Plus Belle La Vie, c’est pas la vie
Mardi 17/03/2009 | Posté par Maÿliss Francisco (EJCM)
Le feuilleton de France 3 est un tel succès, qu’une boutique Plus belle la Vie a ouvert juste en face du Bar des 13 coins, au Panier. Ce quartier et ce bar ont servi de modèles aux scénaristes. Et, au Panier, on n’aime guère la version télé.
Boulangeries, pâtisseries, boucheries, drogueries, fleuristes. Autant de commerces qui se comptaient par dizaines il y a 20 ans dans le quartier du panier. Aujourd’hui que reste-t-il ? «Rien ! C’est la mort du quartier ! D’un quartier de pêcheurs le Panier est devenu une station balnéaire !», s’indigne Dominique, la patronne du célèbre bar des 13 coins situé sur la place du même nom*.
Plus vieux quartier de Marseille, sas d’entrée des migrants de la ville, le Panier serait devenu une halte pour touristes digne d’une station balnéaire ? Le qualificatif a pris un sens fort depuis l’apparition de la boutique Plus belle la Vie en face du Bar des 13 Coins. Déjà célèbre par la fiction pour avoir été fréquenté par Fabio Montale, le héros de Jean-Claude Izzo, ce bar a également servi de modèle aux créateurs de Plus belle la Vie pour le Bar du Mistral, un café restaurant à l’allure surannée situé sur la place centrale du quartier.
Si la façade est presque en tous points conforme, on ne peut pas en dire autant en y pénétrant. Avec son intérieur mal éclairé et ses peintures un peu défraîchis, le bar des 13 coins est loin de la clarté et du confort du bar du Mistral. Mais pourquoi la patronne ne profite-t-elle pas de la boutique toute proche pour donner un coup de fouet à son commerce ? Après tout, aujourd’hui, elle ne compte pas les journées creuses où seuls les cafés de quelques habitués empêchent la caisse de rouiller ? «Je ne suis pas propriétaire des lieux, donc je ne peux faire aucune modification. D’ailleurs je le pourrai que je ne le ferai pas, insiste Dominique. Faire ressembler le bar à celui de la série ? Hors de question. C’est nous qui l’avons inspiré pas le contraire. Chercher à profiter de la clientèle de la boutique ? Ils me font vivre 4 mois par an, je ne vais pas mettre dehors mes habitués pour eux».
Critiques télé
Mystère résolu. Si le bar ne vit pas mieux malgré l’attraction considérable de touristes sur la petite place c’est tout simplement que les occupants ne souhaitent pas vraiment changer les choses. Ici Plus Belle La Vie, ce n’est pas vraiment la vie. Extraits de quelques conversations de comptoir :
Assis dans un coin devant sa bière, Titus qui nous écoutait de loin prend soudain la parole :
«Il y a 4 ans la série m’enchantait, la plupart des scènes étaient vraiment tournées au panier. On reconnaissait le quartier. Maintenant c’est plus rare qu’on les voit bouger de leurs studios. Je me rappelle une fois, aux tous débuts, avoir vu Frémont en train de tourner une scène. Une voiture passe, le conducteur qui crie : « oh Frémont ! Quand est-ce que tu le tue Léo ? » et lui qui répond « t’inquiète pas, je m’en occupe ! » Ca c’était ce qu’on pouvait voir tous les jours. C’est plus aujourd’hui que ça arriverait. Maintenant les touristes ils viennent voir ça comme un musée».
Les habitués se rapprochent autour du comptoir de Dominique et c’est Jeannot qui intervient :
«Moi je regarde même plus. Je trouve que ça nous représente plus, si ça nous a déjà un jour représenté. On n’est pas le quartier criminogène auquel tout le monde pense. Ici y a pas plus de brebis galeuses qu’ailleurs. Pourtant c’est tout ce qu’ils semblent montrer».
Le fin mot revient à Dominique qui s’exclame en resservant tout le monde :
«De toute façon on en a déjà beaucoup débattu, Plus belle la vie ce n’est pas le Panier. Le Panier maintenant ça devient le Montmartre marseillais. C’est un quartier où les gens habitent et où les commerçants font faillite. Même la chocolatière juste à côté est partie et pourtant elle est très connue ! Ca fait 45 ans que je suis dans ce quartier et je ne l’ai vu que décliner. Je vous assure qu’il n’y a rien qui pourra le sauver».
Même pas les touristes ? «Surtout pas les touristes». Il suffit de se rappeler de l’attaque du petit train en 2001, organisée par Marc Boucherot, artiste interventionniste, qui résume assez bien l’état d’esprit des habitants. Accompagné de gens du quartier, véritables indiens sur le sentier de la guerre, il a attaqué le petit train rempli de touristes à grand renfort de seaux d'eau, de farine et de cacahuètes en criant «Le Panier n'est pas un zoo !» Avis aux amateurs…
* En réalité il s’agit de la place des 13 cantons. Place à un petit cours d’histoire : ce nom provient en effet de l’enseigne d’une auberge « Les treize cantouns » fondée au XVIIe siècle par un Suisse ; à cette époque la Suisse était effectivement constituée de treize cantons et si les Marseillais l’appellent autrement c’est que, en provencal, le cantou, c’est un coin, et tres cantou, c’est trois coins comme celles des trois rues qui débouchent sur la place. C’est de là que vient l’étymologie de la Place des Treize Cantons, mal traduite en français !
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Par Tony Off