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Saint-André, le toit de Marseille et du monde

Vendredi 29/03/2013 | Posté par Philippe Schitter (EJCM)

Régulièrement, l'association Ancrages propose des balades urbaines. Le mois dernier, les promeneurs ont marché à Saint-André, sur les traces des anciennes tuileries.

Le quartier de Saint-André est situé au Nord-Ouest de Marseille, en direction de l’Estaque. L’association Ancrages et la coopérative Hôtel du Nord ont organisé le 9 février 2013 une balade patrimoniale retraçant l’histoire et la sociologie du quartier. De 1830 à 1979, les tuileries, essentiellement Martin Frères, ont rythmé la vie quotidienne du quartier, ont forgé son urbanisme et ont impulsé plusieurs vagues d’immigrations.

Les quartiers de Saint-André, Saint-Henri et de L’Estaque sont situés dans le bassin argileux de Séon. Ce territoire propice à la réalisation des tuiles va accueillir, pendant un siècle et demi, bon nombre d’usines comme les tuileries Martin Frères, Fenouil La Mer, Saumaty et Fenouil, Regali, La Viste, Guichard Frères, Guichard Carvin et Cie ou encore Pierre-Sacoman.

Les tuileries parviendront, malgré leur nombre élevé, à créer en 1901 la Société Générale des Tuileries de Marseille (SGTM). En s’associant, cette société avait pour but de « mieux vendre la production de chacun, plutôt que de se faire concurrence », selon les rédacteurs du site internet Le Temps des Sirènes.

Samia Chabani, déléguée générale d’Ancrages, nous a expliqué, au début de la balade, qu’il s’agissait de la mutualisation des marchandises pour présenter un guichet unique.

Un exemple concrétisant l’objectif de la SGTM et de ses tuiliers était, toujours selon Samia Chabani, celui du voilier anglais loué par ces derniers. En effet, chaque tuilier possédait un emplacement bien précis pour embarquer sa cargaison et la livrer à Melbourne. Outre l’Australie, les usines exportaient leurs tuiles vers une cinquantaine de pays.


La tuilerie, lieu de vie
La tuilerie Martin Frères était bien plus qu’une usine de travail, c’était un lieu de vie à part entière. La famille Martin, catholique pratiquante, finançait des œuvres sociales caritatives comme l’école des sœurs de la Conférence Saint-Vincent de Paul, située dans la traverse des Trois Sœurs. Autour de la tuilerie Martin Frères gravitaient des activités économiques annexes. 

Hélène Marchetti, que nous avons rencontrée au cours de la balade dans sa maison familiale, La Gazelle, située dans la traverse du Pas de Faon à Saint-André, nous les a décrites. En effet, elle nous a confié qua sa famille a travaillé pour la tuilerie Martin Frères, mais qu’elle disposait également d’une vache qui lui permettait de livrer du lait aux ouvriers de la tuilerie ainsi qu’aux hôpitaux de Marseille.

En outre et toujours d’un point de vue social, Samia Chabani nous a expliqué, au cours de la balade, qu’il y avait à Saint-André trois types d’habitat. Ces habitats sont : la bastide, occupée par le propriétaire de la tuilerie, la maison du contremaître et la courée ouvrière. La bastide des frères Martin était l’Émilienne construite en 1846, bastide existant toujours en l’état.



Bastide l’Émilienne de la famille Martin

La maison du contremaître était la maison en brique rouge située de l’autre côté du boulevard Labro, nom d’un résistant ayant remplacé l’ex-boulevard Martin, au numéro 67. Cette maison est également présente en l’état.

De l’usine Martin Frères il ne reste que, comme dernier témoin, la cheminée écrêtée que nous avons visitée au terme de la balade dans le récent quartier des tuileries constitué aujourd’hui d’habitat social.

L’Émilienne, la maison du contremaître en brique rouge et l’ancienne usine correspondaient à trois points alignés sur une droite descendante depuis cette bastide. Le but était d’offrir à la famille Martin une vision panoptique sur l’ensemble de la propriété de 14 Ha et cela afin de surveiller le contremaître et surtout l’usine.



Maison du contremaître de l’usine Martin Frères

 

Vagues d’immigrations, les forces vives des tuileries
Au sujet de l’habitat ouvrier, il y avait la cité ouvrière comme celle de Saint-Louis ou la courée ouvrière comme celle de l’impasse Rey, du nom d’un ancien propriétaire foncier. Samia Chabani nous a fait visiter cette courée en précisant qu’il s’agissait d’un habitat ouvrier non programmé et auto-construit par les Italiens et également habité par quelques Espagnols.

Au cours de notre balade patrimoniale à Saint-André, cette courée va nous faire aborder le thème des vagues d’immigration successives dans les tuileries, dont Martin Frères. En effet, nous avons pu rencontrer Annie Galvez, Robert et Encarnación qui représentent la mémoire vivante de cette courée de l’impasse Rey.

Courée ouvrière de l’impasse Rey

 

Le marché du travail étant très flexible pour les ouvriers des tuileries, Samia Chabani nous a précisé qu’on ponctionnait dans les mains-d’œuvre étrangères. Avant 1930, l'immigration ouvrière était essentiellement italienne, y compris piémontaise, et espagnole. En moindre mesure une immigration arménienne est venue travailler dans les tuileries, principalement suite au génocide arménien.

Entre 1930 et la fin des années 1960, elle était algérienne et essentiellement kabyle. De la fin des années 1960 à 1979, date de la fermeture de la tuilerie Martin Frères, cette immigration ouvrière était sénégalaise. Après 1979, ces ouvriers sénégalais, arrivés plus fraîchement en France, se sont retrouvés livrés à eux-mêmes, voire expulsés dans leur pays d’origine dans le pire des cas.



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Crédit photos : Philippe Schitter





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