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Aux Baumettes, la dignité est au placard

Lundi 27/12/2010 | Posté par Sharif

BEST OF 2010 : JUILLET. En Novembre 2009, l'eurodéputée Eva Joly estimait qu'il fallait raser et reconstruire les Baumettes. Six mois plus tard, rien n'avait changé. Entre délai d'attente, manque d'humanisme et vétusté des locaux, les familles et proches des détenus sont indignés.

 « Azouley, Bernardin, Francesco, Hamidi…Zédane*. » La liste d'une équipe de football? Non. Les noms des membres d’un régiment de militaires ou de commandos ? Rien de cela ! Le maton, debout devant la grande porte verte de la prison -au 213, chemin de morgiou dans le IX ème- et muni d'une liste cite les noms des visiteurs des captifs. Fatigués d‘attendre, nerveux, certains gênés du lieu qui les accueille, ils s'empressent d'entrer.
A leurs bras 
cabas et sacs plastiques contenants habits de rechanges, livres et autres articles autorisés feront le "bonheur" des incarcérés. « Les baskets et les CD sont permis maintenant, avant c'était interdit par peur des mouvements de rackets entre prisonniers » explique Nadège, une jeune fille des quartiers sud venue voir son petit frère. Cette scène se répétera environ toutes les demis heures, du mardi au samedi et de 08h00 à 15h30.

Un permis de visite est nécessaire. Pour son obtention, faire une demande par écrit, au directeur de la prison pour 
les détenus et au tribunal de grande instance pour les prévenus (ceux qui n‘ont pas encore été jugés). Documents et justificatifs seront à ajouter.

Amine 27 ans, électronicien, lance à son ami d‘enfance Nohman qui l’attendait dans sa voiture
« Dedans, c’est le parcours du combattant frère! J’ai galéré deux heures pour 30 minutes d’entretien avec mon petit frère, tu trouves ça normal toi ? Rien qu’on attend, avant le parloir, dans le parloir et aussi après le parloir, une fois dedans tu es soumis à leurs conditions ». A l’intérieur, tout un rituel est à observer; présentation d'une pièce d’identité, remise des sacs de linge propre, dépôt des objets personnels dans le casier puis passer sous le portique détecteur de métaux. Sans oublier les fouilles au corps et cela afin d’éviter toute intrusion d’armes, de téléphones portables ou tout autre objet métallique.

"Une atteinte à la dignité humaine"

« L’entretien s’est fait dans une pièce de 2 mètres carré sur une table d’écolier pourrie, de plus, deux portes vitrées de chaque côté excluent toute intimité. Presque tout le monde se voit, même qu’un couple ne faisait pas que discuter si tu vois ce que je veux dire! » précise Amine l’air gêné. Assises à même le sol, près du pénitencier trois femmes discutent entre elles  « ils m’ont fait ressortir trois fois du parloir, pour un paquet de chewing-gum, pour les chaussures de mon fils puis pour fouiller et mettre à nu mon mari que je venais voir. C‘est indigne à notre époque ! »

D’après elles, en plus des retards, l’accueil se fait dans « de mauvaises conditions ». Temps d’attente trop long, 
locaux insalubres, odeurs pestilentielles, murs gris et délabrés, sanitaires répugnants et encrassés, aucune table pour changer les couches des nourrissons.

Soraya, 28 ans, éducatrice en foyer dénonce le manque d’humanisme.
« Le personnel peut vous demander de vous mettre à poil si votre "soutifs" ou vos habits incorporés de fer sonnent au portique, et cela juste derrière un paravent, à la vue de tout le monde, et si vous n’acceptez pas, vous dégagez!  Alors, pour les prisonniers, olala ! Tous les moyens sont bons, l’inspection se fait de la tête aux pieds sans la moindre gêne, même qu’ils les penchent vers l’avant, sans vouloir rentrer dans les détails. »

Un malaise qui en dit long sur cette prison mise en service en 1936, et
« qui ne cesse de porter atteinte à la dignité humaine » d’après Soraya.  « Un séjour ici n’est qu’une formation au crime. Mon neveu, pour un arraché de sac car orphelin et s’occupant de ses petites sœurs se retrouve à 20 ans dans la même cellule qu’un gros bandit qui a pris 30 ans. On les mélange, on les abandonne, ils peuvent être quatre par chambre, on ne leur propose rien à côté, un bracelet** aurait été plus bénéfique pour sa réinsertion, mais rien à faire. »

Bernard, 62 ans, six mois qu’il vient voir son fils.
« Il a fait une cagade, bé maintenant il paie, que voulez-vous que je vous dise ? Poireauter des heures pour voir mon minot quelques minutes, à mon âge c’est pas chose facile! Heureusement, le "cab" m’a beaucoup soutenu ! » Le C.A.B (centre d’accueil des Baumettes) à 100 mètres du centre pénitentiaire propose accueil, écoute, aide et information aux familles en attentes de parloir. « Au moins ici ils peuvent attendre à l'abri du froid en hiver et de la canicule de l’été. Il n’y a pas grand chose ici et ils attendent dehors sans aucun soutien moral ou physique. C’est très pénible, surtout pour les personnes âgées et femmes enceintes. » déclare Madeleine une petite dame souriante et membre de l'association.

Pour Nadège, « les conditions de visites dans cette prison sont dignes des oubliettes de jadis ». Oubliés, ici 
l'humanisme et le respect de l'Homme (et de la femme) semblent l'être !

           
*les noms et prénoms ont été changés
**bracelet permettant aux condamnés à une peine d’emprisonnement le placement sous surveillance électronique (PSE) mis en oeuvre dans le courant de l’année 2000

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Sharif -