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Air-Bel en quête d’un nouveau souffle

Mercredi 07/03/2012 | Posté par Lisa Saoul

QUARTIERS DIVERS - La semaine dernière, un fait divers a de nouveau endeuillé la cité d'Air-Bel. Cet ensemble des quartiers Est traîne sa réputation sulfureuse comme un boulet. Il y a quelques semaines, Lisa était allée à la rencontre de ses habitants.

Considérée comme l’une des cités les plus dures de Marseille, Air-Bel souffre de sa réputation. Dans cette partie de la ville, le chômage, la pauvreté et la délinquance sont des réalités. Entre exaspération et attachement pour leur cité, les avis divergent parmi les habitants. 

Une barrière encerclant un amas d’immeubles qui ont mal vieilli, des tags sur les murs, des déchets jonchant le sol, des guetteurs postés à l’entrée de certains bâtiments et les restes d’une voiture désossée au premier plan : voilà la première image lorsqu’on passe sous le pont de la SNCF pour entrer dans la cité d’Air-Bel. Un bien joli nom en comparaison du spectacle qui s’offre à nous.

Le contraste avec le village paisible de La Pomme, à quelques minutes seulement à pied, est saisissant. Cette enclave regroupe aujourd’hui 6 000 habitants répartis dans une cinquantaine d’immeubles.

Pour ceux qui vivent à l’extérieur, Air-Bel suscite bien souvent de la peur. A l’image de Raymond qui promène son chien deux arrêts de tram plus loin, nombreux sont ceux qui n’osent s’y aventurer. "Ici, on a le bruit et la saleté, mais là-bas, c’est Chicago, même la police n’ose plus y aller", fait-il d’un geste en direction de la cité.


Absence de services

En entrant dans Air-Bel, ce constat semble bien réel. Les différents commerces régulièrement braqués ou incendiés ont disparu au fil des ans. Seuls commerces rescapés : deux snacks et une pharmacie. Même la librairie et le taxiphone qui existaient encore il y a trois ans ont fermés leurs portes.

Mme D., mère de trois enfants en bas âge, regrette de devoir sortir du quartier le soir lorsqu’elle a oublié d’acheter du pain pendant la journée. Outre le manque de service à proximité, elle dénonce l’insécurité et le règne de la loi du silence.

"Lorsque des policiers nous questionnent, on n’a rien vu et rien entendu. La peur de voir son appartement braqué contraint les habitants à se taire"
. La jeune femme s’exprime d’un ton direct : "Je cherche à quitter la cité. Même quand j’habitais dans les quartiers Nord, je n’ai jamais eu autant de soucis." 

Cette mère de famille affirme cependant qu’il n’y a pas que des inconvénients à vivre ici. "Les appartements sont grands, éclairés et bien isolés pour la plupart. Je me sens bien une fois chez moi", reconnait-elle.

Avec la ligne de tram et les différents bus, la cité est finalement bien desservie. Le centre-ville de Marseille se situe à seulement vingt minutes en tram. A l’arrêt de bus, Barbara fume une cigarette. Agée de 21 ans, elle a emménagé il y a quatre mois dans le quartier et s’y plait.

"Tout le monde me déconseillait d’y aller à cause de sa mauvaise image, mais il ne m’est jamais rien arrivé depuis mon installation",  explique-t-elle avec le sourire.

A la pâtisserie du village de la Pomme, Mourad partage le même avis. Il a l’habitude de côtoyer les gens du quartier et refuse de les stigmatiser. "Contrairement à ce que les gens peuvent penser, les jeunes réputés difficiles font part d’un grand respect envers les autres habitants et les commerçants", explique-t-il.


"Des gens parqués, laissés à l’abandon" 
Au centre social, l’un des animateurs, la trentaine, connait bien les habitants d’Air-Bel pour travailler quotidiennement à leurs côtés. Comme beaucoup, il regrette la disparition des commerçants et la difficulté d’accès à la culture et l’éducation.

"C’est un problème politique avant tout", accuse-t-il avant d’ajouter : "tous ces gens ont été parqués ensemble puis laissé à l’abandon". Il évoque encore avec amertume les promesses des différents politiques en période de campagne électorale : "Mais une fois les élections passées, plus personne ne s’occupe d’Air Bel et les subventions sont difficiles à obtenir." 

Parfois, un projet est tout de même mené à bien. C’est le cas de la mini-crèche qui a récemment ouvert ses portes. Il explique que différentes mesures tendent à faciliter l’insertion des habitants souvent issus de l’immigration : "Nous proposons des cours d’alphabétisation, une aide pour rédiger des CV et les lettres de motivation. Des personnes de la CAF et des assistantes sociales viennent régulièrement sur place pour aider les habitants dans leurs démarches".

Pourtant, ces aides ne suffisent pas à endiguer le chômage. Dans le quartier de La Pomme, ce fléau touche presque une personne sur cinq. Difficile de trouver un emploi quand on est issu de l’immigration, qu’on habite dans une cité et qu’on n’a pas de diplôme. A La Pomme, moins de 10% de la population dispose d’un diplôme bac +3.


Commerce illégal
De nombreux jeunes ont ainsi décidé de se lancer dans le commerce illégal. Un choix difficilement condamnable pour l’animateur : "On ne peut pas en vouloir à ces jeunes d’alimenter le trafic de drogues. La plupart d’entre eux sont depuis longtemps déscolarisés et ne parviennent pas à trouver d’emploi. Ce commerce est finalement leur unique moyen d’obtenir un peu d’argent." 

Le commerce illicite ne concerne cependant qu’une petite fraction de la population. Le jeune homme refuse de perdre espoir pour les jeunes du quartier : "beaucoup resteront ici, mais les plus malins, ceux qui ont conscience qu’il existe une autre vie au-delà des barrières, s’en sortiront toujours."
En attendant, lui continue de se battre pour ceux qui restent et espère voir leur situation s’améliorer un jour. 




Crédit photo : Thomas Povéda


 

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Lisa Saoul -