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Vieux contre jeunes : la guerre du bus

Mardi 31/03/2009 | Posté par Claire Varenne

La grève perlée de la RTM a repris. Du coup, les bus sont pleins. A 16h30 sur la ligne du 84, le bus devient le lieu privilégié d’un conflit de générations. Reportage.

Je ne connais pas cette ligne. Une nouvelle perle de grève vient de tomber sur le métro, et comme tant d'autres je me rabats sur les bus. Il porte un joli nom ce nouveau mode de protestation: "grève perlée". Mais la bonne dizaine de personnes qui attend à l'arrêt ce jour-là, ne semble pas vraiment sensible à sa valeur poétique.

Le bus arrive, nous montons, c'est le deuxième arrêt de la ligne et il n'y a déjà plus de places assises. L'atmosphère est tendue, la moyenne d'âge élevée. Le bus redémarre. Arrêt suivant: entre dix et vingt personnes attendent de monter. A l'intérieur ça soupire, ça râle, on s'inquiète. Le chauffeur intervient pour faire asseoir une dame aveugle. Les portes se ferment et on repart.

Je remarque deux femmes enceintes, une trouve une place assise, l'autre non. Autour de moi il y a surtout des vieilles dames respectables, une maman et sa fille, et puis la "grande gueule", celle que l'on croise si souvent et qui agace, un homme d'une quarantaine d'année, portable avec oreillette, qui fait profiter à tout le bus de sa conversation téléphonique passionnante. Il parle vraiment fort celui-là, je retiens un soupir… Tiens, moi aussi.

Il y a dans l'air un drôle de picotement, j'entends des commentaires surprenants:  "-Attendez, c'est pas fini, vous allez voir quand il y aura les jeunes!", "-Oui, vous allez voir ils vont nous écraser", "-Oui, nous ECRASER", "-Attention, c'est bientôt L'ARRET". Le bus à peur. Les mamies se regroupent, la menace approche.

Les mamies font front
On prend encore quelques passagers, le chauffeur demande qu'on avance dans l'allée: personne ne bouge. Je suis surprise. On roule encore un peu, la tension est à son comble et là… Une femme hurle " -Les voilà!", une autre "-Ne leur ouvrez-pas!", "-Oui, ils vont TOUS nous écraser." "-NON, NON n'ouvrez pas!"
Je me retourne pour regarder par la fenêtre: petit sursaut au cœur, une marée de collégiens entoure le bus. Dehors c'est l'excitation, le jeu, dedans c'est la panique, le choeur de petits vieux continue d'invectiver le chauffeur pour qu'il n'ouvre pas. Bien sûr il ouvre les portes, le bus n'est pas complètement plein. La petite fille à côté de moi est prise de panique: "-Maman, viens, on sort!"

Je dois avouer que la pensée m'a effleurée aussi… Je m'attends au pire mais ne cédons pas à la panique… J'attends, je regarde. En fait il y a des médiateurs de rue qui régule très efficacement le flux de gamins, c'est la cohue, mais nous ne sommes toujours pas compressés, quelques jeunes entrent, le chauffeur redemande qu'on se déplace vers le fond. Mais rien ne bouge. Il n'y a plus de cris dans le bus, les mamies se sont regroupées près de la porte arrière et bien cramponnées elles ne laissent personne entrer, et refusent obstinément de se déplacer pour faire de la place, elles font bouchon, elles regardent leurs pieds, se taisent et s'accrochent…

C'est la résistance passive face au péril jeune. Un tiers des collégiens reste sur le trottoir. Le bus repart. J'observe cette horde qui a terrifié les passagers, ils n'ont pas l'air bien méchant, calme pour la plupart, les deux trois garçons un peu agités qui bousculent leurs voisins seront vite calmés par "Monsieur grande-gueule": "-Allez, tiens-toi, tu vois pas que tu tombes sur tout le monde, couillon!". Tiens! Il n'est plus aussi agaçant tout à coup… On est un peu serrés, mais tout va bien. Le bus continue à accueillir des passagers et à en débarquer dans la sérénité maintenant. Et dire qu'il y aurait peut-être eu assez de place pour tout le monde…
 

Photo: Jean-Paul Duarte

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Claire Varenne -