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Le peuple tunisien persiste et signe sa Révolution (2ème partie)

Mercredi 09/11/2011 | Posté par Taha Jemili

Les résultats des élections en Tunisie ont été proclamés officiellement il y a quelques jours. Taha nous en livre ici une analyse détaillée, que nous vous présentons en deux volets. 2ème partie.

Pendant les trois semaines de la campagne électorale, des meetings dans toute la Tunisie sont organisés. Y compris dans les zones rurales, pour honorer la Révolution, qui y est née. Toutes les têtes de liste deviennent de véritables orateurs. La Tunisie est effervescente. Les débats ont envahi tous les médias. Des sujets de toute sorte, politique, idéologique, économique, social, culturel sont abordés. Tout le monde se manifeste. Les cafés sont pleins, les Tunisiens deviennent des politiciens.

Question d'identité
Une multitude d’intellectuels et d’experts en droit constitutionnel voient le jour, dominent les espaces médiatiques et consacrent à chaque rendez-vous une large séquence pour contrer Ennanhda. Ils sont dispersés dans différents partis et listes indépendantes (gauche, gauche démocrate, libéraux, laïcs, et surtout dans le Pôle Démocratique Moderniste.). Ils ont marqué la campagne en organisant une sorte de concurrence entre eux sur la problématique de l’identité de la Tunisie, une question qui n’est pourtant pas la préoccupation prioritaire des Tunisiens.

Ainsi, tout leur programme est basé sur des idées et des thèses trop théoriques, et parfois trop complexes pour un Tunisien classique, qui cherche avant tout à affirmer sa dignité. Ils ont commis une grande erreur stratégique et ont fait une grande pub gratuite pour Ennahda, ce qui s’est reflété sur le résultat final et le nombre de sièges obtenus par chacun.

Parmi ces différentes listes, le parti Moubadara, de l’ancien ministre des Affaires Etrangères de Ben Ali, il n’est honoré que dans son fief du Sahel (Sousse, Monastir, Mahdia) ; le parti libéral Affek Tounes, qui n’a guère attiré les Tunisiens ; et encore certaines personnalités, qui, grâce à leur poids et leur influence locale, ont obtenu de bons résultats dans leurs villes. En tout, ces listes variées et indépendantes ont cumulé 17% de l’Assemblée, soit 37 sièges sur les 217 à pourvoir.

Ennahda en tête
Ce score est assez faible, et ces représentants divers, et divisés, n’ont pas vraiment d’influence sur l’Assemblée.
En revanche, le résultat d’Ennahda lui offre une place importante. Avec 41% des suffrages, le parti islamiste obtient 90 sièges à l’Assemblée. Ces chiffres sont dus surtout au travail efficace mené par les dirigeants d’Ennahda. En faisant appel aux anciens prisonniers politiques du parti, qui, pour la plupart habitent les quartiers populaires, ils sont parvenus à toucher les Tunisiens. Leur discours, qui confirme le principe de la Révolution, est passé tranquillement dans tout le pays. 

Ce résultat ne permet toutefois pas à Ennahda d’avoir une majorité dans l’Assemblée. Des contacts pour cela sont prévus avec le Congrès Pour la République, arrivé deuxième dans la course électorale. Ce parti est dirigé par Moncef Marzoukhi, un visage connu par les Tunisiens à travers les émissions de la chaîne qatarie Al Jazira, et l’une des premières personnalités à s’être opposé à Ben Ali en 1994. Ancien président de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme, son discours est très simple, "sans prendre de gants", selon ses propres mots. Les Tunisiens le repèrent, son mouvement obtient 14% des suffrages, soit 30 sièges.

En troisième position vient ETTAKATOL, qui recueille près de 10% des votes et 21 sièges. Un résultat dû également à la simplicité du discours employé et à une objectivité affirmée quant à l’avenir de la Tunisie après cette échéance électorale. Pendant la campagne, ETTAKATOL a été le premier parti à montrer sa comptabilité ainsi que l’origine de son financement, le jour même où des polémiques ont couru sur le financement des partis politiques.

La Pétition surprise 
La vraie surprise de ces élections est venue d’Al Arridha (La Pétition Populaire), une sorte de liste indépendante, menée sous la coordination de Hachemi Haamdi. Cet islamiste de formation, vivant en Angleterre, propriétaire de la chaîne TV El Moustakillah, qui diffuse de Londres, a rassemblé sur place d’anciens historiens pour représenter ce courant. Avec un programme, à base de promesses, diffusé quotidiennement sur sa chaîne, l’argent de Hachemi Haamdi était bien présent sur le territoire tunisien. Contrairement à ses pieds, qui, eux, n’ont pas fait le déplacement.

La Pétition était arrivée initialement en troisième position et obtenait 25 sièges. Mais en raison d’un financement illégal de certaines listes et la participation de personnalités de l’ancien régime, l’ISIE lui a annulé six sièges, ce qui la mène à la quatrième place avec 9% et 19 sièges.

Echec des opposants historiques
Occupant la cinquième place, le Parti Démocrate Progressiste obtient 8%, soit 17 sièges. Un très mauvais résultat pour ce parti, dont la popularité, avant la Révolution, dépassait pourtant celle d’Ennahda. Le PDP paye ainsi d’avoir proposé, à la veille du 14 janvier, un gouvernement d’alliance nationale avec Ben Ali. Les Tunisiens ont alors interprété qu’Ahmed Nejib Chabi, le doyen des opposants au régime de Ben Ali, voulait enliser la Révolution.

Il a également été très critiqué pendant sa participation aux deux gouvernements après le 14 janvier, sous l’autorité de l’ancien premier ministre de Ben Ali. Lors de la campagne électorale, il a abusé de la pub, et les Tunisiens ont rangé le PDP dans les partis de "pots de yaourts". Sa marchandise n’a pas plu aux Tunisiens, il en a subi les conséquences et signe son effondrement.

Un effondrement qui a aussi touché le 
Parti Ouvrier Communiste Tunisien, qui estimait pouvoir atteindre les 10% avant les élections. Il ne décroche finalement que 3 sièges, soit à peine plus de 1%. Pour le POCT, le fait d’être resté fidèle à son emblème, la faucille et le marteau, a pu avoir un impact. Les Tunisiens ont peut-être subi un flash-back des années 60, une période qui a marqué la société avec l’expérience des coopératives. Malgré son soutien illimité au principe de la Révolution, Hamma Hamami, le secrétaire général de ce parti, s’est perdu dans le labyrinthe de la scène politique. 

Désormais pour les Tunisiens, le chemin vers la sortie de ce labyrinthe est connu. Le peuple a élu une Assemblée variée, en choisissant les couleurs primaires fortes et brutes pour peindre son tableau. Il expose maintenant son œuvre devant le monde qui l’a salué chapeau bas jusqu’à cette étape dans le processus démocratique.


Crédit photo : Amine Ghrabi

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