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Dernières prières pour l’Hôtel Dieu

Lundi 25/05/2009 | Posté par Laura Taillandier (EJCM)

En 2011, le célèbre hôpital deviendra un palace 4 étoiles de l’enseigne Intercontinental. Un projet astronomique de 130 millions d’euros qui ne fait pas l’unanimité chez les Marseillais.

L’Hôtel Dieu, c’est un peu comme une salle de théâtre. Il y a le côté scène. Une grille imposante. Des barreaux immenses entre lesquels les curieux aperçoivent un jardin pittoresque et une façade resplendissante. Véritable star, le bâtiment datant du 18ème siècle, coincé entre la mairie et le quartier du Panier,  s’offre aux flashs des touristes. Autour, il y a des terrasses ensoleillées, des boutiques de produits artisanaux, des joggers qui contournent l’édifice… Le tout sonne un peu comme une carte postale provençale.
 
L’annonce de la transformation de l’Hôtel Dieu en un palace de 180 chambres, avec salle de conférence, restaurants, et piscines, en a ravi plus d’un. « Ce sera un bel hôtel, avec une vue extraordinaire sur le Vieux Port et Notre-Dame de la Garde, se réjouit Renaud, c’est une chance pour Marseille de se doter enfin d’une hôtellerie haut de gamme comme les autres grandes villes françaises. » Tablier noué à la taille, bras croisés sur la poitrine, et le sourire aux lèvres, le gérant de ce bar à vin, imagine déjà la horde d’affamés qui vont pousser les portes de sa cantine : « Il va y avoir des travaux. Et les travaux, ce sont des ouvriers, des architectes, qu’il va falloir rassasier ! »

Même son de cloche chez sa voisine, Katia, responsable d’une boutique. Postée entre les savons multicolores et les flacons d’huiles essentielles,  elle est catégorique : « En tant que commerçante ce projet est une aubaine. Ce futur hôtel accueillera une clientèle aisée à la recherche de produits authentiques. Pile ce qu’il nous faut ! »

Mais il y a l’envers du décor. Quand on quitte la Place du Palais et que l’on grimpe rue du Poirier, la façade clinquante de l’Hôtel Dieu laisse place à un bâtiment décrépit. Blockhaus? Ancienne prison ? Les touristes s’interrogent sur cette bâtisse à l’abandon. Ils ont rangé l’appareil photo et observent perplexes les gouttières rouillées, les issues bétonnées, les carreaux cassés et les planches de bois sur les fenêtres. Les rues sont étroites, presque accolées aux grilles de l’ancien hôpital. Tous se demandent comment grues, pelleteuses et bétonneuses vont pouvoir accéder au chantier. 

En coulisses, le futur palace n’enthousiasme plus personne. Rue des Belles Ecuelles, l’annexe du centre social Baussenque, est aux premières loges des travaux. Les employés ont servi le café et discutent ensemble de ce « symbole du patrimoine marseillais qui va disparaître » Pour ces familiers du quartier, le projet d’un hôtel de luxe à la place de l’hôtel dieu, n’a de logique que le nom. Echarpe autour du cou et gobelet à la main, Sandrine, 35 ans, hausse les épaules, résignée : « C’est du grand n’importe quoi !» Et d’ironiser : « Mettre le luxe en avant, en pleine crise, dans la ville la plus pauvre de France, dans un quartier populaire, c’est d’une logique implacable ! »

Tous ici déplorent la perte d’un lieu historique. « Les médecins qui ont 45 ans aujourd’hui ont tous été formés là », ajoute Yannick, son collègue, en pointant du doigt l’ancien hôpital, aujourd’hui en ruine.  « C’est un symbole que l’on va détruire. » Sandrine approuve : « On liquide le patrimoine marseillais, ça me désole. » Les travaux devraient commencer en mars.

Photos: Laura Taillander

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Laura Taillandier (EJCM) -