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"Ce qui nous porte, c’est ce que nous pouvons apporter"

Jeudi 10/05/2012 | Posté par Cécile de Ronde

HANDICAPABLES - Ces jours-ci, le MBB vous propose un dossier consacré au handicap. Cécile a interrogé des personnes touchées par différents handicaps, elle nous mène à la rencontre de chacun. Pour terminer la galerie de portraits, voici celui de Mireille qui travaille à l'Arc-en-Ciel, l'Institut pour jeunes aveugles de Marseille.

Pour Mireille Roux qui souffre de déficience visuelle, l’accessibilité à Marseille est un itinéraire ponctué d'obstacles répétés, quotidiens et absurdes. Pour compenser une incivilité constante, elle note quelques propositions simples qui profiteraient à tous.

Des verres épais comme des loupes, un rire de bonne vivante, Mireille Roux, professeur de musique pour jeunes aveugles à l’Arc-en-Ciel, a le parler honnête. "Et plus enthousiaste, dit-elle, depuis mon accident cardiaque. Il a redonné tout son sens à l’instant présent."

Affligée d’une cataracte congénitale et d’un glaucome, probablement dû à l’incompatibilité rhésus sanguin de ses parents, elle perd la vision de l’œil gauche à l’adolescence. L’œil droit distingue couleurs et reliefs. "Une grande chance, s’enthousiasme-elle," ça m’aide pour l’accessibilité ! Il existe toutes sortes de handicaps visuels : voir flou, être ébloui, perte de vision centrale, périphérique, vue brouillée, taches, cécité." Ses guides : ses cinq sens et sa canne.

Sur trois filles, deux sont malvoyantes. Bien que démunis face au handicap, ses parents font le bon choix. En ouvrant le cristallin pour laisser pénétrer la lumière, l’opération accorde une vision à long terme, à défaut d’être bonne. .

De Haute-Loire, ce petit monde déménage à Marseille où est scolarisée la sœur aînée. Le père ébéniste devient veilleur de nuit, la maman, lingère à l’Institut de Jeunes Aveugles ! Mireille y vit en circuit fermé de 4 à 18 ans. Quatorze ans pendant lesquels elle apprend le toucher, les déplacements, l’autonomie. 

Aiguillonnée par une aînée fonceuse dont le fer de lance est : "ce que je fais, tu dois pouvoir le faire !", Mireille suit une scolarité normale et un bac technicien musique en intégration au lycée Thiers. Elle apprécie d’autant plus de sortir seule qu’on l’a chaperonnée jusqu’à seize ans.

Marcher seule nécessite du temps et plus d’attention. Elle ne compte pas ses pas. Sa progression est plutôt intuitive : à l’écoute de bruits inhabituels, du vent qui se lève, des variations sonores à l’angle d’une rue. Elle avance concentrée sur les déplacements d’air, les odeurs, les allées et venues des gens. "Dans le métro, c’est moins évident : la circulation va dans tous les sens. Dans les magasins c’est aussi la galère ! Sur un trottoir, le visuel permet aux gens de m’éviter."

Monter chez elle, vers la Bonne Mère, nécessite d’avancer prudemment : "je tends l’oreille pour repérer les voitures. A l’arrêt, je perçois leur masse. Si je dois les contourner en passant par la rue, je laisse dépasser ma canne pour être vue des conducteurs et je me plaque contre l’obstacle. La moitié du chemin consiste en trottoirs défoncés et voitures mal garées. Les crottes de chien, c’est pour la canne ou les pieds." Une progression lente : "il y a des trous, des marches, des poteaux."


L’accessibilité marseillaise
A la question : l’accessibilité à Marseille ? La réponse est : "pourrie ! La malpropreté des trottoirs et des rues, l’irrespect des stationnements, les poubelles qui dégueulent, des sacs plastiques qui volent les jours de mistral, les encombrants, les motos et scooters très dangereux car il est difficile d’en évaluer les contours. Au risque de prendre un rétro dans la poitrine."

Les améliorations qu’elle espère ? "Que trottoirs et macadam soient entretenus par les mairies : aplanir les bosses, les problèmes de goudron, revoir la qualité du sol. Plus de trottoirs rafistolés, de pavés ou cailloux qui roulent sur la rue, lesquels exigent une vigilance extrême. Et une remise à niveau des trottoirs, un positionnement différent des poteaux. A Noailles, des amis malvoyants se sont coltiné les caméras de surveillance placées à hauteur d’homme."

Elle s’interroge : "pourquoi les annonces d’arrêt vocales du métro ne s’activent-elles qu’au moment où les portes s’ouvrent ? Et dans les bus 60 et 57, qu’au moment où ils s’arrêtent ? Les malvoyants qui ne connaissent ni la ville ni ses virages se perdent. Son compagnon ajoute : à Paris, les annonces se font juste après avoir quitté la station précédente, cela laisse le temps de se préparer."

Tous deux dénoncent que les boucles vocales étaient systématiques dans les premières semaines de mise en service du tram. Mais il n’y a plus d’annonces : volume trop faible, ou dysfonctionnement ?


Des idées
Elle préconise de délimiter les travaux. Le centre Bourse, envahi de marteaux piqueurs jusqu’au quai Rive neuve, rend impossible de repérer le sens des voitures à l’oreille. Et où est le passage piéton ? "Il faudrait des zones piétonnières circonscrites, des barrières de métal. Pas ces plots en plastique poussés par le vent. Ni ces creux, ces zones dangereuses où des collègues non-voyants sont tombés."

Un détail lui paraît étrange : "le minutage du feu du bas de la Canebière change constamment… Et on a peu de temps pour traverser."

Autre inconvénient : "les ouvriers ne nous repèrent pas à cause du bruit et des casques." Un frein majeur à l’accessibilité, ajoute-telle, est dû au fait que "la plupart des gens agissent selon leurs besoins en négligeant ceux des autres : aveugles, fauteuils, sourds. Même les gens de petite taille ne peuvent atteindre ce qu’ils veulent dans les magasins. Le chacun pour soi est presque normal." 

Un exemple : le tournage de "Plus belle la vie" devant l’Arc en Ciel : "sur le trottoir des plots et des pancartes gênent le passage. Ils mettent en cause la municipalité… qui nous renvoie à eux."

Elle a aussi conscience "qu’il faut que nous, handicapés, sachions demander du soutien et remercier une aide spontanée pour remédier à ces situations."

"Mon handicap m’a donné une grande force de caractère, reconnaît-elle. Valide ou handicapé, si on a une santé correcte, il faut profiter de la vie, des rencontres. On a tous nos difficultés, nos emmerdements. On ne doit pas s’y noyer. Ce qui nous porte, mon ami et moi, c’est ce que nous pouvons apporter aux gamins de l’Institut. 



Crédit photo : bonacherajf



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Cécile de Ronde -


Réactions des internautes

Amélie
Lundi 14 Mai 2012, 12:45
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A propos de handicap,  un homme handicapé a été interdit de RER au motif que le tricycle au moyen duquel il se déplace serait dangereux pour les autres usagers : 
http://www.ladepeche.fr/article/2012/05/12/1351891-paris-handicape-et-se-deplacant-en-tricycle-il-est-interdit-de-rer.html

Une pétition est en ligne pour le soutenir : http://petitionpublique.fr/PeticaoVer.aspx?pi=P2012N23479


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