La prison lui a pris son frère
Vendredi 13/03/2009 | Posté par Eva Duval (EJCM)
Alexandre, 19 ans, dit Baba, a grandi à La Soude, une des rares cités réputées difficiles des quartiers sud de Marseille. Issu d’une famille modeste, Baba n’a pas eu une vie facile. Mais il n’aurait jamais imaginé perdre son frère en prison.
A la cité, tout le monde appelle Alexandre, Baba. Ce diminutif de son nom de famille a d'abord été donné à sa grande soeur. Le surnom d’Alexandre était alors "mini Baba". En grandissant, c’est devenu Baba tout court. Pour lui, l’avenir ne s’annonçait pas trop mal. A 15 ans, il avait trouvé sa voie. "Je voyais ma mère cuisiner, ça m’a donné envie de faire pareil", explique-t-il. Après une 3ème professionnelle, il s’engage dans une formation hôtelière à 17 ans et passe son CAP. C’est à cet âge que sa vie prend un virage plus sombre.
Son frère aîné, Cédric, surnommé Pilou, entre en prison, aux Baumettes, condamné à trois mois pour vol de scooter. "J’ai commencé à me mettre dans le trafic pour pouvoir apporter des sous, des habits et des produits à mon frère", me raconte Baba. Sa mère, en invalidité, n’a pas beaucoup d’argent. Lui se rendait toutes les semaines au parloir pour être aux côtés de Pilou et lui donner ce qu’il pouvait. "Il y a beaucoup de solidarité dans le quartier. Souvent, on me donnait même des trucs pour lui", se souvient Baba. "A la cité, tout le monde se connaît. Les 15-20 ans sont considérés comme les petits du quartier. Les plus grands, on doit les respecter", m’explique-t-il.
Son frère aîné fini par sortir de prison, mais il y retourne à peine 5 mois plus tard. Encore un vol de scooter. Il y reste une année entière, pendant laquelle Baba est, dès qu’il le peut, à ses côtés.
La troisième fois, la police en civil a débarqué à la porte de leur appartement HLM. Baba interroge son frère sur ce qu’il a fait. Il ne comprend pas. Mais il leur ouvre. Ils embarquent Pilou, accusé d’avoir "fait du trafic", selon ses termes. "Je me souviens, on jouait encore ensemble à la Play la veille".
Une lettre d'adieux
Baba fait aussitôt les démarches administratives pour obtenir un extrait de casier judiciaire : "c’est comme ça qu’il faut faire maintenant pour avoir le droit de se rendre à la prison", m’explique-t-il. Il n’aura pas eu le temps de rendre une seule fois visite à son frère. "Il s’est suicidé. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais je pense qu’il devait être en dépression là-bas. Il a juste laissé une lettre dans son pantalon", raconte Baba. Il sort une lettre de son sac, ainsi qu’une photo. "Je les ai toujours sur moi. Il avait 21 ans. C’était l’année dernière, le 16 février". Baba me fait alors lire la lettre. Effectivement, le grand frère ne donne pas la raison de son suicide, il fait seulement ses adieux à sa famille.
Baba a cessé tout trafic depuis la mort de son frère. Il est l’un des rares jeunes de cité à faire des études. "En juin, je passe mon brevet professionnel de cuisine. Et si je peux, je ferai un BTS restauration après. Sinon, je travaillerai".
Aujourd’hui, il vit avec sa copine à Marseilleveyre. Ils ont le projet de déménager à Montpellier l’année prochaine. Pour enfin commencer une nouvelle vie…
Photo : prison de Luynes - Juanpa / à-vifs
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Par Tony Off