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A la mémoire de Youssouf

Mercredi 29/07/2009 | Posté par Hakim Mohamed, Radouane Reggig, Soumicha Draoui, Bentir Mohamed, Nazary Mroivili (avec B.G.)

A la fin du mois de juin, un avion de Yemenia Airways s’est abîmé au large des Comores. Cette nuit là, 153 passagers ont disparu en mer. Youssouf était parmi eux.

Avec un groupe de jeunes du quartier Noailles, dans le centre ville de Marseille, Youssouf devait participer à un atelier de journalisme et intégrer le Marseille Bondy Blog. Ensemble, ils se connaissent depuis l’enfance, partagent tout, les galères et les joies. En juin dernier, Youssouf est parti au bled avec sa mère. Il n’en est jamais revenu. Ses amis ont voulu réunir ici les souvenirs qu’ils souhaitent conserver de lui.

Youssouf était grand, costaud, toujours un sourire aux lèvres. Il habitait Noailles depuis l’âge de huit ans. C’est là qu’on l’a tous connu.

Hakim : « Je me souviens des premiers paroles échangées avec Youssouf. Il avait 12 ans, peut-être un peu plus. Il revenait d’un long séjour aux Comores. Mes parents m’avaient amené chez lui. On a discuté de son année passée au pays, des changements qu’il avait vécus. Il avait perdu du poids et grandi. Quand il parlait les mots français et shikomori se confondaient. »

Nazary : « Je me souviens du jour où il a marqué son premier en club avec l’US Baille, en début de saison 2006. Ce but était beau parce qu’il avait tiré de loin (en dehors de la surface) et marqué en pleine lucarne. Après, il s’était mis à genoux. Youssouf n’était pas très à l’aise devant les buts et ne savait pas vraiment frapper. Il était donc un peu étonné de sa réussite. Il était surtout content et nous aussi. On s’est tous jeté sur lui pour le féliciter. C’était son premier but en match officiel. »

Radouane : « Je me souviens qu’on a participé ensemble à un tournoi de foot en Belgique en 2007. Il pleuvait sans arrêt. Le terrain était un vrai champ de bataille. On jouait contre des Hollandais, grands et gros, plutôt rudes. Youssouf était toujours solidaire, surtout avec moi, milieu défensif et lui, stoppeur. Si on me poussait, c’était souvent Youssouf qui répondait. L’inverse était aussi vrai. »

On se souvient qu’il qu’avait toujours le mot pour rire. Il saisissait la moindre occasion : un caleçon mis deux fois, deux chaussettes différentes, le prénom des parents, la vie de quartier, les expériences avec les filles. Mais, dans le chambrage, il n’en faisait jamais trop.

Ben Tir : « Je me souviens qu’il avait le don d’énerver les gens sans jamais être méchant. »

Radouane : « Je me souviens qu’il était toujours minutieux dans ses choix vestimentaires, toujours coordonnés pour les couleurs, comme pour les marques. »

Nazary : « Je me souviens que c’était un gourmand. Il avait toujours faim. Le vrai bon vivant. Au snack, au KFC, il avait toujours fini avant les autres. Il trouvait toujours une astuce pour nous piquer notre part sans que jamais on s’énerve. »

On se souvient qu’il ne cherchait jamais à se mettre en valeur gratuitement. Par exemple, avec sa copine, il gérait plutôt bien. Mais il ne s’en vantait pas. Il préférait jouer le mec dépassé alors qu’il avait une vraie relation sérieuse. Pour ça aussi, c’était le premier. Et, cette histoire, il ne la cachait pas.

Nazary : « Je me souviens qu’on n’arrivait pas à lui dire non.»

Ben Tir : « Je me souviens du jour de l’an 2008. Yousouf avait loué un vélo en libre service. Pour ne pas marcher, pour rigoler et le mettre au défi, on est montés à cinq dessus. Comme d’habitude, Youssouf était le pilote, un sur le guidon, un sur le cadre, un derrière et un sur ses épaules. On a remonté le cours Lieutaud jusqu’au boulevard Baille sans tomber. Comme le spectacle était insolite, les gens nous prenaient en photo. Youssouf était toujours à l’aise avec un guidon entre les mains. »

Radouane : « Je me souviens d’un jour où on discutait, rue Châteauredon, la rue où on habite. Youssouf était assis sur un palier et moi sur son scooter mais dans le mauvais sens. Il est monté sur le scooter devant moi et je m’imaginais déjà la scène : comme dans GTA San Andreas, le célèbre jeu de gangsters, lui qui s’enfuit et moi, derrière, qui tire sur les ennemis. Là, Youssouf a eu un grain de folie. Il a démarré le scooter et s’est engagé sur le cours Lieutaud avant de tourner rue Jean Roque. La scène était bien reconstituée puisqu’on avait la police aux trousses. Seulement, Youssouf s’est arrêté quand il fallait. Il s’est mis sur le côté et les policiers nous ont contrôlés. Ils étaient assez stupéfaits du spectacle. 10 minutes plus tard, tout était rentré dans l’ordre et on en rigolait. »

Hakim : « Je me souviens que Youssouf était un garçon généreux. Depuis l’an dernier, il avait décidé de livrer des pizzas tous les soirs pour avoir les moyens financiers d’aller aux Comores avec sa famille. Il voulait cet argent pour faire des cadeaux à tout le monde là-bas. »

Benoît : « Je me souviens que Youssouf était venu nous voir lors du reportage à Noailles sur la réaction à la mort de Mickaël Jackson. Il avait les bras chargés de sacs. Il venait de faire les soldes pour sa famille aux Comores. Il nous a dit que c’était pour cela qu’il ne pouvait pas participer à l’atelier. Il partait deux jours après.»

Ben Tir : « Je me souviens qu’avant son départ, on avait passé toute une nuit blanche ensemble à s’amuser. Après un dimanche à dormir, je l’ai revu au snack le soir pour lui dire au revoir. »

Radouane : « Je me souviens m’être baladé avec lui sur le Vieux-Port. Pour une fois, il ne me charriait pas alors que s’était son habitude parce qu’il savait que je m’énerve facilement. On s’est quitté en se serrant la main alors qu’on ne le faisait jamais d’habitude.»

Nazary : « Je me souviens que le dimanche avant qu’il parte, j’ai travaillé avec lui à la livraison de pizza. Pour moi, c’était la première fois et il m’a aidé à m’y retrouver dans les rues de Marseille. On s’est embrassé une dernière fois en bas de chez lui. Et il m’a demandé d’acheter ses habits pour la rentrée parce qu’il n’aurait plus un sou en rentrant des Comores. »

Soumicha : « Je me souviens quand on est parti tous ensemble à Paris, des moments de rires, de joie. Quand je lui ai demandé ce qu’il avait préféré de son séjour parisien. Il a dit : « le métro. J’ai adoré cette vie sous terre. » La dernière fois que je l’ai vu, je me souviens de son visage souriant, heureux de partir et de rejoindre les siens, ses amis, là-bas. »



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