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Le service civique, nouvel Eldorado d’une jeunesse au chômage ? 2e partie : les dérives

Vendredi 18/05/2012 | Posté par Mickael Achard

Le service civique, qu'est-ce que c'est ? Dans cette enquête en deux volets, Mickael nous présente en détails les atouts et les faiblesses de ce dispositif.

Le service civique peut être une chance pour les volontaires, comme il peut être une mauvaise aventure. Pour Imane, son volontariat au sein d'un Centre d'Étude et d'Action Sociale dans les Pays de Loire s'est transformé en enfer : "Je ne m'épanouis pas du tout dans ma mission. Je me sens complètement délaissée par mon association qui ne prête pas attention au contenu de mon travail. J'ai perdu toute confiance en moi." 

Quant à son tuteur dans la structure, il ne remplit pas sa part du contrat : la former, l'accompagner. Bien au contraire, comme le note la jeune femme de 25 ans en mission rédaction d'articles : "Mon tuteur m'a donnée des lectures et il m'a dit 'la formation c'est apprendre toute seule'." 

L'agence service civique a une obligation de contrôle des structures d'accueil, tel est le rôle des référents départementaux. Or, seulement 20% des structures agréées dans un département sont contrôlées chaque année. Le problème est d'autant plus important que des jeunes de 16 ans, sans expérience professionnelle, peuvent se retrouver isolés dans ces structures d'accueil.

Quand nous interrogeons un référent régional sur cette question (ce dernier souhaitant rester anonyme), il est obligé d'admettre qu'il existe des brèches dans le dispositif. Les référents n'ont pas les moyens humains ni financiers de s'assurer que tout se passe bien.

Et pire encore, ils ne peuvent pas non plus savoir si les jeunes sont informés du fait qu'il existe des référents pouvant leur venir en aide : "Il faut que nous passions le message qu'il y a toujours un interlocuteur qui peut les soutenir et jouer un rôle de médiateur." 

Mettre un jeune, souvent sans bagage, à disposition d'une structure d'accueil, devrait engager davantage la responsabilité de l'État. Le référent régional pense que la solution peut se trouver dans le développement des formations civiques et citoyennes : "Il faut que les jeunes qui se trouvent seuls dans des structures puissent rencontrer d'autres volontaires. Il faut qu'il y ait une mise en relation qui permette de comparer leurs situations et d'échanger leurs connaissances." Pour le moment, le service civique est très en retard sur cette démarche.


Un nouveau contrat précaire pour les jeunes
Martin Hirsch, aujourd'hui président de l'Agence du Service Civique disait en 2010 à l'occasion d'une rencontre avec des volontaires : "Nous garantissons que le service civique soit accessible à tous, qu'on ne sélectionne pas les jeunes pour leur diplôme, c'est ça le fondement." Malheureusement, force est de constater que l'essence du dispositif n'est pas respecté.

Bien au contraire, ce principe d'égalité est un vain mot dans de nombreuses structures. Certaines structures conçoivent le service civique comme l'opportunité d'avoir un salarié "low cost".

Pire encore, elles ne s'en cachent pas. Il suffit de nous rendre sur des sites d'offres d'emplois, tel que "Profilculture". La commune de Saint-Rémy de Provence propose justement un service civique pendant 11 mois à partir du 5 mars 2012, mais pour cela, il faut que le volontaire ait un diplôme en histoire ou médiation culturelle, qu'il maitrise les logiciels informatiques et notamment PAO, et, il est même "indispensable" qu'il ait son permis B et un véhicule personnel.

Quand une volontaire a dénoncé sur le site de l'Agence du Service Civique la mairie de Bordeaux pour ce genre de faits, il a suffi à cette collectivité territoriale de déposer d'autres annonces en supprimant la partie "description du profil recherché". Plus qu'un non respect des principes du service civique, il s'agit d'un détournement du dispositif.

Cette situation est d'autant plus hypocrite, car beaucoup savent que le service civique est aussi considéré comme un contrat de travail précaire. Pour le référent régional de l'Agence du Service Civique "c'est en effet un constat que l'on peut faire, nous faisons une vérification au moment des demandes d'agrément des structures. Nous pouvons voir si la structure utilise le service civique comme un contrat professionnel à bas coût."
Pour Fathia, la responsable d'équipe à Unis-Cité, la réalité est telle que "les jeunes diplômés eux-mêmes viennent faire un service civique car il n'y a pas de boulot. Ils le disent."


Des solutions ?
Nous pouvons donc distinguer deux types de structures, celles qui répondent aux critères et aux objectifs du service civique, et celles qui recherchent des salariés à bas coût. Quant aux jeunes, il y a d'un côté ceux qui veulent faire une pause dans leurs études, ceux qui veulent s'engager et découvrir le monde du travail, et de l'autre, ceux qui sont au chômage et qui n'ont pas d'autres moyens pour travailler que de réaliser ce service civique. Devons-nous accepter cette situation ou bien adapter le dispositif à la situation des jeunes ?

Le taux de chômage des jeunes en France est alarmant depuis des années. Le service civique ne pouvait se transformer qu'en emploi précaire pour beaucoup de jeunes. Les décideurs politiques ne pouvaient l'ignorer. Cela signifie que ce dispositif est une manière indirecte pour l'État d'embaucher des jeunes pour un coût dérisoire. Avoir un diplôme, travailler 35 heures par semaine et être indemnisé en France 540 euros mensuel équivaut à de l'exploitation.

Cette situation n'est pas acceptable pour notre démocratie. Aussi, il est indispensable que le nombre d'heures hebdomadaires réalisé par les volontaires soit réduit et que l'indemnité perçue soit adaptée aux situations. 

Comme le met en avant Hajni Kiss Agostini, directrice des Francas 13 :
"Nous avons choisi de limiter l'engagement des volontaires à 26 heures par semaine car sinon, cela pourrait s'apparenter à de l'exploitation." 



Crédit photo : Francas 13 


 

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Mickael Achard -