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Le Gouvernement n’a plus « envie d’agir » !

Mercredi 29/12/2010 | Posté par Nils Solari

BEST OF 2010 : SEPTEMBRE. Au cours d'une rentrée socialement agitée, Nils Solari revient sur la suppression du programme "Envie d'agir", qui entraine avec lui les rêves de nombreux jeunes.

Il y a des coïncidences qui ne trompent pas : la troisième Conférence ministérielle européenne sur l'intégration (sommet sur l’immigration) organisée sous la présidence française de l’Union Européenne1, à Vichy…  L’annonce de la suppression du Défenseur des enfants2 quelques jours après la célébration du 20ème anniversaire de la convention Internationale protégeant leurs droits.

Le gouvernement a semble t-il décidé de faire dans le symbole : le 12  août dernier, jour de lancement de l’année internationale de la Jeunesse, il a supprimé via une simple circulaire, le programme Envie d’Agir.

Cerise sur le gâteau, cette décision intervient au lendemain de la parution du rapport du BIT sur l’évolution du chômage mondial des jeunes, constatant un niveau sans précédent (13% en 2009 contre 11,9 % en 2007) et des perspectives peu radieuses pour l’avenir… avec le risque d’une « génération perdue »3.  
 
Envie d’agir qu’est-ce que c’est ? Ou plutôt, qu’est-ce que c’était ?

Créé en 1986, ce programme du Ministère de la jeunesse et des solidarités actives (porté avant cela par le Haut Commissariat à la Jeunesse, supprimé depuis), avait pour but d’encourager, soutenir et valoriser «  la capacité d’initiative des jeunes de 11 à 30 ans, dans tous les domaines : de la solidarité internationale ou de proximité, l’animation sociale et culturelle, le développement durable à la création d’entreprise... » (selon la page de présentation).

En plus du « soutien à la fois pédagogique, technique et financier permettant d’accompagner les jeunes, de l’émergence à la réalisation effective de leur projet quel que soit leur âge, leur situation ou l’envergure de leur projet », Envie d’Agir fédérait sur les territoires, toute une série d’acteurs investis sur les questions d’insertion, de l’éducation populaire, de soutien à la jeunesse, etc.

Un tremplin pour de nombreux marseillais

Dans la cité phocéenne, Envie d’Agir a permis le lancement de nombre de structures aujourd’hui reconnues. ZimZam (cirque adapté pour handicapé) est passée par les 3 étapes du programme et a ainsi pu lancer un festival dont la renommée n’est plus à faire (4ème édition ce 25 septembre à Forcalquier) et acquérir une visibilité au plan national (passage sur de nombreux médias).
L’association En visages  a été lauréate dans la catégorie Entreprenariat social ; depuis son « Equitable Café » basé au Cours Julien, elle participe à l’information et l’animation autour des initiatives écologiques et provenant de l’économie sociale et solidaire, rassemblant un nombre considérable d’adhérents et de partenaires. L’Alternative positive est une autre association lauréate du Défi Jeunes et du jury national. De grands noms comme Pierre Rabhi ou Eric Julien (pour ne citer qu’eux) s’étaient associés à leur festival « entre tradition et modernité »…

L’association Distant District (Editions Même Pas Mal- Maison d'édition de Bande dessinée) a pu créer des postes grâce aux aides issues du programme : « Nous faisons travailler une cinquantaine de dessinateurs et graphistes. En réseau avec de nombreuses autres associations, nos ouvrages sont distribués nationalement et les retours professionnels sont excellents. Nous proposons également des ateliers en prison, en centres sociaux et dans des Mjc. Rien de tout cela n'aurait été possible sans le soutien du programme Envie D'agir ».

Une autre lauréate de 2010 (parmi les dernières), souligne qu’elle a eu accès « à une formation gratuite à la gestion économique sur plusieurs mois, par l’intermédiaire du programme Envie d'Agir partenaire de l'association ADIE. Nous bénéficions encore aujourd'hui du soutien bénévole d'un conseillé financier de renom. Le budget obtenu a permis de payer les charges d'un salaire et donc de maintenir un statut professionnel durant un an ».

Interrogés sur la suppression du programme, ils déplorent « le déclin et la suppression du soutien aux initiatives jeunes. Un lâchage dans les règles orchestré par les mêmes instances qui dénoncent "les parents irresponsables qui lâchent prise avec leurs enfants » ou encore : « le reflet d'une politique discriminante qui s'attaque à tous les secteurs  avec pour seule ambition de préserver les privilèges de l'élite ». Remontés nos jeunes marseillais ? Il y a de quoi !

Une décision politique

Cette décision du gouvernement s’inscrit dans le cadre de la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP), qui n’est autre, selon l’APEAS, « qu’un choix purement budgétaire, dans la ligne de la casse du service public de l’éducation, avec la réduction du nombre de fonctionnaires et la réorganisation des services de l’Etat »4. En effet, le calcul est simple : 3,6 millions d’euros (budget total du programme), c’est près de 10 fois moins que le remboursement qui aurait été fait à la milliardaire Liliane Bettencourt en mars 2008, au titre du bouclier fiscal. Et si l’on rapporte ce coût total à celui du même bouclier fiscal (678,99 millions d’euros), on s’aperçoit que le rapport est de 1 à un peu plus de 188…

Alors : simple choix financier ? Interrogé par Bakchich.info, les services du ministère affirment que « l’effort est général » et concèdent que « la tendance est à un arrêt du programme », tout en rajoutant que « l’aide aux jeunes est toujours une priorité du gouvernement ». Alors pourquoi supprimer ce qui était présenté comme « l’une des actions phares du Ministère de la jeunesse et des solidarités actives en matière de politique de jeunesse » ?  Pourquoi avoir engagé un budget conséquent pour monter l’espace communautaire (
http://communaute.enviedagir.fr) un an avant l’annonce de la suppression du programme ? Pour l’heure, le Ministère n’a pas pris le soin de nous répondre.

La crise, une fois de plus, a bon dos. Comme le rappelle une ancienne lauréate du « Projet Jeunes » (premier volet d’Envie d’agir), « ce n'est pas une question d'argent, c'est une question politique » !

Ainsi, « malgré l'absence de communication officielle, la suppression commence à faire du bruit » souligne les DNA5. Souhaitons pour nos « jeunes » que ce bruit devienne suffisamment assourdissant pour que le Ministère revienne sur sa décision… et prêtons nous à rêver : que le gouvernement supprime enfin le cadeau fiscal fait à l’égard des plus riches, une mesure qui comme le rappelait Emmanuel Saez (économiste, enseignant à l'université de Berkeley (Californie), « n’a pas de justification économique »6.

[1] Les 3 et 4 novembre 2008
[2] le 9 septembre 2009
[3] cf.http://www.ilo.org/global/About_the_ILO/Media_and_public_information/Press_releases/lang--fr/WCMS_143358/index.htm
[4] « Suppression pure et simple du dispositif Envie d’Agir ! », Site de l'APEAS, mise à jour le 31/08/2010.

[5]« L'État lâche les jeunes », DNA, 7 septembre 2010. :
[6] Dans un chat organisé par Le Monde.fr

 

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