Souriez, vous êtes protégés...
Lundi 21/11/2011 | Posté par Jan Cyril Salemi
La mairie a décidé de casser sa tire-lire. Pour Noël, elle offrira à tous les Marseillais un nouveau maillage de caméras de surveillance dans le centre-ville. Jan Cyril nous propose une petite balade au cœur de cette télé-réalité grandeur nature.
En vous promenant en ville, peut-être avez vous croisé ces immenses pylônes, entourés d’une sorte de tissu gris. En regardant au sol, peut-être avez-vous vu, tout autour, les trous béants dans la chaussée, et les tortillons de fils qui s’y amassent. Un nouvel éclairage public, pensez-vous ? Des antennes pour mieux capter la TNT, peut-être ? Ou alors les décorations lumineuses de Noël ? Vous n’y êtes pas. Vous avez devant vous les nouveaux joujoux de la municipalité. La phase 2 du plan “Caméras sur la ville” est en marche. Les petits capteurs d’image prévus au sommet des pylônes ne sont pas encore en fonction. Vous n’êtes pas encore filmés. Mais vous pouvez déjà sourire, vous êtes protégés.
De la surveillance à la protection
Vous l’aurez peut-être remarqué, mais depuis quelques temps, la vidéo-surveillance a changé de statut. Quand les caméras qui cernent déjà notre quotidien enregistrent nos allées et venues, il faut désormais parler de vidéo-protection. Un glissement sémantique savoureux, qui en dit long sur l’état d’esprit de la société qui jongle ainsi avec les mots.
Merci donc à Big Brother, qui nous regarde pour notre bien. Depuis 2003, à Marseille, nous sommes d’ailleurs déjà bien scrutés. Le réseau de caméras, sans compter celles qui sont braquées sur les grandes voies de circulation, s’est bien étoffé. Noailles ou la rue Saint-Ferréol sont “sous protection” depuis cette époque.
Malgré l’efficacité discutable du dispositif, et son coût exorbitant, la ville a décidé d’agrandir le périmètre de “protection”. Sur son site, la mairie explique que l’installation des caméras dans les quartiers déjà concernés, “a contribué à la lutte contre l’incivilité et pour la propreté.” L’argument ne paraît guère convaincant. Les statistiques sur les actes de délinquance en augmentation, et une promenade en ville pour constater la saleté des rues, démontrent rapidement que ce discours ne résiste pas à la réalité.
1600 caméras pour 2013
Pourtant, il y a quelques mois, le conseil municipal vote donc la mise en place d’une nouvelle série d’équipements sur la ville. L’objectif 1000 caméras est évoqué, et l’arrivée, au mois d’août, d’Alain Gardère, le nouveau préfet délégué à la sécurité, donne un coup d’accélérateur au dispositif. Les chiffres gonflent, et le nouveau venu parle même de 1600 caméras déployées à l’horizon 2013.
Pour anticiper ces réjouissances, prévues pour une année de la culture, qui sera au moins riche en projets vidéos, voici donc déjà un avant-goût du programme. Un petit tour entre la Plaine et le Cours-Julien vous donnera une idée assez précise de ce qui nous attend. Les pylônes dressés n’attendent plus que leurs caméras, qui seront en fonction d’ici la fin de l’année.
De part et d’autre de la rue Poggioli, devant la Passerelle, à deux angles du jardin de la Plaine, au coin de la rue Saint-Savournin, ou entre la rue de la Bibliothèque et la rue Curiol, les citoyens auront bientôt le sentiment d’être tout particulièrement “protégés”. Le maillage s'étendra bien au-delà du quartier de la Plaine. L’affiche ci-dessous, que vous trouverez au hasard des rues, détaille un peu mieux le dispositif mis en place, qui, d'ici mars 2012 devrait compter environ 200 caméras.
Alors soyez tranquilles, souriez, vous êtes protégés. Et puis, vous savez bien, quand on n’a rien à se reprocher, il n’y a pas de problème. Ou presque. Le seul petit problème étant que, justement, quand on n’a rien à se reprocher, il n’y a aucune raison pour qu’on nous regarde 24h/24.
Mise à jour, le 21.11.11 à 10h50 :
Il y a quelques personnes qui, manifestement, n'ont envie d'être ni surveillées, ni protégées : pendant ce week-end, trois pylônes ont été arrachés et mis à terre entre le Cours-Julien et la Plaine. La mairie, par la voix de Caroline Pozmentier, adjointe déléguée à la sécurité, a parlé "d'actes isolés de petits vandales qui ne remettent absolument pas en cause le grand dossier de la vidéo-surveillance." (source : La Marseillaise)
Crédit photos : Jan Cyril Salemi
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Réactions des internautes
Lundi 21 Novembre 2011, 10:50
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Nombre de délinquants voire criminels ont ainsi pu être interpellés, suite à l'analyse minutieuse des bandes vidéos.
Concernant Marseille, la décision d'implanter ces mâts supportant ces caméras de
surveillanceprotection a été prise par la droite.Pour autant, plusieurs villes et mêmes parfois métropoles françaises gérées par la gauche se sont, elles aussi, dotées d'un maillage plutôt dense de caméras.
Je pense à Lyon (213 caméras), Strasbourg (210), Montpellier (114), Paris (326). A Paris, il est du reste question de 1.000 caméras à terme; sans oublier les 11.000 caméras du métro et celles des magasins (2.000).
Que dire des quelque 4.000 (!!!) caméras déployées à Lille (dont 1.200 dans le métro).
Mais même dans de petites villes de « province », certains élus cèdent à la mode.
Ainsi, Villeneuve-sur-Lot, commune de 24.000 habitants du Lot-et-Garonne (47), avait été le théâtre d'un affrontement sanglant, et mortel, entre bandes rivales.
Un « jeune sans histoire qui se trouvait là par hasard » assurait sa mère, avait été mortellement poignardé à de multiples reprises par un autre, qui s'était enfui de l'autre côté de la Méditerranée.
Le maire de Villeneuve-sur-Lot, Jérôme Cahuzac (PS), s'était enfin distingué par la gifle qu'il avait assénée à une petite frappe squattant, avec ses congénères, une place centrale et provoquant des nuisances au voisinage.
Or, juste après la rixe sanglante, Chantal Lhez, une conseillère municipale PS interviewée par TF1, avait évoqué des problèmes d'incivilités, de graffitis, dégradations etc, ce qui avait justifié selon elle le déploiement d'un réseau de caméras. Elle niait cela dit le phénomène de bandes.
Pourtant, le site de la Ligue des Droits de l'Homme révèlait en avril 2007 que la mairie PS de Villeneuve-sur-Lot dépensait entre 200 et 250.000€ pour entretenir cette vidéosurveillance... Un budget bien élevé, pour une commune de taille modeste.
On notera que le maire PS justifiait le caractère... dissuasif de ces caméras.
Même en Arles, le maire PCF a fait installer la vidéosurveillance, ou encore à Valence, où le maire PS s'est résolu à installer il y a un peu plus d'un mois un réseau de caméras.
Bref la vidéosurveillance/protection n'est pas l'apanage de la droite, et est souvent déployée par des municipalités de gauche au prétexte du désengagement de l'Etat en matière de sécurité.
Or, le 1er échelon sécuritaire de l'Etat revient... aux maires, à travers notamment les polices municipales (cf rapport Bonnemaison du début des années '80, un socialiste).
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