ZEP à Marseille : un remplacement contre les préjugés
Mercredi 20/02/2013 | Posté par Charlotte Peyramaure (EJCM)
Une institutrice remplaçante doit être préparée à toute situation. Comme passer d’un jour à l’autre d’une école des quartiers nord à un établissement des quartiers huppés...
"Là-bas, j’avais l’impression de leur apprendre de nouvelles choses qu’ils ne voyaient pas chez eux, j’avais l’impression de leur apporter quelque chose." Découverte, apprentissage et partage, trois mots pour définir l’expérience de Julie*, remplaçante en écoles maternelle et primaire. Rencontre avec une étudiante sûre et dynamique.
A peine levée, c’est installée à son bureau pour préparer le Concours de Recrutement de Professeurs des Ecoles (CRPE) que l’on retrouve la jeune femme : "j’ai toujours su que je voulais devenir professeur des écoles, ça doit être de famille, ma mère l’a été, ma grand-mère aussi."
Née à Lyon il y a bientôt 25 ans, Julie a passé son enfance entre la Savoie et la Haute Savoie, et a su très tôt que l’enseignement était fait pour elle. A force de baby-sitting, elle grandit au milieu des enfants, pour finir à l’IUFM d’Aix-en-Provence, afin de préparer le CRPE.
Depuis quelques mois, elle effectue des remplacements dans deux écoles primaires privées : une classe de Cours Préparatoire, dans une ZEP (Zone d’Education Prioritaire), située dans le 3ème arrondissement - dans les quartiers nord -, et une classe de grande section de maternelle, située dans le 6ème arrondissement.
"Je me suis régalée avec cette classe"
Lorsque Julie évoque l’école des quartiers nord, c’est d’un air pensif, le sourire aux lèvres qu’elle raconte son expérience. "Je me suis sentie tout de suite à l’aise, la directrice et l’équipe pédagogique ont été très avenantes." Et ce qu’elle exprime avec le plus de fierté, c’est le lien créé avec les enfants : "je me suis régalée avec cette classe, il y a eu un certain attachement avec les élèves, ils vont me manquer."
Pourtant, elle était loin de s’imaginer vivre une telle expérience. Une ZEP située dans les quartiers populaires, nécessitant plus de moyens qu’une école classique. Une classe de 29 élèves, la plupart en difficulté, "ils avaient le même niveau que la classe de grande section de l’autre école."
"Dans l’autre école, les choses étaient plus formelles"
"Dans le 6ème arrondissement, les choses étaient différentes, c’était beaucoup plus formel." Là encore, le corps enseignant a été aux petits soins pour la jeune femme, "les relations étaient plus professionnelles", que dans l’autre établissement, tout en restant conviviales. La différence s’est davantage faite avec la classe : autant d’élèves, mais "il n’y en avait que trois ou quatre en difficulté, du coup, je me sentais moins ''utile'' que dans l’autre école, où les enfants semblaient plus en demande ."
Moyens et publics différents, mais aussi cultures différentes
Si le tutoiement est la politique de l’école, la jeune femme s’est vue confronté à une situation bien particulière. "Il y avait une enfant qui vouvoyait ses parents, et vice versa. Du coup, elle avait du mal à me tutoyer, alors que c’est la politique de l’école." Une particularité qui l’a étonnée, mais à laquelle elle a su s’adapter. Même s’il est inhabituel de se faire vouvoyer par ses élèves, l’erreur serait de les obliger à tutoyer. "On leur dit deux ou trois fois, et sinon on laisse faire, ce n’est pas bien grave. C’est juste assez étonnant mais au fond, c’est amusant."
"Des parents impliqués dans l’éducation de leurs enfants"
Durant ces quelques semaines, Julie fut considérée comme une maîtresse à part entière, une chose qui n’est pas toujours évidente lorsque l’on est une jeune remplaçante. Son âge, son statut d’étudiante ou encore son peu d’expérience n’ont en rien altéré la relation avec les parents. "Ils étaient tous très gentils et très ouverts. Je discutais facilement avec eux de la journée passée, des éventuels problèmes mais aussi des progrès. Ils étaient tous impliqués dans l’éducation de leurs enfants ."
Cette expérience, Julie s’en souviendra longtemps. Tant par la diversité qu’elle a pu rencontrer, mais aussi par l’agréable surprise qu’elle aura eu durant ces remplacements. "Au début, je pensais que ça serait plus facile d’être maîtresse dans des quartiers favorisés, des quartiers que je connais. Finalement, c’est dans la ZEP que je me suis le plus amusée, que je me suis sentie le plus utile."
Ce qu’elle retiendra de ces quelques mois passés dans les deux écoles, c’est que les préjugés ont bien la vie dure : "ZEP ne signifie pas école difficile, quartiers défavorisés ne signifient pas enfants turbulents." Pas automatiquement du moins.
A Marseille, les quartiers nord ont depuis toujours mauvaise réputation, une réalité pour certains, déformée pour d’autres. Une chose est sûre, la réalité n’est pas toujours celle reflétée par les medias, et la cité phocéenne regorge de (bonnes) surprises, la plupart du temps là où on les attendrait pas.
*Prénom modifié, par souci de confidentialité
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Crédit photo : Charlotte Peyramaure
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Par Tony Off