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« Notre époque a besoin de limitation »

Mardi 02/06/2009 | Posté par Benoît Gilles

EUROPEENNES 2009. Cinquième sur la liste Europe-Ecologie, la Marseillaise Aïcha Sif est comédienne et metteur en scène. Pour le Marseille Bondy Blog, elle explique les raisons de son engagement.

Le rendez-vous est donné à la terrasse du Bar du Marché, place Notre Dame du Mont, à deux pas du local de campagne de la liste Europe Ecologie. « J’aime ce quartier. Il est vraiment agréable », sourit Aïcha Sif en commandant un déca. Terrasses, marchés, bars et associations culturelles font de la Plaine un quartier vivant où l’on sort volontiers. D’où l’on ne sort pas, parfois. D’emblée, Aïcha Sif prévient. Elle est une transfuge.
Comme comédienne et metteur en scène, elle a fait ses classes au théâtre des Amandiers, à Nanterre, sous la houlette de Jean-Pierre Vincent. Avant de rejoindre Marseille, voici 10 ans, pour y poursuivre l’aventure théâtrale. Elle fait donc partie de la cohorte de Parisiens, mais aussi de Lyonnais, de Grenoblois… qui ont rejoint le sud, témoignant de ce qu’on a appelé l’effet TGV. Politiquement, elle a aussi franchi des lignes en rejoignant les Verts après avoir été longtemps une militante socialiste. Jusqu’à quitter « cette famille » pour en retrouver une autre au sein du regroupement Vert, prélude d’un engagement au long cours.

Du PS à Europe Ecologie, du militantisme à la candidature… Quels changements motivent votre engagement ?

Aïcha Sif : « Le monde a changé. On le voit bien avec la crise. Même le clivage gauche/droite n’a plus vraiment de sens. Personnellement, je ne pouvais plus entendre certains socialistes tenir un discours libéral en sachant où cela nous mène aujourd’hui. On ne peut plus y croire. Et, pourtant, au PS, j’y ai encore mes amis et une grande partie de ma famille. Mais, d’abord, Europe Ecologie ne ressemblent pas aux autres listes, j’y ai justement trouvé un esprit de famille. A nos rassemblements, on vient avec nos enfants. C’est à cet endroit que je souhaite militer. Un endroit où je peux venir avec mes enfants et mes parents, où papys, mamies, actifs et enfants se rassemblent. J’ai eu l’impression d’entrer dans une nouvelle fraîcheur.

Pourtant les Ecologistes ont plutôt l’image d’un parti divisé. Et, entre José Bové et Cohn-Bendit, il y a un vrai clivage…

Quand on vient du PS, c’est effectivement l’image qu’on en a. Or, les Verts ont cette qualité rare de pouvoir travailler avec des gens très différents et d’arriver, au final, à les rassembler. C’est le cas pour cette élection. Personnellement, j’y ai fait des rencontres qui m’ont ouvert les yeux, notamment sur les questions environnementales. Des rencontres avec des auteurs et des livres aussi. En allant vers eux, je suis allée vers l’origine de cette prise de conscience écologiste. Ils ont été les premiers, les autres ne sont que des photocopies. Il n’y a qu’à voir ce qui s’est passé avec le Grenelle de l’environnement. Or, chez les Verts, il y a des experts et des laboratoires indépendants. Ce qu’ils nous apprennent est à la fois incontestable et vérifiable. C’est parfois même terrifiant. Aujourd’hui, j’ai vraiment peur d’une grande catastrophe.

Que faire face à ça ?

Je crois beaucoup à l’idée de limitation. Il n’est plus possible de continuer à se développer à tort et à travers dans cette forme de croissance folle, alors qu’on a déjà claqué une bonne partie des réserves de la planète. Pourquoi quand je vais à Berlin, je trouve la ville plus propre ? Tout simplement, parce que les Allemands ont appris à se limiter. Or, c’est quelque chose que l’on peut appliquer dans notre vie, à soi, à sa maison, sur ses déplacements, ses déchets. Cela change le rapport au monde, à soi et aux autres. On entend tant de gens qui ont envie d’arrêter de fumer et qui n’y arrivent pas…

Les Verts ont aussi la solution contre la tabagie ?

Non, mais il y a là un espace où en parler, où l’on peut élaborer une pensée ensemble. Dans ma compagnie [Compagnie des hommes et choses, ndlr], il a fallu trouver des solutions face à la diminution des subventions. On ne pouvait plus faire des spectacles comme avant en courant après l’argent public. Ma scénographe a commencé à appeler des collègues dans tout le pays. Il y a des décors stockés partout. Un vrai réseau de solidarité et de récupération s’est mis en œuvre. Maintenant, cela ne règle pas tout. On a encore besoin de l’argent public. Je fais partie du syndicat des artistes et, certains sont là pour que rien ne change dans ce rapport à l’argent. Ce n’est pas mon cas. Aujourd’hui, on traverse une vraie crise face à laquelle il va falloir trouver de nouvelles façons de travailler.

Qu’est-ce qui vous a amené à faire acte de candidature ?

Il y a six mois, je participais à un rassemblement et quelqu’un abordait la question de la cantine et de ce que nos enfants y mangent. Je suis intervenue pour dire qu’il y avait peut-être une question au moins aussi importante : celle de l’éducation et de la culture. On parlait depuis trois heures et ces questions n’avaient jamais été abordées. Après la réunion, des responsables m’ont appelée pour savoir si je souhaitais m’engager. J’ai même été un temps en troisième position avant de laisser ma place à une écologiste de longue date. Mais je ne suis pas candidate pour être élue mais pour soutenir Michèle Rivasi, notre tête de liste. C’est une femme de conviction, qui a un vrai sens politique et connaît parfaitement ses dossiers. Mais ce qui m’intéresse avant tout, c’est le 8 juin, l’après élection. Comment ont fait passer le message d’une autre forme de croissance. Notre époque a besoin de limitation. On ne peut plus consommer comme on le fait.

N’est-ce pas un « tue l’amour », cette notion de limite ?

Non, au contraire. Il y a de la liberté dans la contrainte. Ce n’est pas une idée triste. Car, derrière, il y a la question du choix. Le choix de ce qu’on mange, de comment on construit, comment on fait la ville, de quel monde on laisse à nos enfants ? Ce sont des questions obligatoires. Elles remettent l’homme au centre en pensant au passé et au futur, à notre histoire et à ce qu’on en fait. C’est l’exact opposé de la dictature du profit qui nous a conduit là où on en est aujourd’hui.»

Les Verts sont en meeting à Marseille, ce Mardi 2 juin à la Friche Belle de Mai, à partir de 18 heures.,

Image : Capture d'écran d'un post de Dailymotion: lecture d'un texte par Aïcha Sif, lors d'un rassemblement à Tricastin.



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