Déjeuner en P(orte d’)Aix...
Mercredi 04/01/2012 | Posté par Pascaline et Alda
SELECTION 2011 - SEPTEMBRE -- Depuis cet été, la Porte d’Aix est le théâtre incontournable de l’actualité marseillaise. Parking auto-géré, évacuation de Roms, déclarations tapageuses, l’agitation est constante autour de cette place. Ce week-end, un pique-nique y était organisé. Pascaline et Alda étaient là.
Samedi 17 septembre, à midi, quelque deux cent personnes se sont retrouvées Porte d’Aix pour un pique-nique convivial et protestataire sur cette pelouse si chère aux habitants du quartier et pourtant depuis peu interdite d’accès ! Rendez-vous était fixé devant la bibliothèque de l’Alcazar, et nous sommes montés tous ensemble vers la place, nous installer pour un déjeuner sur l’herbe. La police était visiblement au courant puisqu’une dizaine de cars de CRS était déjà présents, en renfort des quelques patrouilles habituelles.
Arrivés sur les pelouses, nous avons sorti nos casse-croûte… que nous avons dégustés entourés de CRS, qui visiblement avaient ordre de nous encercler ! Il a fallu que nous nous étalions un peu partout afin de “rompre” leur cercle, un petit “jeu” qui a duré un certain temps. Après une heure environ, les CRS sont venus nous “inviter à quitter les lieux”, ce que certains ont fait, d’autres restant encore un peu pour profiter du soleil, dans une ambiance, malgré tout, relativement détendue.
Certains se demanderont quelles sont les raisons de cette montée en puissance de mesures sécuritaires en ce lieu. Ceci est évidemment lié au projet Euroméditerranée, qui se veut “la plus grande opération de rénovation urbaine d’Europe du sud” et “un accélérateur de l’attractivité et du rayonnement de la métropole marseillaise entre l’Europe et la Méditerranée” (dixit le site d’Euroméditerranée).
Pour ce faire, les quartiers populaires doivent disparaître, et la misère, sociale ou économique, est évacuée sans ménagement. Le tract appelant à la manifestation reprend d’ailleurs une déclaration très explicite de Claude Valette, conseiller municipal délégué à l’urbanisme : “On a besoin de gens qui créent de la richesse. Il faut nous débarrasser de la moitié des habitants de la ville. Le cœur de la ville mérite autre chose.”
Les promoteurs du projet Euroméditerranée – des partenaires publics à toutes les échelles, de la Ville à l’Europe – n’hésitent donc pas à envoyer la police, à déloger les habitants, les commerçants, à expulser les sans-papiers, et tout ce qui peut nuire à l’image qu’ils veulent donner : une carte postale attirante pour touristes, investisseurs, entreprises… loin de la réalité sociale de la ville.
“Flics hors de chez nous, Marseille est à nous”, pouvait-on entendre crier ou chanter par les manifestants, qui ne souhaitent pas vivre dans des zones sans cesse surveillées par les forces de l’ordre. Car désormais, plusieurs patrouilles montent la garde jour et nuit dans ce quartier !
Une amie, présente samedi, a vécu deux ans au Caire et voyagé récemment en Tunisie. Elle nous disait son trouble de voir la petite foule ainsi entourée de CRS, avec boucliers, matraques et armes à feu, simplement pour s’être assise dans l’herbe pour manger un sandwich. Comme un amer goût de déjà vu…
“Dictatures du monde arabe” dit-on dans les médias. Certes, mais que penser d’une démocratie où les citoyens ne peuvent plus se retrouver dans les lieux publics ? N’appelle-t-on pas cela l’interdiction de regroupement ? Comme un écho à la Loi Le Chapelier qui, en 1791, l’érigeait comme un principe.
En des lieux et des temps différents, le collectif, en tant qu’association d’individus, semble toujours poser des problèmes. Quel que soit le pays et son régime politique, c’est toujours la réflexion et l’action commune des citoyens qui font peur aux dirigeants…
Le déjeuner sur l'herbe (version 2011)
crédit photos : Pascaline et Alda
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