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Richard Stallman, l'esprit de liberté

Vendredi 02/03/2012 | Posté par Nicolas Bourrel (EJCM)

Le 22 février, Richard Stallman, initiateur et ardent défenseur des logiciels libres, était à Marseille. L'informaticien, de renommée mondiale, donnait une conférence à la Fac Saint-Charles. Nicolas, qui y assistait, revient sur la soirée et nous propose de mieux connaître le personnage et l'ensemble des thèmes abordés lors de sa conférence.

La barbe éternelle, le sourire peu avare, et la silhouette bon vivant : derrière son allure de Père Noël bienveillant, Richard Stallman a pourtant tenu, comme à son habitude, un discours très radical, lors de sa conférence mercredi 22 février.  Le charme n’en a pas moins opéré avec un grand amphi de la Fac Saint-Charles quasi-comble et un programmeur vedette maintes fois ovationné. Passionnant, drôle et irrésistiblement subversif.


Le logiciel libre en trois mots
L’apôtre du Free Software (logiciel libre) a tenu pas moins de quatre heures de discours afin de promouvoir sa philosophie, toujours en soulignant la dimension éthique de sa pensée et sa volonté de lutter contre les programmes privateurs et les logiciels propriétaires.

S'exprimant dans un français plutôt bien maîtrisé, il a su ainsi résumer le logiciel libre en trois mots : Liberté, Égalité, Fraternité. "Les trois mots que Sarkozy déteste"lance-t-il d’un rire espiègle. "Liberté car un programme devrait toujours respecter celle des utilisateurs. Égalité car personne n’exerce de pouvoir sur personne dans notre logique. Fraternité car c’est une communauté basée sur l’entraide".

Il a ainsi rappelé que tout utilisateur devrait avoir le contrôle de son informatique. Un contrôle qui ne peut passer que par l’acceptation de principes éthiques (énoncés au bas de cet article - ndlr) et du respect des Droits de l’Homme. Sans ces principes, il s’agit donc d’un programme privateur qui se développe sous le pouvoir de son créateur et agit comme un joug en soumettant l’utilisateur à une dépendance dangereuse. 


"Windows est un malware" 
Cette dépendance, des millions d’utilisateurs la côtoient à travers l’utilisation de systèmes communément utilisés aujourd’hui. "Quelle habitude curieuse de penser qu’un malware (logiciel malveillant - ndlr) est un programme dont l’utilisateur ne connait pas l’existence. Windows est un malware universel et Microsoft a le pouvoir d’imposer des changements de logiciels à distance, de la même façon qu’Apple et ses iThings imposent les pires menottes numériques en limitant l’installation de programmes uniquement autorisés par Apple. Une véritable censure des idées."

Amazon et ses ebooks ne sont pas en reste. Considéré comme une menace aux libertés des lecteurs, il rend impossible l’achat anonyme, le partage, et s’attaque aussi à eux par l’utilisation de portes dérobées : "Amazon a d’ailleurs confirmé la nature orwellienne de sa politique en supprimant de son store un livre bien particulier : 1984." Le nom donné à la liseuse électronique d’Amazon n’est d’ailleurs pas anodine, selon lui : "Le Kindle - flamber, enflammer en anglais - a bien l’intention de brûler nos livres, même s’il s’en défend".

Ces portes dérobées, véritables systèmes de surveillance à distance, sont un danger pour les libertés individuelles et Richard Stallman le fait savoir en prenant des positions sans appel :  "Les téléphones portables en sont remplis pour géolocaliser l’utilisateur. Je n’en ai pas. C’est le dispositif rêvé de Staline. De même, en France le système d’achat vous demande votre nom pour un billet de train. Je ne donne jamais le vrai. Big Brother n’a pas à savoir où je vais."


La propriété intellectuelle dans le collimateur
Le partage est une composante cruciale de la philosophie du Free Software. Sans surprise, le défenseur du copyleft a déploré la guerre contre le partage qu’incarnent l’HADOPI et plus globalement l’ACTA sur lequel la Cour de Justice de l’Union Européenne se penchera bientôt

La première, qu’il juge "injuste dans son but et cruel dans ses mesures draconiennes afin de pousser les utilisateurs à ne plus partager", rejoint selon lui la logique du traité international. "C’est une attaque des États aux citoyens non seulement sur le partage, mais aussi contre les malades les plus pauvres en empêchant l’accès aux médicaments génériques. Voici le contraire de la démocratie. Pour la conserver, écraser ces traités est d’une importance vitale".

Interrogé sur la bonne manière de protéger les artistes, le programmeur a répondu sans ambiguité : "Protéger ça veut dire quoi ? S’il s’agit de limiter l’accès, je dis non. Les artistes ne devraient pas interdire le partage. Le partage est positif ! Je rejette d’ailleurs l’idée de les rémunérer, sauf s’ils sont engagés par un tiers. Apprécier une oeuvre ne t’engage pas dans on ne sait quelle dette vis à vis de l’auteur".

Il n’exclut cependant pas la mise en place d’un système de soutien aux artistes. "Deux possibilités : La première serait de leur consacrer une fraction du budget général ou un impôt, distribué progressivement selon leur popularité. La seconde, le paiement volontaire qu’il faudrait populariser et faciliter."

Stallman a par ailleurs réitéré sa critique envers les mesures techniques de protection (Gestion des Droits Numériques, ou DRM) et a insisté pour que toute image de son intervention soit publiée via un format libre.


La liberté comme socle éthique
La distinction entre logiciel libre et privateur est "fondamentalement éthique, sociale et politique". Et la liberté permet de jauger cette distinction entre utilisation juste et injuste. Elle permet d’éviter les dilemmes moraux qu’engage un logiciel propriétaire : "Si on vous demande une copie d’un logiciel propriétaire acheté, doit-on enfreindre le contrat ou bien priver un ami ? Je préfère le moindre mal et copier le fichier, mais rompre un contrat n’est jamais bon."

La liberté n’est pas non plus affaire de gratuité selon lui : "Flash est gratuit, mais pas libre ! La gratuité signifie juste dans ce cas précis qu’un utilisateur n’exige pas systématiquement de payer pour être abusé". 

La question du libre dans le secteur de l’industrie - extrêmement concurrentiel - et sur des sujets aussi sensibles que le fonctionnement d’une centrale nucléaire se pose chez certains intervenants. "Ça ne m’intéresse pas ! S’il s’agit de garder un secret pour justifier son avance sur les autres, je ne peux pas le cautionner. Pour le reste, il n’est pas obligatoire de publier un programme, mais je ne pense pas que l’obscurantisme ait jamais été bon pour la société".

Migrer vers le logiciel libre demande cependant un temps d’adaptation, et les habitudes ont la vie dure. La question se pose de savoir quels arguments peuvent être avancés pour convaincre les plus réticents. La solution de Stallman reste simple : "Mettre l’accent sur l’éthique. Les aléas pratiques sont secondaires. Comme je l’ai dit, tout ça ne coûte pas rien. Seuls ceux qui font l’effort de migrer au détriment de quelques commodités méritent d’être libres. La liberté exige des sacrifices, et seuls ceux qui savent l’apprécier la méritent."


Qui est Richard Stallman ?

Développeur américain à la renommée internationale, Richard Matthew Stallman [en anglaisest l’un des plus fervents militants du logiciel libre (Free Software). Proche de la communauté hacker, il décide de lancer en 1984 un système d’exploitation libre et complet dont les codes sources s’échangent librement, entièrement tourné sur la coopération et l’entre-aide. Le projet GNU est né. Dans cette logique, il créé en 1985 la Free Software Foundation [en anglais(FSF), organisation à but non lucratif destinée à promouvoir le logiciel libre et à financer le projet GNU. Il rédigera la Licence publique générale GNU (GNU GPL), qui définit les usages et le mode de diffusion du logiciel libre.


Principes éthiques du Free Software
La FSF juge un logiciel libre selon des critères bien définis. Pour cela, quatre libertés doivent être observées :

Liberté 0 : Pouvoir lancer et utiliser le programme lorsqu’on le souhaite

Liberté 1 : Pouvoir étudier et changer le code source d’un programme à son bon vouloir

Liberté 2 : Pouvoir distribuer une copie exacte du programme

Liberté 3 : Pouvoir distribuer des versions modifiées du programme


S’il porte en lui ces quatre libertés, son système social d’utilisation est éthique et respecte les Droits de l’Homme ; le programme est donc libre et répond aux conditions de la 
Licence publique générale GNU .

Chacune des libertés a sa logique propre et chacun peut y contribuer selon ses propres compétences."Un utilisateur non-programmeur peut toujours appliquer la Liberté 0 et 2. Mais la Liberté 1 et 3 restent primordiales. Nous faisons tous des erreurs. Et des millions de personnes ne savent pas coder. La seule manière d’avoir le contrôle et d’améliorer les choses c’est l’entraide", explique Stallman.

 
Le système GNU/Linux
Démarré en 1983 sous l’impulsion de Stallman, le développement du projet GNU s’est maintenue par la collaboration de toute une communauté. L’arrivée du noyau Linux développé indépendamment par Linus Torvalds finalisera la première version fonctionnelle du système en 1992.

Couramment raccourcie en "Linux", l’appellation "GNU/Linux" reste chère aux yeux de Stallman qui considère le système en grande partie comme le fruit d’une philosophie de départ propre à son projet et non à celle de Torvalds qu’il juge contraire à la sienne.

Il a rappelé également la vieille querelle sémantique qui opposait le Free Software à l’appellation "Open Source" dans laquelle Torvalds se reconnaît davantage. Stallman s’en offusque: "L’expression Open Source a été inventée pour se détacher des questions éthiques essentielles en ramenant le logiciel libre à une simple définition fonctionnelle et technique".



Crédit photo : Nicolas Bourrel



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Nicolas Bourrel (EJCM) -


Réactions des internautes

Romuald
Lundi 5 Mars 2012, 11:34
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Au boulot, l'incohérence de l'administration est de nous avoir mis Open Office; en revanche, on tourne toujours sous Windows et Internet explorer (qui rame à fond puisqu'en plus, c'est une ancienne version)...

Cherchez l'erreur !!!


Cela dit, sur mon PC perso, j'ai Windows, car nombre de programmes/jeux que l'on trouve dans le grand public tournent sous cet OS...

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