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Une Pomme aux deux visages

Mercredi 14/03/2012 | Posté par Thomas Povéda

QUARTIERS DIVERS - La Pomme, dans le 11ème arrondissement. Là, comme souvent à Marseille, cohabitent un petit village et les barres d'immeubles de la cité Air-Bel. Deuxième promenade dans ce quartier, en compagnie cette fois-ci de Thomas.

Il n'y a pas d'arrêt "La Pomme" sur le plan du tramway. Il y passe pourtant. A William Booth, à peu près au milieu du quartier, les portes s’ouvrent sur une route bordée par des immeubles retranchés derrière des murs. Le crachin du jour aidant, il n’y a personne dehors. Le tramway semble aussi perdu que nous. Le paysage évoque presque celui d'un no man’s land.

Au bout d’une courte marche, le village apparaît, bien caché par les axes routiers. L’ambiance devient radicalement différente. Les petites maisons, la place de l’église, le bar PMU, les salons de coiffure,… Rien ne manque au décor du village provençal. En poussant la porte d’une pâtisserie, Mourad, 34 ans, nous accueille avec le sourire. 

Elle est comment la vie à La Pomme ? "Le village, c’est très différent de ce qu’il y a autour. Ici, on est très tranquille. Vous savez, la moyenne d’âge, c’est 70 ans au moins", lance-t-il dans un rire.

La proximité avec Air-Bel et sa réputation ? "Il n’y a pas de problème. Quelques fois, il y a des jeunes d’Air-Bel qui viennent avec leurs scooters et qui font du bruit. Mais il y a du respect entre nous."


Air-Bel, un monde à part

La "résidence Air-Bel", comme indiqué sur le panneau ("résidence" sonne mieux que "cité", sûrement), n'est pas loin. Quitter le village et rejoindre l'ensemble de bâtiments se fait vite. Le contraste en est d’autant plus saisissant. Les petites maisons familiales laissent la place aux barres HLM et les restes d’une voiture brûlée accueillent le visiteur. 

Pour se repérer, il y a des noms de rues et un plan affiché sur une grande pancarte. Inutile dans le village, presque indispensable ici. Il suffit d’un coup d’œil pour constater à quel point Air-Bel est replié sur elle-même. Le bâtiment 36 est celui du Centre Social. 

On y trouve de quoi occuper les jeunes de 3 à 25 ans, des permanences de la Caisse d’Allocations Familiales, des ateliers de recherche d’emploi, de l’alphabétisation, une pharmacie, une mini-crèche qui vient d’ouvrir, etc. 

Tout pour faire avancer les choses. Pourtant, les chiffres de l’INSEE sont éloquents : en 2006, La Pomme comptait 18 % de taux de chômage (15 % sur le 11ème arrondissement). La majorité est concentrée sur Air-Bel et ses 6000 habitants

"Le chômage est très important ici. Certains n’ont pas d’autres choix que de devenir des "Tom Sawyer", des débrouillards", assure l'un des responsables du Centre Social.
Le portait s’assombrit. "S’il n’y avait rien d’autre, les gens resteraient devant leur télévision. Le problème c’est qu’ici, pour sombrer, il y a de quoi faire.

Trafics, règlements de compte, les "activités" ne manquent pas. Les grands absents, ce sont les commerces : "Il n’y a pas de boulangerie, de distributeurs de billets, de bureau de poste… Il y en avait avant, mais ils ont tous fermé."


Dualité architecturale et psychologique
Quelques centaines de mètres plus bas, au village, le tableau est tout autre. Sur une rue de 100 mètres, trois salons de coiffure et quatre snacks se font de la concurrence.

Une jeune fille attend le bus en fumant une cigarette. Elle se sent bien à La Pomme. "J’habite ici depuis ma naissance, et je n’ai jamais eu de problème, au contraire. Les gens sont serviables, gentils, il y a beaucoup de respect." Un même quartier, deux points de vue différents.

Le responsable du Centre Social le sait bien. "La cité est très enclavée. Elle a beau être bien desservie, tout pousse à rester à l’intérieur. Les habitants ont conscience de cela."

Parmi les activités  proposées, des ateliers d’écriture pour les jeunes sont organisés. "La dualité apparaît de manière très forte dans les écrits. Les enfants savent qu’ici, il n’y a rien, mais ils aiment leur cité. C’est là tout le paradoxe", explique l'animateur. 

La crise financière aidant, l’injection de fonds est de moins en moins importante. "Le seul projet actuel, c’est la construction d’un terrain de proximité, pour faire du handball ou du basket-ball. Les politiques nous oublient complètement. La cité est enfermée", poursuit-il.
En à peine un an, la chute des budgets a été brutale. Le Centre a même failli fermer pendant quelques mois l’an dernier. 

La Pomme n’est pas si ronde qu’elle en a l’air. En quelques centaines de mètres, on y passe d’un monde à un autre. La cité enclavée se dresse parmi un village qui semble tout ignorer des conditions de vie de ses voisins. Au fond, voilà peut-être ce qui rend possible la cohabitation : l’ignorance. 


 




Crédit photos : Thomas Povéda



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Thomas Povéda -