soir ou le weekend. Je pense que c'est plus préférable que de voir des élèves avoir faim la moitié de la journée, au nom d'un principe laïque.

  Ce qui vient d'une culture étrangère est toujours considéré avec méfiance, parfois même avec mépris. Mais le fait est que la France a changé, elle est multiculturelle, multiconfessionnelle, et le fait de faire en sorte que chacun soit satisfait un minimum, c'est une preuve d'ouverture d'esprit, pas une capitulation des valeurs fondamentales et des traditions.

  Concernant la manipulation potentielle des musulmans. Oui, le Coran est écrit en arabe littéral, et désormais il n'y a plus que sur les chaînes d'informations qu'on l'entend parlé couramment, la langue ayant évolué, chaque pays possédant son propre dialecte (24 pays arabes s'étalant sur plus de 5000 Km). Mais apprendre une sourate, même en ayant peu de notions d'arabe, ne veut pas dire renoncer à lire la traduction, ni en débattre sur le sens, au sein de la famille, entre amis, à la mosquée, sur internet. Il faut savoir que dans la plupart des familles musulmanes en France, près du Coran en langue arabe, il y a le Coran en langue française, qui à mon humble avis est plus lu que celui en arabe, méconnaissance de la langue oblige. Alors oui, il peut y avoir une manipulation, comme dans chaque religion. Mais la barrière de la langue ne mène pas forcément à des dérives.

  Vous écrivez :

"J'ai donc l'impression que certains font croire aux musulmans que, s'ils ne mangent pas absolument halal, si leurs femmes ne portent absolument pas le voile (intégral ou non), ce sont de mauvais musulmans"

  Quand Al Kanz dénonce le comportement de certains musulmans comme laxiste, on ne peut pas le lui reprocher, parce qu'il avance des arguments, certes religieux, concernant l'abstinence dans le doute. C'est parce que ce constat est enrobé de religiosité que cela pose problème à un lecteur qui considère que les religions sont nocives (c'est un autre débat cependant).

  Prenant l'exemple d'un consommateur qui se dit écolo. On pourra lui reprocher d'acheter des produits bios sans se soucier de savoir si l'emballage est biodégradable, de se fier aveuglément aux organismes de certifications bios alors qu'ils sont payés par les agriculteurs (pour l'indépendance, on peut faire mieux), de se laver avec un gel douche ushuaia sans savoir qu'il contient du Méthylparaben, de se protéger avec une crème solaire qui va polluer la mer, d'acheter des produits commerce équitable sans savoir qu'il y a des risques de dérives (un chef de village qui possède 4 4x4 alors que les habitants sont toujours aussi pauvres), sans que celui qui lui en fait le reproche soit considéré comme extrèmiste par les autres adeptes du bio, du développement durable, du commerce équitable, de l'écologie... Cela va de soi, on sais que c'est justifié. Mais une personne qui ne fait pas autant attention à ce qu'il consomme va arguer (ce que j'entends le plus souvent) que si on fait attention à tout ça, on ne vit plus, on ne mange plus...

  L'exigence, avec le bio, avec le halal, c'est d'être un consommateur responsable. Vérifier, être sûr, se méfier, éviter dans le doute. Pour le reste, les avis sont libres. Fustiger le comportement de ceux qui se prétendent quelque chose sans en appliquer les principes de base, ce n'est pas de la manipulation. Et c'est à l'appréciation de chacun de suivre ou non ces recommandations.

  Concernant l'hystérie autour de l'Aïd et du ramadan, elle n'est pas spécifiquement islamique. Les chrétiens (et pas qu'eux) veulent faire plaisir à leurs enfants à noël, marquer le coup avec un bon repas au nouvel an. Vous ne mettez pas en lumière un problème spécifiquement musulman.

  Ce ne sont pas juste des rites, c'est un état d'esprit. L'islam est par exemple le modèle sur lequel a reposé l'unité du peuple algérien quand la colonisation a chamboulé l'organisation du pays. Ce n'est pas une mode. Et une exception ne peut pas faire office de règle. Ce n'est pas parce que des gens pratiquent avec ostentation que c'est révélateur d'une tendance de fond.

  Et pour la crise identitaire et ethnique, chacun y répond selon son environnement et sa réflexion. Qu'est ce que ça représente d'arborer le drapeau d'un autre pays ? Soit on est très fier de ce pays, soit on souligne que le pays dans lequel on vit ne nous permet pas de nous épanouïr pleinement (chômage, discrimination, racisme...). Il y a un souci quand un État réclame le respect de ses codes et valeurs, mais qu'en échange le respect de la population est laissé de côté.

  Je me suis longtemps posé la question de mon identité. Qui suis-je ? Je suis Samir, j'ai 23 ans, je suis né en Algérie, je suis arrivé en France à l'âge de 7 ans pour fuir le terrorisme, j'ai la double nationalité, je suis français, algérien. Puis ces cases commencent à me poser problème. Je suis coupé de l'Algérie, je n'y vit plus (même si j'adore y retourner en vacances). J'ai du mal à me considérer français. Ou plutôt, j'ai du mal à me considérer que français. J'ai voyagé, souvent, partout, je suis passionné de manga, de cinéma coréen, de littérature russe (Sergei Loukianenko), française, africaine, arabe, anglo-saxonne, suédoise (j'avoue, je n'ai lu que millénium pour le moment) et nippone, bref j'aime tout lire, j'aime la photo et l'écriture, j'aime discuter avec des gens du monde entier, sur facebook, second life, chatroulette, Flickr, et malgré toutes nos différences, on partage énormément de choses en commun. Tous mes voyages, toutes mes rencontres et découvertes, tout ça a permis de forger en moi une conscience citoyenne qui ne se limite pas à une nation, une ethnie, une religion. Je suis citoyen du monde, c'est la réponse que je donne à la question de qui je suis.

  Pour ce qui est ostensible dans l'islam, et que vous ne tolérez pas (voile, prière dans la rue, barbe), on oublie souvent qu'il existe la liberté de culte. On ne peut pas affirmer que chacun a le droit de croire en ce qu'il veut, mais derrière essayer de modeler la manière dont le croyant vit sa foi. Et pour ce qui est de l'occupation de l'espace publique, il est bon de rappeler que c'est parce que peu de lieux sont adaptés pour recevoir autant de fidèles. Mais oui, c'est vrai, ça peut faire pousser des boutons d'allergies, surtout quand on a une idée négative des religions, des religieux. Je reconnais que c'est un souci, à considérer des deux angles.

  Pour ce qui vous gène dans le voile et dans la barbe, des gens décident de vivre leur foi, leur conviction, et de le marquer sur leur personne. Même si cela vous dérange, on ne peut pas avoir une identité en privé et se voir imposer une autre identité, forgée dans le moule commun (lui même modelé non pas par la majorité), dans l'espace publique. Demander à quelqu'un de tatoué de laisser son tatouage à la maison, à un trans de remettre son sexe d'origine avant de sortir, c'est absurde, ça va a l'encontre de la liberté de choix, de croyance, de libre disposition de son corps. Ceux qui ne sont pas d'accord peuvent en débattre avec les concernés, philosophiquement, spirituellement ou rationnellement, mais il est illégitime d'imposer une manière d'être dans un pays qui se dit libre.

  Pour la petite fille voilée, vous partez du principe que quoi qu'il arrive, c'est mal. Ce n'est pas du blabla que d'essayer de défendre ce choix. Les parents ont le droit d'enseigner la religion de leur choix à leurs enfants, comme de ne pas leur en enseigner. Quand elle sera plus grande, elle devra avoir le choix de le garder ou non, de faire un choix en connaissance de cause, sans lavage de cerveau (des deux côtés). Si on lui refuse le choix de le retirer, là oui, vous pourrez vous offusquer, et moi avec vous. Mais si on lui refuse le droit de le garder, j'espère que je ne serai pas le seul à m'en affliger.


  Oui, l'islam est aussi une culture, une civilisation. Et alors ? N'y a t-il pas des bars irlandais en France, ne diffuse t-on pas des films américains, ne mangeons nous pas dans des restos italiens ou chinois, ne nous allongeons nous pas pour recevoir un massage thaïlandais, ne laissons nous pas nos enfants aller récolter des bonbons à Halloween ? Je le répète. La France est diverse, c'est ce qui contribue à sa richesse. Déterminer par avance ce qui peut faire partie de la culture française, c'est se condamner à s'enfermer dans un modèle, sans avoir l'occasion d'évoluer.

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