Marseille Bondy Blog Dakar Bondy Blog Neuilly Bondy Blog Lausanne Bondy Blog Business Bondy Blog Bondy Blog Lyon Bondy Blog Marseille Bondy Blog

"J'oscille entre espoir et fatalité"

Mercredi 22/02/2012 | Posté par Souhir Bousbih (EJCM)

QUARTIERS DIVERS - Nassurdine Haidari, jeune élu PS marseillais, a lancé, à l’automne 2011, un appel aux candidats à la présidentielle afin qu’ils prennent en considération les réalités des quartiers populaires. Souhir l’a rencontré, avant l’agression qu’il a subie le 3 février à Félix-Piat. Elle nous livre une interview-fleuve, que nous vous présentons ici.

Plus de trois mois qu'il a lancé son appel "Nous ne marcherons plus" à l'adresse des candidats à l'élection présidentielle pour plus d'égalité dans les quartiers populaires. Nassudrine Haidari, adjoint au maire PS des 1er et 7e arrondissements de Marseille, a-t-il été entendu ?


Nassurdine Haidari, votre projet tient en cinq points. Lesquels ?

Créer un ministère de l'Egalité, construire 30% de logement supplémentaire à loyer accessible là où il en existe très peu et stopper les contrôles au faciès. Nous souhaitons que dans les collectivités publiques où règne la discrimination, les entreprises qui favorisent la diversité soient mises en avant. Enfin, pour une meilleure représentativité politique, il faudrait limiter le cumul des mandats à trois réelections.

Qui avez-vous fédéré dans le mouvement ?
Des membres de tous bords politiques, de toutes les régions, des personnalités civiles et des jeunes. Nous sommes le premier mouvement qui fait le lien avec ceux qui ont marché en 1983. Des intellectuels comme Vincent Geisser, Eric Fassin, Jean Baubérot ou Esther Benbassa ont spontanément adhéré à notre mouvement lorqu'ils ont vu la sincérité de la démarche et la consistance du projet. Il ne s'agit pas de faire un cahier de doléances, mais des propositions chiffrables et réalisables qui prennent en compte la situation de crise dans laquelle nous sommes. Je peux dire que nous avons fait preuve de cohérence, pertinence et courage.

Quels sont les retours aujourd'hui ?

Le Front de Gauche s'est engagé à reprendre certaines de nos propositions. Globalement, notre projet a été accueilli favorablement mais nous sommes loin du compte. La question des quartiers populaires n'est pas abordée dans cette drôle de campagne si ce n'est par des phrases placebos. Ce manque d'intérêt est déçevant. On ne parle pas de ces enfants de la France et de leurs souffrances, on les laisse s'engouffrer dans l'oubli. C'est choquant. Pour régler des décennies d'absences dans les quartiers, les beaux discours seront insuffisants. Nous attendons des actes, c'est tout le sens de notre démarche.

Qu'est-ce qui vous fait croire qu'aujourd'hui plus qu'hier vous serez pris en considération ? Vous n'êtes pas le premier à revenir sur l'inégalité d'implantation territoriale des HLM, par exemple.
Cette élection aura comme enjeux majeurs de rompre avec les inégalités fiscales, territoriales, sociales et économiques. Nos propositions découlent d'une longue réflexion commune, débutée en 2010. Tout ce que nous proposons est réalisable et ne coûtera rien au contribuable. Sur les logements sociaux, les contrôles au faciès, nous ne demandons rien de plus que l'application stricto sensu des lois. Je ne vois pas ce qui pourrait empêcher les candidats de nous écouter puisque nous leur facilitons le travail. Puisqu'ils sont si occupés par la crise au point d'en oublier la situation des banlieues, eh bien nous leur fournissons des solutions toutes prêtes !

Par qui avez-vous été reçu pour l'instant ?

Actuellement personne.

Pas même le Parti Socialiste, dont vous êtes un élu?
Non, je n'ai pas été reçu par François Hollande ou le parti. Mais vous savez, nous portons cette exigence d'égalité républicaine depuis le 15 octobre, bien avant les déclarations de candidatures de chacun. Nous le faisons uniquement en notre nom. Si nous avons décidé de faire ces propositions, c'est avant tout parce que nous avons perdu confiance en ces hommes politiques. Cette démarche de sollicitation est à interpréter comme une preuve de défiance envers eux. Etant donné qu'ils ne tiennent pas leurs promesses, nous les mettons face aux nôtres.

En clair vous leur mettez la pression.
Nous essayons. Nous avons tracé le chemin, à eux de nous prouver qu'il y a une réelle volonté politique. Et je dois avouer qu'à l'heure où je vous parle, je constate qu'elle est faible. Mais que voulez-vous, tant que leurs enfants ne sont pas touchés, la situation peut s'aggraver, ça ne dérangera pas leur quotidien, malheureusement.

François Hollande et Ségolène Royal se sont rendus récemment dans des quartiers populaires. Une opération de communication selon vous?
Je ne juge pas leur sincérité. J'évoque plutôt leur légèreté face à la situation lourde qui s'impose à nous. Nous voulons une alternance, mais surtout de la considération. J'estime que voir la maladie n'est pas la traiter. Nous avons besoin d'hommes et de femmes qui se déplacent pour soigner les maux de nos quartiers. Autrement, ces déplacements n'auraient qu'une utilité : alimenter la presse locale et nationale.

On vous sent pessimiste...
J'oscille entre espoir et fatalité. Les expressions travaillées par des stratèges en communication et qui s'évanouissent sur le terrain me laissent sceptique. Nous mettons à la disposition des politiques des outils et non des mots. Un exemple : le contrôle au faciès. Tout le monde en parle, sait que cela existe mais nous, nous ne nous arrêtons pas au constat.
Pour diminuer ces contrôles abusifs, les personnes contrôlées devraient reçevoir une sorte de reçu sur lequel seraient mentionnées les raisons du contrôle, et ainsi juger de sa qualité. Cela ne coûte pas des mille et des cents à l'Etat, mais permettrait de redessiner le rapport policier/citoyen.

Pourquoi créer un ministère de l'Egalité ?

S'il y a alternance, il faut que l'Egalité puisse prendre corps à travers un ministère consacré à rétablir l'egalité réelle là où il y a une rupture effective de ce principe républicain. Les mots n'ont de sens que lorsqu'ils ont une conséquence sur la vie des individus. Il y a eu une rupture d'égalité par exemple dans les cités où 40% de la population est au chômage.
Les gens n'ont pas choisi cet état de fait. L'Etat doit inverser la donne, c'est son rôle. Pareillement, il y a inégalité dans l'implantation des logements sociaux. Comment expliquer que 40% des HLM composent les 15e et 16e arrondissements de Marseille quand ils sont moins de 10% dans le 4e et le 5e ? C'est l'exemple type d'une politique qui a voulu concentrer une certaine population dans un même territoire pour des raisons électoralistes.

A qui faites-vous allusion ?

Certains hommes privilégient des calculs électoralistes au détriment d'une vision politique à long terme. Ils imaginent que construire des logements sociaux dans des endroits plus aisés pourrait faire basculer leur électorat. C'est un calcul pervers. Ces hommes et femmes sont des carriéristes qui n'agissent que dans leur intérêt, et non celui de la Cité. Il faut que cela cesse, et cela commence par l'application des lois.

Vous-même avez grandi au Panier, dans des conditions difficiles. Ce combat, c'est une sorte de revanche ?
D'une certaine manière. Je porte en moi une blessure profonde qui ne se refermera jamais. J'ai porté dans mon enfance ces inégalités et ces humiliations que je condamne aujourd'hui. J'ai décidé de faire du respect des lois et de l'égalité un combat personnel car aucun enfant ne devrait être exposé au silence des injustices sociales.
J'ai choisi la voie de l'éducation pour m'en sortir (il est diplômé de l'Institut d'Etudes Politiques d'Aix-en-Provence, ndlr) mais ça n'a pas été de tout repos. Nous n'avons pas parlé d'éducation dans notre mouvement car c'est une question qui devrait être portée par les partis politiques eux-mêmes, mais il y a urgence. Il faut donner du travail à ceux qui ont fait des sacrifices pour être diplomé. Autrement, cet homme ou cette femme devient un contre-message de la méritocratie.

Qu'attendez-vous pour la suite ?
Je n'attends rien de personne. Nous irons à chaque QG de campagne interpeller les politiques et ceux qui concourent à l'élection présidentielle pour faire entendre nos propositions. Nous avons compris que faire de la politique n'est pas une question de confiance, d'émotion, d'amour ou désamour. C'est une question liée au rapport de force et à l'action politique.



NB : Le 3 février, à la cité Félix-Piat, pendant qu'il faisait campagne pour la présidentielle aux côtés d'autres élus et militants PS, Nassurdine Haidari a été victime d'une violente agression. Il semble que ce soient des militants ou proches du PS eux-mêmes, qui aient commis cette attaque. Une plainte a été déposée et l'enquête est en cours. Cet entretien a été réalisé le 1er février, soit deux jours avant cette agression.

A noter également, que ce dimanche 26 février, à Paris, aura lieu un
"speed dating" politique
, lors duquel "les acteurs de la diversité interpelleront les candidats à la présidentielle ou leurs représentants."



Crédit photo : France Kaiser




En partenariat avec : 



Ceux qui ont lu cet article ont aussi aimé :

Souhir Bousbih (EJCM) -


Réactions des internautes

Amélie
Vendredi 24 Février 2012, 11:00
Signaler un abus
Bonjour,

ce que prône ce jeune homme, c'est la prédominance des intérêts particuliers, ici communautaristes voire racialistes, sur l'intérêt général (discrimination positive, plus de HLM pour absorber l'important flux migratoire etc.).

Concernant la discrimination, les principaux motifs de rejet sont le handicap, la maladie, l'âge et le sexe.

Les cités ne sont pas éloignées des centres d'emploi. Combien de jeunes des cités sont-ils employables, combien maîtrisent la langue, les codes sociaux, nécessaires pour s'insérer sur le marché du travail ? Deux jeunes sur trois qui quittent le système scolaire sans diplôme sont issus de l' immigration. Ceux issus de l'immigration du sud-est asiatique réussissent fort bien, mieux que les nationaux, et ce partout dans le monde.

Répondre -

Amélie
Vendredi 24 Février 2012, 11:08
Signaler un abus
Contrairement à une idée reçue largement diffusée et instrumentalisée, l'Etat surinvestit dans les quartiers populaires comme le démontre le géographe Christophe Guilluy.

"L’idée de la ghettoïsation «à l’américaine» suggère en effet que l’État républicain a déserté ces territoires. Stigmatisées, reléguées, les banlieues seraient ainsi sous-équipées et l’État y serait moins présent qu’ailleurs. Cette affirmation ne correspond pas à la réalité. Si la permanence des difficultés sociales révèle une forme d’impuissance des pouvoirs publics, elle ne signifie pas pour autant que l’État s’est désengagé. D’ailleurs, ces territoires bénéficient le plus souvent d’une densité d’équipements publics supérieure à celle des territoires périurbains et ruraux

C’est dans cette optique que le sociologue Dominique Lorrain a réalisé une étude comparative sur les investissements publics entre le quartier des Hautes-Noues à Villiers-sur-Marne et un quartier de la périphérie de Verdun. Dans les deux cas, les populations concernées sont modestes et/ou précaires et les taux de chômage sont élevés. La cité des Hautes-Noues est classée «sensible», tandis que le quartier de la périphérie de Verdun n’a jamais fait parler de lui. Première surprise, le revenu moyen par habitant du quartier sensible de Villiers-sur-Marne est de 20% supérieur à celui de Verdun. L’auteur précise par ailleurs que les équipements culturels, les services publics et les facilités de transports sont moins fournis à Verdun : il faut compter trois heures pour rejoindre la métropole nancéenne contre vingt minutes pour rallier Paris depuis le quartier des Hautes-Noues. Enfin, et pour faire litière de l’idée d’un abandon des quartiers sensibles, le chercheur calcule le total des investissements publics par habitant. Le programme de réhabilitation dont bénéficie le quartier des Hautes-Noues prévoit une dotation de 12 450 euros par habitant tandis que le contrat de ville mis en place dans les quartiers de Verdun n’alloue que 11,80 euros par habitant. Les investissements publics étaient donc mille fois plus élevés dans le quartier sensible que dans les quartiers de Verdun pourtant socialement défavorisés!"

http://www.marianne2.fr/Exclusif-les-banlieues-masquent-les-vraies-fractures-francaises_a198742.html

Répondre -

petitoune
Samedi 25 Février 2012, 18:41
Signaler un abus
La Résistance civique n'est pas du communautarisme !
 Bonjour,

Je souhaite par cette contribution souligner l'engagement Citoyen et Républicain de Monsieur Nassurdine Haidari : si nous avions plus d'hommes et de femmes politiques à son image au pouvoir notre Nation se porterait bien mieux ! 

Le contenu des commentaires précédents dénonçant du communautarisme et un pseudo favoritisme des financements dans les banlieux ne doit pas être généralisé ce serait ignorer les réalités de bien des Français. Venez à la rencontre de Marseille la 2ème ville de France  traversez la Cité du Nord au Sud en dépassant le chemin touristique de la Corniche et nous reparlerons de la répartition des fonds publics, de la desserte des transports en commun et de bien d'autres problèmes et fractures sociales.

J'ai assisté à l'exclusion de jeunes diplomés sur des recrutements alors que les profils étaient en corrélation avec le poste à pourvoir sur un seul et unique motif : leur domicile situé dans des cités à mauvaise réputation.

On ne parle pas là de compétences ou d'inexpérience on parle d'incohérence et d'inégalité sociale : et qu'on ne vienne pas me parler d'immigration, tous ces jeunes diplomés au chômage sont à 99% Français et quand leurs parents sont issus de l'immigration ils sont eux la 3ème génération !

Parler de limiter le cumul des mandats, d'appliquer la Loi au regard des problèmes de logements et de la pénurie de logements accessibles au plus grand nombre, rappeler que les taux de chômage sont démultipliés dans les quartiers sensibles c'est simplement ce souvenir de la devise de la République Française : Liberté, Egalité, Fraternité...

Répondre -