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Le Marseille accessible d’un élu sur le terrain

Mercredi 25/04/2012 | Posté par Cécile de Ronde

HANDICAPABLES - Ces jours-ci, le MBB vous propose un dossier consacré au handicap. Cécile a interrogé des personnes touchées par différents handicaps, elle nous mène à la rencontre de chacun. Voici l'interview de Didier Garnier, élu marseillais.

Handicapé par le Spina Bifida, Didier Garnier naît paraplégique, le 18 juillet 1968. Guy Tessier, député- maire, lui confie les affaires sociales du 9/10ème arrondissement et le handicap. A sa condition : ne pas être la personne handicapée chargée du handicap. Il lui succède ensuite au Conseil Général. Il préside actuellement la Commission intercommunale d’accessibilité des personnes à mobilité réduite et y siège comme conseiller Transports et Voiries.

Vous qui êtes en situation de handicap, comment voyez-vous votre ville en termes d’accessibilité ?
Je vois Marseille comme une grande métropole, des milliers de kilomètres de voie, 28 000 arrêts de bus. A cette échelle, difficile de trouver des parcours totalement accessibles. La topographie : collines et vallonnements n’y aide pas, certains trottoirs sont inutilisables du fait de la déclivité. Marseille a été construite sans réflexion précise sur ses parcours.

Il y a aussi une incivilité manifeste. Il n’y a pas que l’ignorance du handicap. Les gens se garent comme des cochons en débordant sur les passages piétons. Tout acte de sensibilisation est utile dans une ville où on se gare en double file au milieu de la chaussée. Aux Docks ou à Euromed, dès qu’il y a trottoir aménagé, il sert de parking à moto. Faire des efforts d’accessibilité est sans effet si chacun détourne les aménagements pour son usage personnel.

La loi 2005 soutient la règle universelle d’accessibilité : préconiser l’indispensable pour certains (1/10 personne) donne un confort d’usage pour tous.

Sur quels dossiers intervenez-vous dans ce domaine en tant qu’élu et personne en fauteuil ?
Je préside la commission urbaine depuis 2007 : 18 communes de Marseille Provence Métropole et 5 associations pour que tout handicap : visuel, cognitif, troubles de style phobiques (Phobies Action), etc., puisse s’exprimer. De 2007 à 2011, nous avons défini ensemble une métropole accessible, élaboré un Schéma Directeur d’Accessibilité des Transports publics (SDAT) et un Plan d’Accessibilité Voiries et Espaces publics (PAVE) en accord avec la Loi 2005 (ndlr : pour plus de détails, voir le site de Didier Garnier)

Pourquoi les efforts en matière d’accessibilité trainent-ils à Marseille ?
Marseille centre-ville est dans les échéances légales d’accessibilité. La loi 2005 ne fait pas obligation aux transports sur rail souterrain d’être accessibles en 2015. Elle dit que la chaîne de déplacement accessible : bus, tramways, navettes maritimes, doit permettre de se rendre quelque part sans rupture (de trajet), pas sans changement (de véhicule).

Son retard pointé au classement par l’Association des Paralysés de France (APF) n’est pas forcément exact : le ferry-boat du Vieux-Port a été livré avant le quai d’embarquement, suscitant une difficulté d’accès. Le collègue chargé de la mer n’a pas voulu priver le public du voyage malgré ce délai. Les médias envoyés par l’APF, qui pourtant travaille avec nous à la Commission d’Accessibilité, se sont basés sur ce qu’ils ont vu, non sur les faits.

Créer une station de métro accessible, ascenseur, inscriptions pour malvoyants, boucles magnétiques pour malentendants, ne rend pas tout accessible. Les nez de quais de La Fourragère ne sont pas à hauteur : les rames sont plus hautes que les modèles précédents.

Ceci fait croire au public que son argent ne sert à rien. Ce n’est pas un problème de concertation, il y a 30 ans le métro n’était pas pensé pour être accessible. A Castellane, l’ascenseur qui arriverait sur le quai serait sous la fontaine !

Dans des villes récentes, les nouvelles stations ont prévu l’accessibilité des quais. Notre parti est de les mettre en accessibilité après trams et bus qui desservent plus de points en surface.

Pensez-vous que le film Intouchables et la série Vestiaires changent le regard sur le handicap ?
Je ne suis pas convaincu qu’Intouchables ou Vestiaires le révolutionnent en profondeur et dans la durée, mais on n’y parle pas du handicap sous un jour misérabiliste. Ça ne peut pas faire de mal.

L’intégration scolaire, elle, a changé le regard par la fermeture d’établissements spécialisés. Il y a de plus en plus d’enfants handicapés dans les écoles. La rencontre du handicap dès le plus jeune âge permet de s’identifier.

Les nouvelles générations prennent en compte le handicap depuis les années 80. Chez les techniciens des collectivités territoriales (mairie, Conseil Général), je sens une réelle évolution dans l’appréhension de l’accessibilité. Les architectes n’ont pas tous les outils, mais ils en ont envie. Maintenant, on m’invite en tant qu’interlocuteur.

En répondant à cet entretien, que souhaitez-vous faire passer ?
Il ne faut mentir à personne, ni laisser penser aux personnes handicapées que la société va s’adapter suffisamment et compenser le handicap. Certaines associations voient le problème à l’extérieur : c’est la faute des autres.

Je remercie ma famille : elle a fait avec mon handicap sans le nier. On ne m’a jamais caché que je ne pourrais pas faire comme les autres. La société fait des efforts, mais la personne qui "ne peut pas comme les autres" doit essayer de contourner des obstacles qui ne s’effaceront pas devant elle.

De même, la gratuité d’accès systématique aux foires, salons, demandées par les associations, exacerbe l’idée qu’ils ne sont pas "comme tout le monde". D’autres veulent l’accessibilité "comme tout le monde" et envoient des courriers abominables à la Communauté urbaine parce qu’ils sont groupés sur un trajet ou qu’il y a détour pour déposer quelqu’un, principe du transport en commun tant réclamé.

Une association a fait scandale pour accéder à la piste de danse d’un centre social. L’ascenseur prendrait tant de place qu’elle ne serait utilisable par personne ! A ce stade, cela devient de l’intégrisme.

Par ailleurs, s’occuper de ceux qui en ont besoin avec l’argent de leurs impôts ne dispensent pas les valides de responsabilité personnelle. Mal se garer, laisser une poussette en plein hall, nuit à l’accessibilité. Ces personnes remettent à la charge des autres ce que chacun doit faire en son nom.

Votre maître-mot face au handicap ?
Ce qui me porte, tout en étant handicapé, c’est d’avoir des possibilités que d’autres n’ont pas. Je me dois d’essayer d’apporter une pierre à l’édifice. 




Crédit photo : Didier Garnier



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Cécile de Ronde -


Réactions des internautes

Marseille Bondy Blog
Jeudi 3 Mai 2012, 13:40
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Hommage à Didier Garnier
Didier Garnier est décédé cette nuit à 44 ans.
Cécile, qui l'avait interviewé, avait rencontré une personne très disponible, sensible et engagée pour l'amélioration de l'accessibilité dans sa ville.

Il nous avait fait savoir qu'il appréciait la série d'articles HANDICAPABLES, qu'il trouvait "de grande qualité, et pas uniquement parce qu'on parle de moi", nous avait-il dit avec humour. 
Nous retiendrons de lui la phrase de conclusion de cette interview, comme le symbole de sa façon de voir la vie.

"Ce qui me porte, tout en étant handicapé, c’est d’avoir des possibilités que d’autres n’ont pas."

 Nous présentons à sa famille et à ses proches, nos sincères condoléances.     

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