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“Bonjour, je suis candidat à la mairie de Marseille...”

Jeudi 16/05/2013 | Posté par Axelle Choffat (avec Sittina Youssouf)

10 mars 2013, 10h01, marché aux Puces, dans le 15e à Marseille. Hacen Boukhelifa, avocat, entré depuis peu en politique dans la cité phocéenne, entame une énième opération tractage. Reportage.

« Salam...» Hacen Boukhelifa, fils de mineur algérien d'origine kabyle, cadet d'une famille de sept enfants. Avocat, professeur en droit des étrangers et membre de la ligue des droits de l'Homme de Marseille, entre autres. Et aussi candidat aux primaires socialistes pour les municipales 2014 dans la deuxième ville de France.

Pour l'heure, il s'est improvisé distributeur de tracts. Une casquette de plus. Son regard cherche à se mettre pile à la hauteur de celui des petites dames à caddy.

« Je suis candidat à la mairie de Marseille. Hé ben si, ça vous concerne madame, parce que vous allez voter aux primaires du PS. » « Et bonjour monsieur, je suis candidat à la mairie de Marseille pour les primaires socialistes, on va mettre un coup de pied dans la fourmilière ! »

Le ton est assuré, les mots claquent. « Le renouveau politique à Marseille pour les municipales, c'est pour bientôt : je vais demander l'investiture et je l'aurai, 'challah. Moi, je fais de la politique autrement. »

Hacen Boukhelifa fait le show. Version express : c'est l'heure de pointe et, ça et là, on se presse. Mais le candidat, lui, campé sur ses deux pieds, donne l'impression d'avoir tout son temps.


Une nouvelle voix(e) pour Marseille
« Je veux commencer à parler de moi… pour remplacer Gaudin dans les quartiers Nord », il confie à l'un. « Là, je suis dans la phase terrain, terrain, terrain. », il explique à l'autre. Entre deux hochements de tête, des rides d'expression amusées se dessinent au coin de ses yeux.

« Moi, je fais de la politique autrement », répond-il à l'homme qui lui a dit qu'il faut ''des logements pour dormir''. « J'évite les promesses en l'air, mais je ferai mon maximum. »

Allusion à peine cachée à ceux qui n'hésitent pas à multiplier les belles paroles pour se faire élire. Des passants naviguent entre les étals de fruits et légumes fluos, en mode zombie. Les yeux rivés sur les tracts où le candidat Boukhelifa pose devant la mairie : regard serein, cravate violette satin et demi-sourire confiant, au-dessus du slogan « Une nouvelle voix(e) pour Marseille ». Un jeu de mot qui ne doit rien au hasard.

« Je n'ai rien à promettre de manière définitive aux gens. Moi, ce que j'ai à offrir, c'est mes convictions. J'ai conscience que ma méthode sort du lot, mais je suis convaincu que les Marseillais sauront faire la part des choses. Au service du peuple et avec le respect de son prochain, c'est comme ça qu'on doit faire de la politique. »

Voilà treize ans qu'Hacen Boukhelifa a posé son premier orteil sur le sol marseillais. Il poursuit son récit : « J'habite les Quartiers Nord depuis plus de dix ans. Alors pourquoi militer dans le centre-ville ? Parce que mon cabinet s'y trouve ? Mauvaise pioche : on ne m'a jamais permis de militer dans les Quartiers Nord. »


« Gaudin est maire de Mazargues au Vieux-Port, guère plus »
Le ciel est couvert. Mais du soleil perce à travers les nuages. Une vieille dame en fourrure léopard croque une pelure d'orange et la recrache.

Hacen Boukhelifa est en rade de tracts. « Nono, (ndlr : son beau-frère, venu l'aider à les distribuer), j'en ai plus, j'en ai pluuuus !!! Enfin, quand y en a plus, y en a encore. » 
Le ton est donné, l'ambiance sera bon enfant. Mais néanmoins sur le qui-vive : certains passants pressés sont plus difficiles à capter que des saumons qui remontent un fleuve à contre-courant.

« Ma campagne, je la mène avec mes fonds propres. Pour vous dire que je crois vraiment en ce que je fais. Ma volonté ? Qu'il y ait du renouveau politique à Marseille. Les Marseillais méritent mieux. La fracture sociale et territoriale n'a jamais été aussi étendue que depuis que Gaudin est au pouvoir. En vérité, il est maire de Mazargues au Vieux-Port, guère plus. Il n'a pas été rassembleur. Une baronnie de l'UMP est née. Moi, je suis pour qu'on crée des ZFU (ndlr : Zones Franches Urbaines) partout dans la cité phocéenne. Et pour changer de politique. »

Son garde du corps, un ami de longue date, se tient à proximité. Veillant au passage à ce que le candidat ne laisse filer aucun badaud les mains vides. « C'est ma première campagne à Marseille. C'est bien d'être au milieu des gens. Je l'ai déjà fait dans les années 90 en Algérie, c'était ''catastrophe'' », raconte Nasser, le bodyguard jovial du candidat PS. Et ses yeux rient tout seuls, tristement, pendant qu'il se souvient.


Tractage en chemisette couleur méditerranée
Les tracts ne trouvent pas toujours preneur : « Merci ! », lâche sèchement un passant à qui M. Boukhelifa a tout juste eu le temps de dire « Monsieur, je suis... », avant que l'homme ne lui oppose une paume fermée, sans appel.

Peu après, un père et son fils passent par là, et s'arrêtent net : « C'est l'avocat qui se présente... », murmure le papa, presque songeur, avant de serrer la main du candidat. Hacen Boukhelifa porte une chemisette à carreaux couleur Méditerranée et une veste de costard en velours. Sans oublier son paquet de tracts. À l'évidence, seuls les bananes, les melons et les oranges n'y auront pas droit...

« Bonjour monsieur, vous voudriez pas être mon garde du corps ? », lance Hacen à un homme massif qui assure la sécurité au marché. Histoire de trouver le bon mot qui créera un lien.

« Bonjour monsieur, il faut vous parler en quelle langue ? » Le candidat marseillais s'adapte. « Je dis souvent ''salâm 'aleïkoum''… et ça n'est pas pour autant du communautarisme. Je ne mets pas en avant le fait d'être musulman, même si les échanges peuvent en être facilités, hein. En bref, je suis tout aussi bien capable de dire ''Buenos dias'' à un Espagnol ! » 

« Bonjour monsieur, je suis candidat à la mairie de Marseille. C'est moi... » Se rendre visible. Reconnaissable. Prendre forme dans les yeux des gens. Etre plus qu'un nom sur un tract, devenir davantage qu'une photo sur papier glacé. Prendre vie dans les esprits, en 3D.


En quête de reconnaissance…
« Je suis contre Gaudin et je vais l'affronter. » Clair, net, précis. De même, quand des passants lui demandent s'il est ''avec Jibrayel, Mennucci, Ghali ?'' : « Je suis avec moi-même. » Un sujet, un verbe, un complément d'objet direct : Hacen Boukhelifa va droit au but (ou comment appliquer, dans les allées du plus grand marché de Marseille, la devise de l'OM).

Les passants se suivent et ne se ressemblent pas. Il y a ceux qui prennent le tract sans y jeter un œil. Il y a ceux qui secouent la tête d'un air entendu. Il y a ceux qui tracent. Et puis il y a tous les autres.

« Moi monsieur, je ne vais rien promettre, mais je vais vous aider. » C'est sa façon de se démarquer de tous ceux qui font passer les paroles avant les actes. En mettant en mots simples un idéal compliqué à atteindre : la franchise en politique.

Là où, par définition, mieux vaut coller aux vœux des électeurs pour récolter des voix, l'avocat a choisi de partir en croisade contre ce qu'il appelle le « clientélisme ». En bref, Hacen Boukhelifa dit qu'il ne promet pas, jamais qu'il ne pourra pas. Puis, il nous explique :

« J'aurai un programme long fin avril. Pour chaque thème, j'ai des propositions. Il suffit de venir à mes cafés citoyens (ndlr : tous les jeudis à 17h30, dans divers lieux de Marseille) pour s'en convaincre. Maintenant, à ce stade des élections, je ne suis pas en mesure de promettre quoi que ce soit. Je m'inspire de la ligne de conduite de François Hollande pendant sa campagne en 2012 : je ne promets rien de ce que je ne peux pas tenir, point. ».

En attendant, Boukhelifa commence à se faire connaître, via les médias. Et à obtenir une certaine reconnaissance de la part de son parti : depuis début mars, il siège au conseil fédéral PS de la région. L'homme ne cache pas sa joie : « Faire partie du Parlement du PS 13, c'est une excellente nouvelle ! » Qui l'honore et qui l'oblige, cela se voit à ses yeux qui brillent comme ceux d'un minot.


Ambiance, ambiance
Celui qui, le 10 mai mai 1981, à l'âge de 11 ans, avait parié 10 francs avec son père sur la victoire de Mitterrand, n'a désormais plus qu'une idée en tête : « Remplacer Gaudin et faire une nouvelle politique, proche des gens. »

Pour le côté accessible, il suffit de le voir à l'œuvre sur le marché, aux petits soins : noter, par exemple, la date, l'heure et le lieu du prochain café citoyen sur le tract d'un homme qui lui a simplement posé la question.

« Et… qu'est-ce que vous faites pour les associations ? », s'enquiert une dame de l'asso "Le Bien-être des femmes", avec une moue sceptique. Un courant d'air vole la réponse. Lui ajoute, à la fin de l'échange  : « Y a mon numéro de portable sur le tract. Est-ce que vous avez déjà vu un politique donner son numéro de portable ?! »

Par terre, deux tracts cohabitent avec du tissu orange envolé des melons qu'il recouvre d'ordinaire, des feuilles de clémentine échouées, des mégots de cigarette suicidaires. « 1€ l'orange, 1€ les clémentines, 1€ les ananas, 1€, 1€, 1€ ! », s'époumone un vendeur en treillis et casquette militaire.

Ça sent les gauffres et les nuages refroidis par un temps capricieux. Les poussettes se fraient un chemin entre les jambes anonymes. Et les sacs plastique se froissent au rythme des achats.

Le soleil revient... « Et pour les crèches ? », demande un homme. « Justement, des crèches sauvages ont vu le jour parce que la municipalité ne fait rien pour faciliter les choses. Je veux soutenir la création de crèches dans tous les arrondissements de Marseille. 
» « Merci Maître. »

L'homme s'en va… et Hacen Boukhelifa poursuit, comme pour lui-même : « Je me ferai l'avocat des sans-voix. Les Marseillais peuvent compter sur moi. » Ça sonne comme une promesse slamée. 

Le soleil se cache à nouveau… « Je suis retraitée, j'ai rien », gémit une vieille dame en jogging. « Ecoutez madame, je ne peux rien promettre mais je ferai mon possible pour vous aider », rassure Boukhelifa. Retour du soleil.


Le terrain avant tout
« Bon, on va y aller, parce qu'on n'a plus que quelques tracts… et qu'il faut qu'il nous en reste pour demain. » Hacen Boukhelifa précise : « 5 000 tracts distribués en dix jours. J'en ai re-commandé 10 000. On n'arrête pas une seconde. Tous les jours, je suis sur le terrain. Je suis un ouvrier de la politique. Je rends hommage à l'école républicaine grâce à laquelle mes six frères et sœurs et moi avons tous réussi. »

Bien loin des profondeurs de la mine où travaillait son père, Hacen Boukhelifa rêve à voix haute et à ciel ouvert, à une mairie et à des responsabilités bien ancrées à la terre ferme.


Pour en savoir plus, consulter le blog de campagne de Hacen Boukhelifa.
Le candidat aux primaires dévoilera aujourd’hui son programme pour les municipales de 2014, à l’OM Café, sur le Vieux-Port, à partir de 16h.




Crédit photos : Sittina Youssouf




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