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Etats-Unis, le choc des générations ?

Lundi 10/10/2011 | Posté par Samir Akacha

En partenariat avec nos confrères de "Presse et Cité", nous reprenons ici un article paru sur leur site au mois de septembre. Samir, l’un des bloggeurs du MBB, y évoque le rapport que nous entretenons avec les USA.

A Marseille, les repas ou les moments devant la télévision se transforment en agora dans certaines familles, sur les thèmes les plus variés. Si parfois l'unanimité se fait jour lors de ces échanges, des sujets comme les Etats-Unis ne manquent pas de voir chacun y aller de sa propre analyse, faisant apparaître dans certains cas des divergences nettes entre deux générations.

Boycott
Saadi est chauffeur de taxi. La cinquantaine, il a quitté l'Algérie avec femme et enfants en 1995, pour fuir le terrorisme, à un moment ou il ne faisait pas bon être professeur de français. Assis sur le canapé du salon, il zappe tranquillement entre France 2, Canal Algérie et Al Jazeera. Le moment des infos est sacré, même si ses enfants abandonnent le salon dès que la télévision cesse d'émettre en français. "C'est le handicap de la langue", explique Nadia, son épouse. Elle, profite de ses insomnies pour prendre le pouls du monde, branchée sur BFM Radio.

C'est souvent à table que les discussions s'animent. Iraq, Libye, Afghanistan, guerre, terrorisme, printemps arabe, tous les sujets ou presque ont pour pierre angulaire les Etats-Unis. L'avenue Corot est calme, à part au quatrième étage de cet immeuble HLM. Messaouda avise la bouteille de Coca-Cola. Depuis quelques temps, la mixture caramélisée n'a plus les faveurs de son palais. Avec son frère, elle a entamé un boycott de la boisson gazeuse : "Même si mon père a déjà acheté la bouteille, je me dis que si je n'en bois pas, il en restera plus, ça retardera le prochain achat".

Cette étudiante en langues voit encore plus loin : "le fait de boycotter cette boisson amène les gens à se poser des questions, et certains à suivre le mouvement". Face à cette conviction, Saadi répond que de toute façon cela ne changera rien. Pour Messaouda, le boycott se justifie pour différentes raisons : le scandale des syndicalistes tués en Colombie, le soutien apporté à Israël, les dégats écologiques provoqués en Inde... "C'est le symbole d'un capitalisme qui a conduit le monde au bord du précipice. Et on aurait tort de croire que parce qu'on est seul, ça ne sert à rien d'agir. Je sais qu'en agissant à mon échelle, je suis en paix avec ma conscience".

Désillusion chez les jeunes générations
Nesrine étudie le droit sur la Canebière, à l'université Paul Cezanne. Elle comprend l'attrait de la génération de son père pour l'Amérique, mais possède néanmoins un regard très critique : "Par rapport à nos parents, on ressent une sorte de désillusion pour cette société de surconsommation. Aujourd'hui j'associe plus ce pays à l'obésité, au nucléaire et à la pollution qu'à un quelconque rêve".

Nouveaux médias, nouveau militantisme, certains jeunes sont plus politisés que leurs parents, voient au delà de la question du quotidien. Mieux intégrés, ils ont maîtrisé les technologies de l'information, se sont fait une place dans la société, revendiquent leur citoyenneté et la liberté de s'exprimer, intègrent des associations et des collectifs. Djamila, de Génération Palestine Marseille, attribue une part de cet éveil politique à internet et aux réseaux sociaux : "Aujourd'hui, l'information et les images sont directement accessibles, amplifiées par la viralité des réseaux sociaux".

L’attrait américain contre le repli français
Même si la génération précédente a conscience que le rêve américain a plusieurs facettes, la réalité du quotidien en France finit par rendre l'Amérique attrayante. Pour Saadi, l'intégration est plus facile aux USA qu'en France : "L'Amérique est un pays d'immigration. La France a accueilli une partie de ses anciennes colonies, avec toute cette condescendance relative au passé. C'est un pays qui aujourd'hui s'est replié sur lui-même, et le chômage fait le nid des extrèmes. En France, on te pose la question qui tu es, au US c'est ce que tu peux faire. Si j'avais eu le choix, j'aurai choisi les USA".

Pour Houria Bouteldja, porte parole du Parti des Indigènes de la République, le clivage générationnel est loin d'être une généralité : "La critique vient essentiellement du soutien inconditionnel à Israël qui est une sorte de métaphore des rapports Nord/sud. C'est la loi du plus fort qui règne. Les médias et les réseaux sociaux rendent plus visibles les injustices que font subir les gouvernements occidentaux aux peuples dits du tiers monde mais les générations précédentes n'étaient pas moins lucides sur ces rapports de domination".

Si la fracture générationnelle semble moins évidente à la lumière de ces propos, la critique des Etats-Unis par la jeunesse demeure un témoin de la vitalité des réseaux militants et de l'émergence de nouveaux médias et moyens de communication en France et en Europe. Quand au rêve américain d'une partie de la génération précédente, il est comme le reflet d'un échec, celui d'une société qui a du mal à considérer la présence de sa population d'origine étrangère comme entièrement légitime.


Cet article est à retrouver sur le site de Presse et Cité



crédit photo : Samir Akacha

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