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La Rochelle en fauteuil électrique

Mardi 17/04/2012 | Posté par Cécile de Ronde

HANDICAPABLES - Cette semaine, le MBB ouvre un dossier consacré au handicap. Cécile a interrogé des personnes touchées par différents handicaps, elle nous mène à la rencontre de chacun. Pour commencer voici le portrait de Fabrice qui vit à La Rochelle.

Après avoir testé la vie en province, Fabrice vient habiter La Rochelle en 2003. Mobile, curieux et sociable, il ne manque pas d’idées pour améliorer le confort et l’accessibilité pour tous d’une ville qui fait déjà beaucoup d’efforts.

Il vous devance dans les rues, sur les chemins de bords de mer, mais aussi dans sa cuisine, le salon cosy tendu de tentures et masques d’Afrique. Prestement il fait pivoter son fauteuil électrique de près de 100 kg et vous sourit droit dans les yeux. L’homme est de petite taille, habillé avec soin, chaleureux.

La myopathie Emery-Dreifuss, maladie génétique rare, se manifeste par des rétractions musculaires : coudes, tendons d'Achille, nuque et peut limiter certains mouvements ou les rendre impossibles. Fabrice perd l’usage de la marche à 12 ans. Le fauteuil devient son moyen de locomotion. Les années passant, il ne considère plus le handicap comme une tare, mais une force mentale.

Séjours Villa Richelieu en Charente, au Nid Marin en pays basque. Sept ans de centre médico-éducatif et réadaptation fonctionnelle qu’il quitte après sa 3ème. Il tourne le dos à la maladie. Il veut vivre indépendant.

En Vendée, son père, mécanicien auto, construit un appartement près de leur habitation où il fait ses premiers essais de mobilité autonome. Il teste chaque pièce : cuisine, salle à manger, salle de bains, «sa» chambre. Ce premier aménagement pilote lui permet de repérer ses besoins. En extérieur, il s’entraine dans la cour mitoyenne, développe une liberté de mouvement considérable et plus d’assurance.

Il y vit 10 ans. Le gros inconvénient du village de 400 âmes est l’absence de transport en commun. Même entouré, cette vie lui pèse car il dépend de ses proches. On le véhicule pour les courses, le kiné, le médecin : "Chaque déplacement me rappelait mon handicap." 


Une vie à soi
La Rochelle, avancée dans le champ de l’accessibilité, fournit des infos encourageantes à l’intention des Personnes à Mobilité Réduite (PMR). Il fait une demande HLM d’appartement adapté en rez-de-chaussée. Avec une petite cour. "Je vis ici depuis. A compter de ce déménagement, je n’ai plus rencontré ces problèmes." 

Il y existe deux types de transports PMR gérés par SynerGIHP : l’un de 7h à 19h, un second à 19h. Fait rare en ville compte tenu de l’amplitude horaire. Ils desservent la Communauté D’Agglomération (CDA) : ville, petites villes alentours. "Ça permet une vie sociale beaucoup plus ample. La majorité des villes n’offre pas ce type de transport, précise-t-il, conscient de sa chance. Un bémol : planifier ses sorties et réserver 24h-48h à l’avance. Le trajet vaut un ticket de bus, 8 jours avant le service peut être complet !" 

Fabrice pense que la sensibilisation des valides au handicap progresse : "Plus les lieux seront accessibles, plus on nous y verra, plus l’intégration se fera naturellement". Il ajoute : "Dans mon quartier, on réaménage des carrefours en rabaissant des trottoirs (au niveau de la chaussée), certains quais sont rehaussés (pour sortir une rampe d’accès). Les gens semblent avoir une autre image des PMR."

Sa voix monte d’un ton : "J’ai une petite anecdote à ce propos : au marché, une dame inconnue m’a saisi le bras sans dire bonjour et dit : 'Vous l’avez vu ?' J’ai compris qu’elle parlait d’Intouchables. 'Non ? Allez-y, c’est formidable !' Je sens une différence dans les regards depuis le film, j’en déduis qu’il contribue à une image positive."

Un autre exemple sur France 4, Dans la peau d'un handicapé, une PMR invite trois valides à tester la vie en fauteuil. Il précise toutefois qu’au niveau européen la France, très en retard, donne une mauvaise image.


Retards et avancées
L’accessibilité n’est pas le seul problème. L’incivilité citoyenne est pire. Le jeune homme octroie cette responsabilité à l’Education Nationale : "Réintégrer ces valeurs dans l’instruction civique faciliterait la compréhension du besoin d’accessibilité universelle, pas uniquement des PMR : poussettes, caddies, personnes âgées, blessées." 

L’impact éducatif auprès des enfants est capital. Ils transmettent ces valeurs aux adultes. Chez les ados, même les plus turbulents, on découvre une sollicitude sincère à l’égard des personnes en fauteuil, le désir d’aider, une vraie sensibilité.

Il poursuit : "J’ai changé de logement, de ville, pour une meilleure qualité de vie, reprendre goût à la vie sociale. Certains lieux sont encore inaccessibles : une salle municipale propose des débats philosophiques, la salle est à l’étage sans ascenseur ! On n’envisage pas d’aménager les lieux dans le futur. Par contre, points positifs en centre ville : on a réhabilité le cinéma Le Dragon au Vieux-Port." 

La politique de La Rochelle est à l’avant-garde des autres villes. C’est dû au travail concerté de la municipalité avec l’Association des Paralysés de France (APF) avec qui elle s’est mise en contact. "Il y a quelques années, les toilettes publiques ont été réaménagées. On n’imagine pas le confort que ça apporte aux «fauteuils»." Fabrice préconise de solliciter davantage les PMR dans les conseils municipaux : "Une écoute accrue à leur encontre favoriserait débats et travaux constructifs." 
Sur le net, pas de rubrique PMR côté spectacles. Choqué, il raconte : "J’ai voulu voir Muse, mélange de rock progressif, Heavy metal et musique classique, au Stade de France. Arrivé aux grilles, on m’a donné un billet pour emplacement PMR et changé la place que j’avais choisie sur Digitik, site d’achat en ligne ! Il n’y a pas à proprement parler de malveillance, mais on ne tient aucun compte de l’aspect humain. Problème qu’on résoudrait en enregistrant l’identifiant de la carte d’invalidité, suggère-t-il, tout en évitant les fraudes."
Ses maître-mots : "L’union fait la force : les handicapés n’ont pas forcément le mouchoir à la main pour pleurer sur leur sort. Ils ne sont pas moroses, ils sont pleins de vie." 



Crédit photo : Fabrice J.



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Cécile de Ronde -