Des "Jardins iMPossibles" ?
Jeudi 14/02/2013 | Posté par Sittina Youssouf
Le projet "Quartiers Créatifs", prévu à Saint-Barthélémy en cette année capitale, ne verra pas le jour. Voici pourquoi.
C'est officiel, l'initiative "Jardins Possibles" tombe à l'eau. Après le communiqué des neuf associations de la Busserine et du quartier Grand Saint-Barthélemy (14e arrondissement), annonçant leur retrait définitif du projet "Quartiers Créatifs", mis en place dans le cadre de l'année capitale culturelle, le 6 Février dernier, MP-13 a décidé de l'abandonner.
Bien que provenant d'une belle initiative, ce projet n'a pas pu s'implanter dans le territoire donné.
Une belle initiative
Démarrée trois ans avant le début des festivités autour de Marseille-Provence 2013 (MP-13), "Quartiers Créatifs" est une initiative qui vise à intégrer les quartiers populaires dans le dispositif de l'année Capitale Culturelle Européenne.
Un projet très bien accueilli par la population car contrairement à d'autres villes, à Marseille, "il n'y a pas de distinction physique entre la ville et les banlieues, les quartiers dits populaires faisant directement partie de la ville", nous confiait Karima Berriche, directrice du centre social Agora, une des associations du quartier.
L'idée des "Quartiers Créatifs" est de créer des œuvres artistes éphémères, ici des "jardins" répartis dans le Grand Saint-Barthélemy. Sur place, la crainte majeure était d'oublier le tissu associatif déjà existant. Mais même si les associations choisies à savoir Safi et Coloco, pour mettre en œuvre le projet étaient connues des habitants. Il y a eu dès le début le sentiment que le projet n'était pas réfléchi avec les habitants. Ce qui a jeté un froid sur les "jardins" avant même qu'ils soient semés.
Des propositions pas prises en compte
Les associations du quartier avaient également d'autres projets qu'ils auraient voulu développer à l'occasion du dispositif "Quartiers Créatifs", les jugeant plus adaptés à la situation du terrain. C'est le cas du centre social Agora avec son idée du "ciné d'à côté" pour permettre aux quartiers nord dépourvus de salles de cinéma à proximité, d'avoir un lieu de projection, ne serait-ce que quatre programmations par an.
De plus, il se trouve que le Théâtre du Merlan, qui faisait partie du projet "Quartiers Créatifs" abrite une salle de projection et d'un point de vue économique, cette idée s'évalue environ à 5 000 euros sur une enveloppe d'environ 400 000 euros. C'était donc l'occasion pour les associations du quartier d'évoquer ce projet qui répond aux attentes des habitants. Mais malheureusement cette idée, comme d'autres encore n'a pas été entendue.
Un projet en inadéquation avec la réalité du territoire
Les événements se sont compliqués surtout à la fin de l'année 2012. En effet, lors d'une réunion en octobre avec Pascal Raoust, représentant des "Quartiers Créatifs" où on cherchait à savoir comment certains espaces pourraient être utilisés, des tensions se sont révélées. Il faut savoir que sur le territoire englobant "le grand Saint-Barthélemy", les habitants doivent déjà faire face à deux énormes projets urbains : une voie de circulation rapide allant jusqu'à la Rose et la rénovation des bâtiments dans le cadre de MRU (Marseille Rénovation Urbaine).
Il s'agit là de lourds travaux, portés sur dix ans et sources de tensions. D'ailleurs la directrice de l'Agora nous disait que le MRU "est sans cesse remis en cause, les habitants eux-mêmes ne savent plus sur quel pied danser, alors leur rajouter en plus de ça des projets éphémères, cela n'arrange pas les choses. Beaucoup de bâtiments vont être détruis, donc bâtir des jardins, dans ces conditions semble compliqué. C'est déjà difficile pour ces habitants de se projeter dans l'avenir".
Autre point de discorde: le budget alloué au projet. Le projet "Quartier Créatif", disposait d'une enveloppe de 420 000 euros pour développer des jardins éphémères. En période de crise et dans des quartiers où la population est relativement pauvre, un tel budget pour des jardins censés durer trois ans a pas mal choqué les habitants. Ils ont donc dit non au projet et les associations du quartier les ont suivis, car pour elles il est difficile d'élaborer un projet sans le soutien et l'attachement des habitants.
La question de l'emploi a également était déterminante. Dans un lieu où le chômage est très élevé, les associations auraient voulu qu'au moins avec ce projet, il y ait la possibilité d'une formation qualifiante aux métiers du jardinage pour les habitants du quartier. Ces derniers se seraient sentis plus concernés et le projet aurait eu une plus grande implantation. Or ce n'était pas le cas.
De plus, après la réunion du 14 janvier dernier, les relations entre les associations du quartier et les organisateurs du projet (MP-13 et le Théâtre Le Merlan) se sont quelque peu détériorées, précipitant ainsi l'échec du projet. Il y a eu en effet, un manque de contact entre les deux parties, car la réunion suivante qui devait avoir lieu le 21 janvier a été annulée 78 heures seulement avant par MP-13, sans proposer une autre date. C'est alors que les associations ont décidé de se retirer purement et simplement du projet.
Au final, ce projet laisse un goût amer de part et d'autre car il s'agit en réalité d'une fausse bonne idée. Ce n'était sans doute pas le bon projet pour le bon endroit.
Crédit photo : Sittina Youssouf
Ceux qui ont lu cet article ont aussi aimé :
- Ouverture de Marseille 2013 : j'aime, j'aime pas - 28/01/13
- Marseille Provence 2013 : « Non à la culture hors-sol » - 16/06/09
- C'est parti pour 2013... - 21/01/13
- « Où vont s'exprimer nos gamins qui pètent les plombs ? » - 18/01/11
- Marseille 2013 : l’avant-gardisme a du retard - 26/02/13
- Juxtapoz, la résidence éclectique pour artistes - 30/03/11
- A Frais-Vallon, la colline commence au pied des blocs - 23/04/09
- "Campagne Lévêque : J’y suis et j’y suis bien !" - 16/03/09
- Une expérience de volontaire pour ouvrir la voie à des études supérieures - 10/06/08
- Du volontariat à la création d'entreprise, les projets d’Amel - 05/06/08
Par Tony Off