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Le Village de bric et de broc

Mardi 19/07/2011 | Posté par Julie Desbiolles

LES SÉRIES DE L'ÉTÉ - ÉCOLOGIE RESPONSABLE. IL EXISTE À MARSEILLE un village d'irréductibles recycleurs. Julie est allée voir de plus près à quoi pouvait ressembler une ville entièrement construite avec des matériaux de récupération. VIDEO EN +

Ambiance. 17h, la nuit tombe sur la Friche. Le sifflement des trains voisins, le froid, la boue, et au milieu, face à la Cartonnerie, le « Village de Ville ». Sorti de terre depuis Octobre, l’objectif est de construire d’ici 2013 un village expérimental entièrement composé de matières récupérées. Palettes, cailloux, bouts de moquette et de tissus, fils de fer et canettes forment un joyeux mélange au charme bancal. Calme et passionné, Jean-Marc Huygen, architecte-enseignant en charge du projet, nous fait visiter le chantier. Et pour lui, avant tout autre chose, le « Village de Ville » est une philosophie.

La construction du « Village de Ville » n’a pas été dirigée de la manière habituelle : étudiants designers, architectes, paysagistes, ingénieurs, mais aussi tout constructeur volontaire, ont travaillé coude à coude pour mettre le village sur pied. Pour Jean-Marc Huygen, cette collaboration a le mérite d’abolir les hiérarchies pour laisser les idées, toutes les idées, s’exprimer. Plus les participants sont divers et s’expriment, et plus l’espace ainsi créé sera riche, créatif et novateur. On renverse ainsi toute la structure hiérarchique qui entoure habituellement ce type de projet, pour repenser le rôle que peut jouer tout citoyen, en fonction de ses connaissances, dans la construction d’un espace public.

Le troc est aussi une notion qui traverse l’ensemble du projet. Dans le « Village de Ville », les idées comme les matières s’échangent et se donnent. Rien n’est acheté, rien n’est commandé : on prend ce qui vient et on en fait ce que notre imagination veut bien nous suggérer. Cela permet aussi de récupérer toutes les matières de l’environnement : ce qui ne sert pas sur place peut toujours servir à quelqu’un d’autre, ailleurs, et vice versa.

Et surtout, dans le village de ville, « le déchet n’existe pas ». Ce que l’on appelle de ce nom ne sont que des objets auxquels on enlève leur « dignité », à tort selon Jean Marc Huygen. L’architecte montre une passion peu commune pour les matières et les objets. Pour lui, chacun a une mémoire et une nature, que l’homme qui le récupère doit respecter. Il nous montre un muret formé de cailloux. Ces cailloux ont tous été trouvés sur place. Mais plutôt que d’ajouter de la matière - du ciment - pour faire tenir le mur, les constructeurs ont étudié chaque caillou, un à un, pour trouver son partenaire naturel, celui qui épousera parfaitement sa forme.

C’est avec ces bribes de philosophie et quelques anecdotes poétiques que Jean-Marc Huygen présente le « Village de Ville ». Pour lui, la raison d’être du village se résume dans le concept d’« auto-soutenabilité », c'est-à-dire d’un espace qui se suffit à lui-même, construit à partir de matières glanées sur le terrain investi. Ce qui est bâtit ne doit pas l’être au détriment de la nature, qui doit pouvoir exprimer ses bonheurs comme ses caprices. Pluies, herbes folles ou simple usure ne sont plus des ennemis mais des choses avec lesquelles les constructions doivent composer.

C’est avec une sorte de nostalgie malicieuse que Jean-Marc Huygen étend la réflexion autour du « Village de Ville » aux humains. Puisque les cailloux gagnent à coexister sans ciment, les humains ne devraient ils pas apprendre, eux aussi, à coexister en respectant la forme de l’autre ?


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