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"Ô jetée, ouvre-toi…"

Lundi 26/12/2011 | Posté par Sharif

SELECTION 2011 - JANVIER -- Marseille est en pleine mutation. Parmi les grands projets de rénovation urbains, la digue du large, monument touristique, fermée aux piétons depuis 2003. Sharif a réussi à s'y glisser.

La digue du large

Une construction étonnante. Face à la mer, d'immenses cubes entassés les uns contre les autres font office de postes de pêche, de solariums naturels ou d’aires de pique-niques. Tout le long de ces blocs, une large promenade nous invite à une balade ou se mêlent odeurs d’iode et de poissons. Sur ce même parcours, accessible par des escaliers, un chemin moins large bordé de murets des deux côtés surplombe la mer d‘un coté, le port et la ville de l‘autre. Cet allée faisait autrefois le bonheur des joggeurs et marcheurs désirant profiter du panorama bleu avant que l’accès leur en soit interdit, puis réglementé.

Le plan Vigipirate s’étend dorénavant sur tout le port autonome de Marseille, depuis mars 2003. 
Durant des décennies, la jetée incarnait pour marseillais et touristes confondus un lieu de rêve, de promenade, et d’évasion. Les minots du Panier, des Carmes et de certains quartiers nord y avaient bu leurs premières tasses, exécuté leurs premiers sauts, de l’ange, en équerre, et en bombe (plongeons typiquement marseillais d‘après eux) ou chapardé leurs premiers bisous à la belle qui daignait les accompagner.

Sans oublier tout le remue-ménage que suscitait l'invasion des méduses certains étés. Leurs piqûres tant craintes terrifiaient les nageurs mêmes les plus aguerris. Les points de vue sur le Frioul et le Château d'If offertes par la digue se voulaient propices aux poètes, peintres et photographes en manque d'inspiration.

Les Marseillais bravent l'interdit
Depuis 2006, une association passionnée de pêche, forte de 3500 personnes, a obtenu le droit d’accès au site à leurs membres munis d’une carte annuelle. Bien sûr, pour les plus malins, dépourvus de carte de pêche, il reste toujours des combines permettant l'accès à la longue digue protégée par les agents d'accueil du port autonome.

Les plus audacieux, véhiculés, joueront les voyageurs, feignant d'embarquer dans les bateaux en direction de l'Algérie, la Tunisie ou la Corse. Certains passeront à une vitesse soutenue l'air innocent tandis que d'autres grimperont les barreaux de la grille sans se faire repérer. Rarissime, leur rencontre prend un air de comédie marseillaise, façon Raimu ou Fernandel « Té,c'est "encoreu" une "histoireu" d’oseil » explique Baybo avec son fort accent marseillais. « Oh fadoli, si ze "remonteu" un loup on parlera de "moua" pendant au moins des lustres! » se plait à zézayer Djadja, habitué des lieux depuis qu’il sait marcher. 

Farid dit " mèche blanche" se rappelle le temps ou les navires américains amarraient côté port « avec les jobastres du quartier, fada, on enfourchait nos vélos et on s’en allait gratter des casquettes à ces pignoufs de marins, oh sur ma vie c‘étaient des " ratacans" » lance-t-il en gesticulant ses mains. La longue digue n'a désormais qu'une seule fonction: une réserve d'accostage en cas d'encombrement du flux maritime.

Inscrite récemment dans le programme d'Euroméditerrannée, « une opération d’intérêt national visant à faire de Marseille une métropole de premier plan dans le bassin méditerranéen » d‘après MPM. « la digue est dans l'attente d'un projet d'aménagement innovant, dynamique et flexible» cite elle.

Interdite, inaccessible au public, puis réglementée le terrain est considéré comme non-constructible par les experts en la matière. La
ville de Marseille se voit d'étudier plusieurs propositions afin de redonner une véritable identité à la géante barrière de pierre. Le but étant d'offrir aux marseillais et passagers occasionnels un lieu original pourvu d'espace de détente, de convivialité et de loisir. La jetée du large tant encrée dans les veines des marseillais attise une lueur d'espoir quant à son devenir. 

Crédit photo :
_boris

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Sharif -