Il n’y a pas de saison pour mourir de la rue
Mercredi 08/04/2009 | Posté par Romain Thierry
Les beaux jours sont là. Dans la rue, plus personne ne mourra de froid. Mais avec la fin de l’hiver, c’est le peu d’intérêt social pour les sans abris qui disparaît. A Marseille, ils sont environ 5000. Et ils meurent même au printemps.
Ils habitent en bas de chez nous et pourtant on les enjambe parfois comme s'ils faisaient partie du mobilier urbain. Avec la fin de l’hiver, les médias ont cessé de compter ceux qui meurent. Or, plus que du froid, les sans-abris sont surtout victimes de leurs conditions de vie : isolés, désociabilisés et sans accès aux soins. Médecins du Monde et l'assistance publique des Hôpitaux de Marseille (AP-HM) viennent justement de publier une étude consacrée à la mortalité des personnes sans abris à Marseille.
Lorsque Sylvain Perrot, coordinateur de la mission Santé mentale de Médecins du Monde me présente l'enquête, il commence par en pointer les carences méthodologiques. Elle a été effectuée sans moyen en comptant sur la bonne (ou mauvaise) volonté des services où il était possible d'accéder aux dossiers des personnes décédées sans adresse. «Que celui qui vient mettre en doute nos chiffres nous présente les siens. Nous ne demandons que ça, s’insurge Sylvain Perrot. Que les pouvoirs publics nous présentent leurs chiffres. Le problème est qu'ils en sont bien incapables. Comment est-il possible de mettre en place des politiques publiques, lorsque l'on ne sait même pas combien de personnes vivent dans la rue, quelles sont leurs conditions de survie ni même de quoi elles meurent ?» Plus que de présenter des statistiques scientifiquement incontestables, l'objectif de cette enquête est de sensibiliser l'opinion publique, les pouvoirs politiques et les personnels de santé.
Bien que cette étude ne porte que sur un petit nombre de cas (44), sur une période restreinte (2006), elle vient confirmer les très rares enquêtes portant sur l'espérance de vie des sans abris et les situations dont les acteurs de terrains sont témoins au quotidien. D'après les données recueillies, avec une espérance de vie de 44 ans, la situation des femmes est digne des pays les plus pauvres du monde. Celle des hommes est légèrement plus haute, 56 ans, mais proche de celle des pays en voie de développement. Pire encore, ces moyennes d’espérance de vie pour les personnes sans-abris chutent si les personnes présentent des problèmes de santé mentale (addictions et pathologies psychiatriques) pour ne pas dépasser les 37 ans. Des chiffres particulièrement bas, lorsqu’on les compare à l’espérance de vie de la population générale (77 ans pour les hommes et 84 ans pour les femmes).
«Dans la rue, on meurt de cancers, de cirrhoses, de la tuberculose, de maladies sexuellement transmissibles, de pathologies respiratoires, cardiaques... Parfois, ces maladies auraient pu être soignées. Souvent, un traitement médical aurait prolongé la vie des personnes atteintes pendant plusieurs années.» Car l'une des raisons principales de cette surmortalité trouve son origine dans les difficultés d'accès aux soins.
Très souvent les pathologies des personnes concernées ont été diagnostiquées à un stade très avancé, preuve d’une absence de suivi régulier et d’un problème d’orientation médicale en amont. Certaines personnes n'ont pas vu de personnels soignants pendant plus de 20 ans. D'autres, au contraire, ce sont présentées aux urgences des hôpitaux jusqu'à 40 fois avant leur mort. Il s’agissait bien de personnes en demande de soins, mais cette demande n’a pas été perçue ou pire a été ignorée. «On rencontre des cas extrêmes de maladies qui n’auraient jamais dû se développer à un tel stade si elles avaient été diagnostiquées à temps.»
Derrière cette réalité, il y a bien un problème de volonté ou de courage politique. «On fait tout un barouf pour 10 personnes qui meurt de froid alors qu'il sont des milliers à mourir toute l'année dans le dénuement le plus total et l‘indifférence générale», dénonce Sylvain Perrot qui ajoute que «si c'était la priorité de s'occuper des gens les plus fragiles en France, on ne parlerait pas des morts uniquement en hiver mais toute l'année. On mettrait en place les outils nécessaires qui permettraient d'évaluer et de mener des politiques publiques dignes de ce nom.» Pour illustrer la façon dont les pouvoirs publics s'occupent de ces problèmes, Sylvain Perrot prend pour exemple le plan canicule de l'été dernier. Tandis que la préfecture s'affairait pour sauver nos petits vieux, la seule mesure qu'on propose au responsable de Médecins du Monde, est de distribuer des brumisateurs aux SDF.
Cela pourrait prêter à sourire s'il n'y avait derrière cette anecdote une réalité humaine dramatique. Quand on pense qu'il n'y a même pas un point d'eau potable dans le centre ville...
Pour Sylvain Perrot, on peut éventuellement excuser le désintérêt ou l'ignorance populaire mais le comportement de l'Etat et des collectivités locales s'apparente, pour lui, à de « l'euthanasie institutionnelle ».
Photo : Michèle, une sans-abri à Marseille (Médecins du Monde)
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Réactions des internautes
Vendredi 10 Avril 2009, 12:11
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Bref, tes articles je les lis avec délectation.
Répondre -
Vendredi 17 Avril 2009, 22:27
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Merci la France
Merci la France de m'avoir civilisé
Bientôt je te quitterai
Je t'ai aimé autant que le pays de mes parents
Tu m'as donné de l'espoir
Mais j'ai payé son prix : le temps de te croire
Merci la France d'avoir abîmée les mains de mon père
De ton drapeau, j'ai séché les yeux en larmes de ma mère
Ta marseillaise ? Aux oreilles de mon père, j'ai hurlé ta chanson
Mon père est fatigué, merci la France, de l'avoir épuisé
Il construisait tes routes et tes maisons
Son sang impur a abreuvait tes chantiers
Et donné la vie, à tes cités
Merci la France pour tes droits de l'homme et du citoyen
Mais ou as-tu écris tes devoirs ?
Tes citoyens sont moins bien traités que tes chiens
Et tes enfants te quittent sans te dire au revoir
Merci Marianne, ton sein nu
J'en ai bu le lait de tes révoltes, tu t'es tu
Tu as changée, ma belle icône, ou es tu ?
Tu es sourde, quelle trahison !Entends tu mon ami le corse, ses chansons ?
Ces craintes que tu lui bétonne ses rivages
Ote ton masque, efface ton maquillage
Illumine tes villes et tes paysages
Ecoute, mon frère, l'africain
Il porte le nom d'un esclavagiste chrétien
Dans le tombeau, son ancêtre encore enchaîné s'en plaint
Très cher, le prix de l'intégration
Merci bwana, merci la France de la révolution
C'est ma dernière chanson, merci la France
On ne casse rien.
Je chante avec mon ami le corse et tes orphelins en errance
On ne sait plus ou aller, alors on chante tes indifférences
On ne brûle rien.
Merci la France, je n'ose pas te quitter
Pays de mes amours et de mes amitiés, car tu vas me manquer
Mohamed
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