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Le Vieux-Moulin, une cité oubliée (1)

Mardi 21/04/2009 | Posté par Ludovic Blanc (EJCM) et Benoît Gilles

Nichée dans les hauteurs de Marseille, la cité du Vieux-Moulin apparaît hors du temps. Construire en 1954, après l’appel de l’Abbé Pierre, elle attend encore la rénovation promise. Reportage.

La cité est invisible. Aucun panneau n’indique son entrée. Pour s’y rendre, il faut passer sous la voie ferrée du TER Aix-Marseille. Une fois passé cette porte, la cité apparaît. Des petits bâtiments d’un ou deux étages s’étalent sur les pentes de la colline. Derrière, commence la garrigue du massif de l’Etoile. Quand on tourne le dos à la cité, l’une des plus belles vues de Marseille s’offre à nous. Il fait beau et clair ce jour-là, on peut contempler la baie jusqu’aux calanques. Depuis 2006, la cité gérée par Habitat Marseille Provence (HMP) attend sa rénovation.

Une convention passée avec l’Agence pour la Rénovation Urbaine (ANRU) prévoit la destruction des 92 logements qui la composent. La cité sera reconstruite dans le même temps. Mais depuis, rien ne bouge. Les immeubles sont toujours délabrés et les habitants n’y croient plus.

La cité existe depuis 1954, année de l’appel de l’Abbé Pierre. Dans la foulée de ce cri d’alarme, de nombreuses cités d’urgence ont été construites partout en France. Elles étaient censées accueillir temporairement les mal-logés. Mais, comme beaucoup d’autres cités, celle du Vieux-Moulin a continué à être habitée. Aujourd’hui, elle apparaît hors du temps.

Une famille revient des courses. La mère nous propose de la suivre dans les parties communes de son immeuble. Là, surprise : l’escalier, les rambardes de sécurité et même le plancher sont en bois et dans un état de délabrement très avancé. Elle dit s’inquiéter pour sa fille en bas âge. Il manque plusieurs barreaux aux rambardes de l’escalier. Sans oublier les fils électriques apparents et l’humidité.

Au risque d’incendie, cette mère y pense souvent. «Ce n’est pas normal de nous laisser dans des bâtiments aussi délabrés. Ce n’est pas parce qu’on est gitans qu’on doit vivre comme des animaux.» Quant au projet de réhabilitation, elle l’attend avec impatience. Son bâtiment sera rasé et elle sera relogée dans la partie haute de la future cité. Elle nous fait entrer dans son appartement pour montrer l’état de la salle de bain. On découvre un intérieur très classe, au mobilier design. Un vrai contraste avec l’état extérieur du bâtiment. Avec un brin de fierté, elle glisse : «On ferme la porte, les volets et on laisse la misère dehors.»


La mixité sociale plus un mur
En sortant de l’immeuble, on tombe sur un groupe de jeunes en pleine discussion avec l’éducateur de l’ADDAP 13, Christian Chevassus, qui travaille sur la cité. On leur désigne au loin un mur aux parpaings apparents qui ressemble à une enceinte. «-Qui habite derrière ce mur ?». «-C’est les voisins», répond l’un d’eux et ils s’en vont en rigolant. L’éducateur précise que derrière le mur se trouve un lotissement privé. Les hauts de Saints Marthe ont été ouverts à l’urbanisation récemment. Les lotissements comme celui-ci se multiplient à proximité de cités souvent délabrées. «Ce qui est ennuyeux c’est qu’ils ont crépi qu’un seul côté du mur.»

Un peu plus haut, on passe devant une ancienne bastide en ruine, flanquée d’un corps de ferme. Plus haut encore, les vestiges d’une bâtisse ronde, sans doute le vieux moulin qui a donné son nom au lieu. Devant un bâtiment, un groupe de femmes discute au soleil. Il y a là une mère, sa fille et, plus loin, la grand-mère. Cette dernière nous interpelle en parlant de photo. On la rassure aussitôt. Nous n’avons pas d’appareil. «Dommage, vous auriez pu photographier les marches. Depuis un accident, j’ai du mal à me déplacer et, avec ces marches toutes cassées, je risque de me casser la figure.»

Cette dame habite la cité depuis sa construction. Elle parle avec nostalgie des premières années au confort pourtant précaire. «On allait chercher notre lait à la ferme. C’était encore la campagne ici. Dans les maisons, il n’y avait que du béton nu au sol et une ampoule au plafond. Mais ça ne nous dérangeait pas, de toute façon, on vivait dehors. En 1982, ils nous ont mis l’eau courante. Avant, on prenait l’eau à des fontaines extérieures.»
Toutes générations confondues, elles déplorent l’état délabré de la cité. Elles mettent aussi en cause certains habitants, d’un « ils » anonyme. «Les gens d’ici cassent tout. Le vrai problème, c’est les mentalités, constate la mère. Et ça, c’est le plus dur à changer.»

Au centre de la cité, un grand terrain de boules occupe l’espace entre les carcasses de voitures et les tas d’ordures. A cet endroit, l’éducateur en profite pour présenter les différents projets qu’il mène avec les jeunes. Bientôt, il aimerait couler une dalle de béton pour poser un container de tri sélectif. Cette initiative laisse perplexe, car, un mètre plus loin, il ne reste que des cendres de ce qui fut des containers. En effet, les éboueurs ne passent plus dans le quartier et à la question «Comment faites vous avec les poubelles ?», la plus jeune fille répond naturellement «Ben, on jette par terre et dès fois on brûle.»

L’objectif des éducateurs est avant tout d’impliquer les habitants dans la vie de la cité. Tâche qui n’est pas toujours aisée à en croire Christian Chevassus « il y a deux semaines, nous avons créé un petit jardin avec des jeunes. Malheureusement, il a été saccagé». Mais lorsqu’un quartier neuf a été promis, le travail social peu apparaître comme une «rustine» agaçante. Surtout quand les travaux se font toujours attendre.

Photo : Christian Chevassus (Addap 13)

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