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Tapie dans l’ombre

Mercredi 06/03/2013 | Posté par Daisy Lorenzy

Bernard Tapie est revenu à Marseille pour s'acheter le journal. Compte-t-il le lire sous le soleil du balcon de la mairie ?

Fort de ses 400 millions d’euros gagnés par l’affaire du Crédit Lyonnais, Bernard Tapie peut préparer son come-back politique. Celui qui a connu son heure de gloire à la tête de l’OM revient à Marseille dans un nouveau costume de patron de presse. Taillé à la mesure de son ambition, il le troquera peut-être pour enfiler les habits de maire... 

Le 14 janvier dernier, le visage du patron de La Provence a pris les traits de Bernard Tapie. Avec le rachat à 50 % des titres du Groupe Hersant Médias (GHM, comprenant également Nice-Matin, Var-Matin, Corse-Matin et le pôle outre-mer), l’homme d’affaires fait un retour médiatique fracassant dans la cité phocéenne. Et les rumeurs de ses vues sur La Chaine Marseille (LCM), Sud Radio ou Midi Libre laissent percevoir des envies d’empire médiatique, alors même que Bernard Tapie n’est pas réputé pour son amour des journalistes.

Un retour à Marseille qui sonne donc comme "un mauvais présage pour la démocratie locale et la liberté d’expression", selon Pierre Boucaud de Marsactu.
Jean Kéhayan, président du Club de la Presse Marseille Provence, renchérit : "Tapie va renouveler la gestion à la Gaston Defferre. Les institutions sont parmi les plus gros annonceurs de la presse locale, et cette porosité met en permanence les journaux sur le fil du rasoir.
Je ne le pense pas assez bête pour intimer lui-même aux journalistes ce qu’ils doivent faire. Mais il est certain qu’il y aura un rédacteur en chef qui fera la navette entre le 2e et le 4e étage de La Provence pour transmettre les ordres. Je lui souhaite bien du courage pour garder son éthique avec un tel patron."
Olivier Mazerolle, récemment nommé directeur de la rédaction de La Provence, sait donc à quoi s'attendre... 


Une revanche à prendre
 D’autant que pour Jean Kéhayan, cet investissement n’a rien d’anodin : "On sait depuis la Libération, que celui qui contrôle le journal quotidien dominant de la ville, a déjà un pied sur les marches de la mairie".

La Provence, antichambre de l’Hôtel de Ville ? Une stratégie à risque selon le politologue Richard Ghévontian : "Une personne qui acquiert un journal pour en faire un instrument de campagne électorale est presque assuré de se ''planter'' économiquement, car l’électorat ne suivra pas. Qui plus est, nous sommes à un an des élections municipales, et c’est un délai très court pour mettre en place une campagne électorale."
S’il y a pourtant une chose sur laquelle s’accordent amis et ennemis de Bernard Tapie, c’est que l’homme ne recule pas facilement devant un défi : "Avec Bernard Tapie, tout devient possible", ironise Stéphane Ravier candidat déclaré du Front National pour les municipales 2014. "A défaut de gagner ces élections, il se présente pour faire perdre la gauche. Tapie veut sa revanche. Il veut régler ses comptes avec la mafia politique locale, qui l’a envoyé au trou." 

Jean Kéhayan, pose le même regard sur les intentions de l’homme d’affaires : "En se présentant, il veut mettre un grand coup dans la fourmilière. Il a encore des réseaux, il lui suffit d’un coup de fil pour les réactiver. Et si les sondages ne lui sont pas favorables, il fera en sorte de tirer les ficelles, pour placer quelqu’un à la mairie en sous-main."
Charisme contre déboires judiciaires
 Pour l’heure, Bernard Tapie semble bénéficier d'un certain crédit dans l’esprit des Marseillais, fatigués des querelles politiciennes. "Il jouit aujourd’hui d’une petite notoriété, confirme Stéphane Ravier. Il réussit à se présenter comme un homme neuf, ayant subi une injustice. Les gens oublient vite." 
Rien d’étonnant pour Richard Ghévontian, qui explique : "Les Français sont plutôt enclins à pardonner les mises en cause judiciaires des politiques, si cela touche au domaine économique. Pour les Marseillais, Bernard Tapie restera toujours le patron de l’OM qui a remporté la Ligue des Champions. Lors d’une élection, l’image que renvoie un candidat est primordiale, et c’est 90% du potentiel de Bernard Tapie. Si des personnes ne veulent pas qu’il se présente, le mieux à faire serait sans doute d’écorner cette image en rappelant ses déboires judiciaires."

Des déboires judicaires qui ne sont jamais loin, et que Patrick Mennucci s’emploie à rappeler. Le député-maire socialiste figure parmi les mieux placés pour conquérir le siège de Jean-Claude Gaudin et n’entend  pas abandonner le combat. "Où qu’il aille, il trouvera Patrick Mennucci sur son chemin", affirme sa directrice de cabinet. "Bernard Tapie ne nous fait pas peur. Si c’était le cas, Patrick Mennucci n’aurait pas demandé une enquête parlementaire sur le rachat des titres Hersant." 
Cette commission parlementaire devra examiner les conditions de reprise du GHM. En parallèle, le parquet de Paris vient d’ouvrir une enquête préliminaire pour "abus de bien sociaux" qui vise groupe de presse.

Enfin, une toute autre enquête vise actuellement Bernard Tapie. Ce sont cette fois les conditions d’arbitrage dans l’affaire de Crédit Lyonnais qui ont récemment donné lieu à des perquisitions. Cette même affaire, grâce à laquelle l’homme d’affaires a touché 400 millions d’euros de dédommagement, lui permettant de dépenser, sans grande difficulté, les 50 millions nécessaires au rachat des titres d’Hersant.



Crédit photo : Charles-Henri Roux



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Daisy Lorenzy -