Les deux pieds dans l’Euromed
Lundi 27/04/2009 | Posté par Jérôme Aubrun
Aujourd’hui il fait beau, chose plutôt rare à Paris, enfin à Paris Paname, celui du Nord, la capitale quoi. La balade à laquelle je vous convie, se déroule sur le boulevard du même nom à Marseille, au cœur d’Euroméditerranée, à la frontière des 2e et 3e Arrondissement.
Comme on «monte» à Paris, je débute ma promenade par le bas du boulevard. Cette longue ligne droite part du quartier portuaire d’Arenc à la place Marceau où elle rejoint le quartier commerçant de la porte d’Aix. Elle marque la frontière entre le 2e et le 3e arrondissement. Elle longe le périmètre Euroméditerranée où émerge un nouveau quartier, vendu comme le futur de Marseille.
Si l’endroit ne vous dit rien, il vous suffit de prendre comme repère la tour de la CMA CGM. Cette tour qui par sa hauteur et son architecture fait que, ayé, maintenant Marseille est entrée dans le club select des grandes, des grandes villes modernes et tout et tout. Parce que, bon l’esprit village, les clichés pagnolesques tout ça c’est bien joli mais ça fait pas trop sérieux, surtout vu de là haut, de l’autre Paris, celui du Nord. Mais je suis réducteur et peut être un peu taquin. Car après tout c’est tout un quartier en devenir à qui on fait porter le souffle de ce changement d’image.
Continuons la promenade mais en faisant attention, les nombreux chantiers qui débutent ou s’achèvent m’oblige à slalomer entre les travaux, et à changer régulièrement de trottoir. De la rue d’Antoine jusqu’à la rue Melchior Guinot, je marche dans un boulevard investi par les grues, les travailleurs casqués et plein de poussière ; on n’est plus dans l’avant, pas dans l’après et le pendant n’est pas joyeux mais plutôt vide.
Habitants retranchés chez eux ou en fuite pour échapper aux chantiers, cette partie du boulevard sonne creux : la majorité des nouveaux appartements n’a pas encore trouvé preneur de même que les commerces. Et si l’on s’aventure dans les rues parallèles au boulevard rue, Chevalier Paul ou Pierre Albrand, où on peut découvrir des alignements d’immeubles gris, aux façades dégradés et recouvertes de paraboles où le soleil ne pénètre jamais.
Je poursuis ma remontée de Paris, passe devant des immeubles, des entrepôts mais pour les premiers commerces de proximité il faut pousser jusqu’en haut du boulevard, à l’angle de la rue Pontevès. Là on peut encore trouver un bar tabac, un marchand de journaux et une épicerie très peu fournie.
Boulevard aseptisé
Pourtant comme me le confirme un de ces commerçants, il n’y a pas si longtemps sur cette partie du boulevard, il y avait aussi un coiffeur, un pharmacien, une boulangerie… Un chantier a pris leur place : des logements et bâtiments administratifs avec commerce en rez-de-chaussée doivent bientôt sortir de terre. Les anciens commerçants vont reprendre leur activité ? Mon interlocuteur répond par la négative, tous ont préféré vendre et partir.
Pour ceux qui souhaitent trouver des commerces, prière de se rendre vers la rue Forbin ou, un peu plus loin sur Camille Pelletan, à proximité de la porte d’Aix. Ne croyez pas que cela ne concerne qu’une poignée d’habitants du Boulevard de Paris car je vous mets au défi de trouver un épicier ou un boulanger en remontant du Boulevard de Dunkerque jusqu’en haut de la rue Forbin.
Dans ce périmètre, où se côtoie de vieux immeubles en mauvais état et les nouvelles constructions au loyer élevé, l’absence quasi-totale de commerces, d’espaces publics ouverts, de parcs donne l’impression d’un quartier réservé au travail. Entre les bureaux d’Euromed, l’hôpital Desbief, les nouvelles constructions d’habitation fermées sur elles-mêmes, nulle place pour un petit jardin ou une place qui permettrait à l’endroit d’être un peu plus aéré et accueillant. On a l’impression, -paradoxale pour une ville comme Marseille- que tout a été fait pour que les gens vivent réfugiés dans leur intérieur. Comme un symbole de la philosophie Métro Boulot Conso Dodo.
Si on veut trouver de la vie, des gens, des commerces, il faut traverser la frontière, passer du 2 au 3e arrondissement et s’éloigner du cœur (franchement glacé) d’Euroméditerranée. Se poser sur un banc de la place de Strasbourg où la cacophonie des voitures, des habitants et des commerces de tous types est là pour rappeler qu’une ville, pour être vivante, ne peut pas être que fonctionnelle.
Arrivée en haut, au niveau de la place Marceau, les passants sont plus nombreux, l’ambiance moins froide à mesure que l’on se rapproche du marché du Soleil. Je me retourne pour regarder ce boulevard qui borde Euroméditerranée, ses promesses de développement et de modernité. Derrière moi, les SDF attendent impatiemment l’ouverture du foyer d’accueil Marceau.
Photo : Jean-Paul Duarte (Collectif A Vifs)
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Par Tony Off